Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7133

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Correspondance : année 1768GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 489-490).
7133. — À M. DAMILAVILLE.
13 janvier.

Je reçois votre lettre du 7 janvier, mon cher ami. Ne soyez point étonné de l’extrême ignorance d’un homme qui n’a pas vu Paris depuis vingt ans. J’ai connu autrefois un M. d’Ormesson, qui était conseiller d’État, chargé du département de Saint-Cyr. Il n’était pas jeune ; je ne sais si c’est lui ou son fils de qui dépend votre place. Il y a deux ou trois ans qu’un homme de lettres, qui était précepteur dans la maison, m’envoya des ouvrages de sa façon, dédiés à un M. d’Ormesson, lequel me faisait toujours faire des compliments par cet auteur, et à qui je les rendais bien. J’ai oublié tout net le nom de cet auteur et celui de ses livres ; j’ai seulement quelque idée que nous nous aimions beaucoup quand nous nous écrivions. Il me passe par les mains cinq ou six douzaines d’auteurs par an ; il faut me pardonner d’en oublier quelques-uns. Mettez-vous au fait de celui-ci. Il avait, autant qu’il m’en souvient, une teinture de bonne philosophie. Il pourrait nous aider très-efficacement dans notre affaire. Mandez-moi à quel d’Ormesson il faut que j’écrive ; je vous assure que je ne serai pas honteux. Mais surtout, mon cher ami, ne vous brouillez point avec l’intendant de Paris. Comptez qu’un homme en place peut toujours nuire. Mme de Sauvigny a de très-bonnes intentions, et quoiqu’elle protège M. Mabille, je peux vous répondre qu’elle n’a nulle envie de vous faire tort ; sa seule idée est de faire du bien à M. Mabille et à vous.

Encore une fois, n’irritez point une famille puissante. J’ai reçu aujourd’hui une lettre de M. le duc de Choiseul : il ne parle point de votre affaire ; tout roule sur le pays de Gex et sur Genève.

M. d’Alembert ne m’a point accusé la réception du paquet d’Italie. Je voudrais bien avoir le Joueur de Saurin, qu’on va représenter ; mais je serais bien plus curieux de lire le rapport que M. Chardon doit faire au conseil. Je compte lui écrire pour lui faire mon compliment de la victoire remportée sur le parlement de Paris. J’espère qu’il battra aussi le parlement de Toulouse à plate couture. J’espère que vous triompherez comme lui, et je vous embrasse dans cette douce idée.