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Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 7803

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Correspondance de Voltaire/1770
Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 575-576).
7803. — À M. D’ALEMBERT.
28 février.

Je suis bien étonné et bien affligé, mon cher philosophe, de ne pas recevoir de vos nouvelles. Vous avez du voir, par ma dernière lettre[1], que j’avais besoin des vôtres.

Panckoucke m’écrit son désastre. Il s’imagine qu’on fait une petite Encyclopédie ; il se trompe, et je vous prie de le lui dire. On fait, par ordre alphabétique[2], un ouvrage qui n’a rien de commun avec le Dictionnaire encyclopédique, et dans lequel on rend à cet ouvrage immense la justice qui lui est due. On y parle de vous comme vous méritez qu’on en parle ; ce sont des médailles qu’on frappe à votre honneur.

Voilà de quoi il est question. Vous devriez bien donner signe de vie à ceux qui ne vivent que pour vous témoigner leur zèle.

La ville de Genève n’est plus socinienne, elle est iroquoise ; on s’y égorge, on y assassine des femmes grosses, des vieillards de quatre-vingts ans ; huit personnes ont été assassinées, quatre en sont mortes ; tout est en combustion, tout est en armes, et ce n’est pourtant pas au nom du Seigneur.

Tout capucin que je suis, j’étends ma miséricorde jusque sur Genève : car vous savez peut-être que non-seulement j’ai reçu mes lettres patentes de frère Amatus d’Alamballa, notre général, résidant à Rome, mais que je suis père temporel des capucins de mon petit pays. Je vous donne ma malédiction si vous ne m’écrivez pas, et si vous ne me mandez pas ce que vous savez de l’assemblée du clergé.

Avez-vous lu la Religieuse[3] de La Harpe ?

✝ Frère V., capucin indigne.

  1. 7769.
  2. Les Questions sur l’Encyclopédie.
  3. Mélanie.