Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7198

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Correspondance : année 1768GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 549).
7198. — À MADAME DE SAINT-JULIEN.
À Ferney, 4 mars.

M. Dupuits, madame, est allé à Paris vous faire sa réponse. J’en aurais bien fait autant que lui, si j’avais son âge ; mais il faut que je reste dans mon tombeau de Ferney.

J’ai envoyé ma nièce et ma fille adoptive à Paris, pour arranger de malheureuses affaires que vingt ans d’absence avaient entièrement délabrées[1]. Ce sont bien plutôt leurs affaires que les miennes, car j’achève ma vie avec peu de besoins ; et si j’étais à Paris, mon premier devoir serait de vous faire ma cour. Il est vrai que je ne pourrais aller à vos rendez-vous de chasse : pour les autres rendez-vous, ce n’est pas mon affaire ; il faut être pour cela du métier des héros, et je n’ai pas l’honneur d’en être.

Je vous souhaite, madame, autant de plaisir que vous en méritez. Agréez les vœux et les respects de votre très-humble et obéissant serviteur.

P. S. Ne lisez point, madame, ce plat rogaton[2] ; mais donnez-le à M. l’abbé de Voisenon, afin qu’il l’aiguise.

  1. Dans sa lettre à Mme de Florian, n° 7227, Voltaire se plaint de l’humeur de Mme Denis. Les Mémoires secrets du 30 mars 1768 disent que la séparation venait de querelles domestiques. Wagnière (Mémoires sur Voltaire, etc., 1826, II, 269) dit que Voltaire chassa Mme Denis. Malgré ses graves sujets de mécontentement, le philosophe fit à sa nièce une pension de 20,000 francs.
  2. Lettre de l’archevêque de Cantorbéry à l’archevêque de Paris, voyez tome XXVI, page 577.