Aller au contenu

Correspondance de Voltaire/1769/Lettre 7593

La bibliothèque libre.
Correspondance : année 1769GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 378-380).
7593. — À M. DUPONT[1].
Ferney, 14 juillet 1769.

Je reçois, mon cher ami, votre lettre du 9 juillet. Lorsque je vous écrivis, je fis mes remontrances à Jean Maire par le même ordinaire ; et, dans ces remontrances, je lui dis que, si son affaire était manquée avec Dietrich, si le duc, son maître, avait besoin d’argent pour la consommer et pour se libérer, j’offrais de lui chercher, sur mon crédit, à Genève, la somme dont Son Altesse pourrait avoir besoin, que je me tiendrais trop heureux de la servir, etc. Je me suis flatté qu’avec de pareils procèdes je m’assurais l’estime et les bonnes grâces du prince : je crois ne m’être pas trompé.

J’ai reçu enfin une lettre de Jean Maire ; il me mande qu’il s’est nanti de quatre-vingt-seize mille livres à moi appartenant, savoir : vingt-six mille en argent comptant, et soixante et dix mille livres que Son Altesse me doit par des billets à ordre signés d’elle-même. Mais il a si peu de soin, il est si négligent, il traite cette affaire si cavalièrement, qu’il ne m’a pas seulement expliqué comment, en quoi, de qui il a reçu ces vingt-six mille livres. Un trésorier doit avoir ses comptes en règle ; il paraît qu’il n’emploie pas avec moi cette méthode. J’ignore encore quelle conduite il aura. Tout ce que je sais, c’est qu’il a mon argent, et qu’il faut ou qu’il me le rende, ou qu’il m’envoie des mandats pour recevoir en quatre années la somme dont il est convenu avec vous, payable par quartiers, à commencer du 1er avril dernier.

Je vous prie, mon cher ami, de me mander ce qu’il vous aura répondu. On ne peut guère être plus embarrassé que je le suis ; mes arrangements avec ma famille en souffrent. Mandez-moi, je vous prie, ce que c’est que cette terre dont Dietrich s’était emparé, ce qu’elle vaut, et si elle est bâtie ; je vous serai très-obligé.

N. B. Voici les propres mots que m’écrit Jean Maire, du 2 juillet : Notre bonne foi et notre reconnaissance égaleront la générosité avec laquelle vous vous êtes prêté à nos arrangements. Cela est positif, et il n’y a plus moyen de reculer ; mais, en pareil cas, la reconnaissance est de l’argent comptant, et Jean Maire doit comprendre qu’on me doit un quartier commençant au 1er avril. Il faudra bien qu’il remplisse tous ses engagements ; il ne voudra pas rougir devant vous.

N. B. Je vous envoie, mon cher ami, la copie de la lettre que je vous écris ; il faut tirer toute cette affaire au clair.

Je vous embrasse, mon cher ami, de tout mon cœur.

  1. Éditeurs, Bavoux et François.