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Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 7870

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Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 64-65).
7870. — À M. MARMONTEL.
27 avril.

Au sujet près, mon cher ami, jamais les gens de lettres, dans aucun pays, n’ont imaginé rien de plus noble. Les douze apôtres n’ont pas eu ce courage. Les douze personnes à qui cette étrange idée à passé par la tête sont dignes chacune de ce qu’elles veulent me donner.


Cet honneur est bien grand, tous l’ont su mériter.
Mais douze monuments et douze statuaires !
Mais douCe serait un peu trop d’affaires.
Ils ont dit « Choisissons, pour nous représenter,
Celui qui d’entre nous donna les étrivières
Mais douLe plus fort et le plus longtemps
Aux Grizels, aux Frérons, aux cuistres, aux pédants ;
C’est notre prête-nom, c’est lui qui dans la troupe
Mais douCombattit en enfant perdu ;
C’est notre vieux soldat, au service assidu :
Faisons son effigie avant qu’à notre insu
Mais douLa friponne Atropos lui coupe
Le fil mal renoué dont on le tient pourvu ;
Mais douOn croira, quand on l’aura vu,
Mais douQue de nous tous on voit le groupe.
D’ailleurs, si nous l’aimons, certe il nous le rend bien.
Vite, qu’on nous l’ébauche ; allons, Pigal, dépêche ;
Figure à ton plaisir ce très-mauvais chrétien ;
Mais douMais en secret nous craignons bien
Mais douQu’un bon chrétien ne t’en empêche. »


Vous m’allez dire que ces petits versiculets familiers ne valent rien je le sais tout comme vous ; mais j’ai la poitrine attaquée, je n’en puis plus ; et je vous conseille de mettre l’inscription : « À Voltaire mourant », comme je le mande à M. d’Alembert[1].

Bonsoir, mon très-cher confrère.

Frère François.

  1. Lettre 7869.