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Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 7804

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Correspondance de Voltaire/1770
Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 576).
7804. — DU CARDINAL DE BERNIS.
À Rome, ce 28 février.

J’ai tort, mon cher confrère, je l’avoue, mais je ne savais pas que vous étiez capucin. Le général a bien fait de vous en envoyer la patente. Cela prouve que l’ordre séraphique rend justice aux grands talents. Le bon abbé de Saint-Pierre dit, dans ses prophéties : Un jour viendra que les capucins auront plus d’esprit que les jésuites. Ce jour est venu. Sans aucun mystère, je conviendrai que j’ai lu vos Guèbres avec plaisir, et qu’Athalie ne m’a jamais paru un ouvrage supérieur que par le style. Je n’osais pas le dire, mais j’ai toujours été révolté qu’on eût permis de mettre un semblable sujet sur notre théâtre.

J’ai dit au pape ce que vous m’écriviez il y a quelque temps : « Comment donc, votre pape paraît avoir une bonne tête ! depuis qu’il règne, il n’a pas fait encore une sottise. » Sa Sainteté écouta cette plaisanterie avec plaisir ; elle me parla avec éloge de la supériorité de vos talents. Si vous finissez par être un bon capucin, le pape osera vous aimer autant qu’il vous estime. Ne me boudez pas. Écrivez-moi, quand vous n’avez rien à faire ; et soyez sûr que je serai toujours autant votre serviteur que votre admirateur.