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Correspondance de Voltaire/1769/Lettre 7587

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Correspondance : année 1769GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 373-374).
7587. — À M. LACOMBE.
À Ferney, 9 juillet.

Toutes les réflexions, monsieur, toutes les critiques que j’ai lues sur les ouvrages nouveaux, dans votre Mercure, m’ont paru des leçons de sagesse et de goût. Ce mérite assez rare m’a fait regarder votre ouvrage périodique comme très-utile à la littérature.

Vous ne répondez pas des pièces qu’on vous envoie. Il y en a une sous mon nom, page 53 du Mercure de juillet (1769) ; c’est une lettre qu’on prétend que j’ai écrite à mon cher B…[1]. On me fait dire en vers un peu singuliers, à mon cher B…, « que le feu est l’âme du monde, que sa clarté l’inonde, que le feu maintient les ressorts de la machine ronde, et que sa plus belle production est la lumière éthérée, dont Newton le premier, par sa main inspirée, sépara les couleurs par la réfraction ».

Je vous avoue que je ne me souviens pas d’avoir jamais écrit ces vers à mon cher B…, que je n’ai pas l’honneur de connaître. Je vous ai déjà mandé qu’on m’attribuait trois ou quatre cents pièces de vers et de prose que je n’ai jamais lues. On a imprimé sous mon nom les Amours de Moustapha et d’Elmire, les Aventures du chevalier Ker, et j’espère que bientôt on m’attribuera le Parfait Teinturier, et l’Histoire des Conciles en général.

Je vous ai déjà parlé de l’Histoire du Parlement. Cet ouvrage m’est enfin tombé entre les mains. Il est, à la vérité, mieux écrit que les Amours de Moustapha ; mais le commencement m’en paraît un peu superficiel, et la fin indécente. Quelque peu instruit que je sois dans ces matières, je conseille à l’auteur de s’en instruire plus à fond, et de ne point laisser courir sous mon nom un ouvrage aussi informe, dont le sujet méritait d’être approfondi par une très-longue étude et avec une grande sagesse. On est accoutumé d’ailleurs à cet acharnement avec lequel on m’impute tant d’ouvrages nouveaux. Je suis le contraire du geai de la fable, qui se paraît des plumes du paon[2]. Beaucoup d’oiseaux, qui n’ont peut-être du paon que la voix, prennent plaisir à me couvrir de leurs propres plumes ; je ne puis que les secouer, et faire mes protestations, que je consigne dans votre greffe de littérature.

J’ai l’honneur d’être, monsieur, avec toute l’estime que je vous dois, votre, etc.

  1. Cette lettre, qui est terminée par quelques vers, avait été imprimée, comme étant de Voltaire, dans la cinquième partie des Nouveaux Mélanges, publié en 1768. En désavouant de nouveau cette lettre dans une note de son Dialogue de Pégase et du viellard (voyez tome X), Voltaire transcrit quelques-uns des vers dont il cite ici quelques impressions.
  2. La Fontaine, livre IV, fable ix.