Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7362

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Correspondance : année 1768GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 141-142).
7362. — À M. LE COMTE DE WARGEMONT[1].
À Ferney, 18 octobre 1768.

Je vous remercie, monsieur, des détails que vous avez eu la bonté de me donner[2]. J’y ai été d’autant plus sensible que tout ce qui concerne cette gloire m’est confirmé de tous côtés. Vous vous êtes conduit avec autant de sagesse que de valeur. Si tout le monde suit votre exemple, on sera bientôt le maître absolu de la Corse. La division est déjà, dit-on, parmi ces insulaires, qui préfèrent leur pauvreté et leur anarchie à un gouvernement juste et modéré qui les enrichirait.

Vous voyez sans doute souvent M. le marquis de Chauvelin[3]. Je respecte trop ses occupations pour lui écrire ; mais je vous supplie d’avoir la bonté de lui dire que je m’intéresse à son succès plus qu’à celui d’une pièce de théâtre. Mon avis est que les Corses viennent lui parler, et ils seront bientôt soumis. J’aimerais mieux ; qu’il réussit en les persuadant qu’en les tuant : car, après tout, si on les égorge tous tant qu’ils sont, qui diable voudra habiter l’île ? Je ne connais que des boucs et des chèvres qui voulussent s’y établir. J’ai un bon ami parmi ceux qui s’exposent tous les jours à être canardés par les Corses, c’est le major du régiment d’Eppingen, homme de beaucoup d’esprit et excellent officier. Mais de tous ceux qui font cette rude campagne, celui à qui je suis le plus dévoué, et qui a pour moi le plus de bonté, c’est vous sans contredit.

J’ai l’honneur d’être, avec les plus respectueux sentiments, monsieur, votre très-humble, etc.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Sur la Corse, où était le comte.
  3. Également en Corse.