Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7374

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Correspondance : année 1768GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 152-153).
7374. — À M. GAILLARD.
À Ferney, 2 novembre.

Il est vrai, mon cher et illustre ami, que l’Académie de Rouen m’a fait l’honneur de m’écrire qu’elle m’envoyait l’ouvrage couronné[1], sans me dire qu’il était de vous. Vous me comblez de joie en m’apprenant que vous en êtes l’auteur. Ce ne sera donc pas seulement une pièce couronnée, mais une excellente pièce. Le sieur Panckoucke, qui a fait si longtemps la litière de Fréron[2], et qui fait actuellement la mienne[3], était chargé de m’envoyer votre discours ; mais il est devenu un homme si important depuis qu’il débite les malsemaines de ce Fréron, qu’il ne s’est mis nullement en peine de me faire parvenir l’ouvrage après lequel je soupire.

Je suis réduit à vous faire des compliments à vide ; j’ai remercié l’Académie normande[4] sans savoir de quoi, et je brûle d’envie de vous remercier en connaissance de cause.

Je vois bien que nous n’aurons pas la partie ecclésiastique[5] de ce brave chevalier et de ce pauvre roi François Ier ; cette partie est la honteuse. Charles-Quint, son supérieur en tout, ne faisait pas brûler les luthériens à petit feu ; il leur accordait la liberté de conscience, après les avoir battus en rase campagne. C’est dommage que, de ces deux héros, l’un soit mort fou, et l’autre soit mort de la vérole.

Permettez à l’estime et à l’amitié de vous embrasser sans cérémonie.

  1. Éloge de Pierre Corneille, par Gaillard.
  2. Il avait été le libraire de l’Année littéraire ; voyez tome XXV, page 255.
  3. Il publiait l’édition in-4° des Œuvres de Voltaire ; voyez lettre 7298.
  4. Voyez la lettre 7365.
  5. Les tomes V, VI et VII de la première édition de l’Histoire de François Ier, par Gaillard, ne parurent qu’en 1769. L’Histoire ecclésiastique forme le livre septième de cette Histoire.