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Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 7900

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Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 92).
7900. — À M. LE COMTE DE LA TOURAILLE[1].
1er juin.

Je dois vous dire, monsieur, que mon ombre, ensevelie pendant six mois dans des neiges qui durent encore, est de toutes les ombres la plus sensible ; que je suis pénétré dans mon tombeau de toutes vos bontés, et que je pense comme vous sur les affaires de ce monde et de l’autre.

J’eus l’honneur de vous écrire quand vous étiez aux États[2]. Votre province manquerait à présent de blé si on n’avait pas arrêté celui qui allait à Genève. Les Genevois ne méritent guère de manger du pain, depuis qu’ils se mettent à canarder leurs compatriotes. Pour nous autres, si les choses continuent sur le même pied, nous allons voir renaître le beau siècle d’or où l’arbre de Jupiter nourrissait des hommes qui étaient, dit-on, innocents, ou plutôt des innocents.

Quand Son Altesse sérénissime voudra des montres de Ferney, qui a l’honneur d’être dans sa province, nous en faisons d’aussi bonnes qu’à Paris, et à un tiers meilleur marché.

Conservez, monsieur, vos bontés au vieil ermite.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. De Bourgogne, à Dijon, avec le prince de Condé.