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Correspondance de Voltaire/1769/Lettre 7632

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Correspondance : année 1769GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 414-415).
7632. — À M. D’ALEMBERT.
15 auguste.

De cent brochures qu’on m’a envoyées, mon très-cher philosophe, voici la seule qui m’a paru mériter vos regards[1]. Personne n’imagine que saint Paul et Nicolas Malebranche approchassent du spinosisme ; c’est à vous d’en juger. Il faut que Benoît Spinosa ait été un esprit bien conciliant, car je vois que tout le monde retombe malgré soi dans les idées de ce mauvais Juif. Dites-moi, je vous en prie, votre avis sur cette petite brochure.

J’ai aussi à vous consulter sur un point de jurisprudence. Un gros cultivateur, nommé Martin, d’un village du Barrois, ressortissant au parlement de Paris, est accusé d’avoir assassiné un de ses voisins. Le juge confronte les souliers de Martin avec les traces des pas auprès de la maison du mort. On trouve en effet que les vestiges des pas conviennent à peu près aux souliers : sur cette admirable preuve, Martin est condamné à la roue ; il est roué, et le lendemain le véritable meurtrier est découvert[2]. Je raconterai cette aventure au chevalier de La Barre dès que j’aurai l’honneur de le voir, ce qui arrivera dans peu.

À propos, le cuistre d’Annecy voulait m’intenter un procès criminel : il y a encore de belles âmes dans le monde.

Dites beaucoup de bien des Guèbres, je vous en prie ; criez bien fort : il faut qu’on les joue, cela est important pour la bonne cause. Je vous embrasse tendrement. Adieu ; mes respects au diable, car c’est lui qui gouverne le monde.

  1. Tout en Dieu, tome XXVIII, page 90.
  2. Voyez la lettre 7656.