Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7363

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Correspondance : année 1768GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 142-143).
7363. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
19 octobre.

Il faut amuser ses anges tant qu’on peut, c’est mon avis. Sur ce principe, j’ai l’honneur de leur envoyer ce petit chiffon[1] qui m’est tombé par hasard entre les mains.

Mais de quoi s’est avisé M. Jacob Tronchin de dire à M. Damilaville que j’avais fait une tragédie ? Certainement je ne lui en ai jamais fait la confidence, non plus qu’au duc et au marquis Cramer. Si vous voyez Jacob, je vous prie de laver la tête à Jacob. L’idée seule que je peux faire une tragédie suffirait pour tout gâter. Je vais, de mon côté, laver la tête à Jacob[2].

Mais pourquoi n’avez-vous pas conservé une copie des Guèbres ? Je suis si indulgent, si tolérant, que je crois que ces Guèbres pourraient être joués ; mais la volonté de Dieu soit faite !

Je pense[3] qu’il était nécessaire que j’écrivisse au président sur le beau portrait qu’on a fait de lui : on disait trop que j’étais le peintre.

On a imprimé cet ouvrage sous le nom d’un marquis de Belestat, qui demeure dans ses terres en Languedoc ; mais enfin celui qui l’a fait imprimer m’a avoué qu’il était de La Beaumelle : je m’en étais bien douté. Le maraud a quelquefois le bec retors et la griffe tranchante ; mais aussi on n’a jamais débité des mensonges avec une impudence aussi effrontée. Le président sera sans doute bien aise que ces traits soient partis d’un homme décrié.

Comment pourrai-je vous envoyer le Siècle de Louis XIV et le Précis du suivant[4], poussé jusqu’à l’expulsion des révérends pères jésuites ?

Mon culte de dulie ne finira qu’avec moi.

  1. Peut-être les Trois Empereurs en Sorbonne ; voyez tome X.
  2. La lettre à Tronchin manque.
  3. Voyez la lettre 7331.
  4. L’édition de 1768 du Siècle de Louis XIV.