Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7220

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Correspondance : année 1768GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 566-567).
7220. — À M. PANCKOUCKE.
À Ferney, mars.

En vous remerciant, monsieur, de votre lettre et de votre beau présent[1], qui ornerait le cabinet d’un curieux. Vous vous êtes chargé d’un livre qui ne se débitera pas si bien[2]. Je vous en ai averti dans un petit prologue de la Guerre de Genève, qui n’est pas encore parvenu jusqu’à vous. Les goûts changent aisément en France. On peut aimer Henri IV sans aimer la Henriade. On peut vendre des ornements à la grecque, sans débiter Mérope et Oreste, toutes grecques que sont ces tragédies.

Et Gombaud tant loué garde encor la boutique.

(Boileau, Art poét.', ch. IV, v. 48.)

Si j’avais un conseil à vous donner, ce serait de modérer un peu l’ancien prix établi à Genève, mais de ne point jeter à la tête une édition qu’alors on jette à ses pieds. Il faut que les chalands demandent, et non pas qu’on leur offre. Les filles qui viennent se présenter sont mal payées ; celles qui sont difficiles font fortune ; c’est l’a b c de la profession : imitez les filles ; soyez modeste pour être riche. Intérim je vous embrasse, et suis de tout mon cœur, monsieur, votre, etc.

  1. Les Œuvres de Buffon.
  2. L’édition in-4° des Œuvres de l’auteur, que M. Panckoucke venait d’acquérir de MM. Cramer de Genève.