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Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 7872

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Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 65-66).
7872. — À M. SÉNAC DE MEILHAN.
Au château de Ferney, le 1er mai.

Monsieur, si vous vous souvenez encore de moi, permettez que je recommande avec la plus vive instance, à vos bontés, un citoyen de la Rochelle, qui, à la vérité, a le malheur d’être ministre du saint Évangile à Genève[1], mais qui est le plus doux, le plus honnête, le plus tolérant des hommes. Il ne vient dans sa patrie pour quelque temps que pour les intérêts de sa famille, et compte repartir dès qu’il les aura arrangés. Il ne s’agit ici en aucune manière de la parole de Dieu, qu’il prêche le plus rarement qu’il peut à Genève, et qu’il ne prêchera certainement point à la Rochelle. Il a été pasteur d’une église où j’avais un banc ; et nous l’appelions brebis plutôt que pasteur. C’est le meilleur diable qui soit parmi les hérétiques. Je vous prie, monsieur, de lui accorder votre protection, et point d’eau bénite de cour, attendu qu’il n’aime l’eau bénite d’aucune façon. Je regarderai comme des faveurs faites à moi-même toutes les bontés que vous voudrez bien avoir pour lui.

J’ai l’honneur d’être avec respect, etc.

  1. Jean Perdriau, né à Genève en 1712, auteur de quelques Éloges et de quelques Sermons, fut ami de J.-J. Rousseau, qui en parle dans le livre VIII de ses Confessions, et lui adressa deux lettres, en novembre 1754 et janvier 1756.