Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7192

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Correspondance : année 1768GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 544-545).
7192. — À M. LE COMTE DE ROCHEFORT.
Ferney, 1er mars.

Vous m’avez envoyé, monsieur, du vin de Champagne quand je suis à la tisane ; c’est envoyer une fille à un châtré. Je comptais au moins avoir la consolation d’en boire quelques verres avec vous, si vous pouviez passer par notre ermitage. Mais Mme Denis part cette semaine pour Paris, pour des affaires indispensables ; et moi, je serai obligé, dès que je pourrai me traîner, d’aller consommer avec M. le duc de Wurtemberg une affaire épineuse dont dépend la fortune qui me reste, et celle de ma famille entière.

J’envoie à M. de Chenevières ce que vous demandez. M. le duc de Choiseul et M. Bertin en ont été très-contents. L’auteur, qui est inconnu, souhaiterait que M. le contrôleur général en fût un peu satisfait.

J’ai été très-affligé que M. de La Harpe ait donné un certain second chant[1]. Il savait qu’il ne devait jamais paraître ; il l’a pris dans ma bibliothèque sans me le dire ; cette imprudence a eu pour moi des suites très-désagréables. Je lui pardonne de tout mon cœur ; il n’a point péché par malice ; je l’aime. J’ai été assez heureux pour lui rendre quelques services, et lui en rendrai tant que je serai en vie.

Mes respects à Mme de Rochefort. Si je suis en vie l’année qui vient, et si vous allez dans vos terres, n’oubliez pas, monsieur, un solitaire qui vous est dévoué avec un attachement inviolable.

P. S. Voici ce qu’on m’envoie de Lyon[2] ; je vous en fais part comme à un homme discret, dont je connais la sagesse et les bontés. Pourriez-vous, monsieur, me faire savoir des nouvelles de la santé de la reine[3] ?

  1. De la Guerre civile de Genève.
  2. Lettre de l’archevêque de Cantorbéry, voyez tome XXVI, page 577.
  3. Marie Leczinska, morte le 24 juin 1768.