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Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 7923

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Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 110).
7923. — À M. THIERIOT.
17 juin.

Mon ancien ami, c’est dommage que M. Guy-Duchesne ait imprimé avec tant de fautes de commission et d’omission[1] la vieille Sophonisbe de Mairet, rajeunie par M. Lantin. Vous connaissez ce Lantin, auteur du conte de la Fourmi[2]. Son neveu, qui demeure à Dijon, est bien indigné qu’on attribue à d’autres qu’à lui le rapetassage de cette vieille Sophonisbe. C’est, à ce que je vois, le Rajeunissement inutile[3]. On a une étrange rage dans Paris de vouloir toujours nommer au hasard les pères des enfants trouvés : sans cela vous auriez déjà Mlle Ninon[4] aux Tuileries.

Vous souvenez-vous d’une espèce de Vie de Catherin Frèron[5], dit Aliboron, que vous m’envoyâtes manuscrite il y a vraiment dix années ? Je ne savais ce qu’elle était devenue : je la trouve imprimée dans un recueil intitulé les Choses utiles et agréables[6] ; mais on en a fait une autre édition particulière[7], à laquelle on ajoute la lettre du sieur Royou, beau-frère d’Aliboron, avocat au parlement de Rennes, lequel se plaint que son beau-frère, ayant servi d’espion dans les troubles de Bretagne, l’accusa d’avoir écrit en faveur de M. de La Chalotais, obtint une lettre de cachet contre lui, vint lui-même le saisir avec des archers, le fit enchaîner, et le conduisit en prison en tenant le bout de la chaîne. Fréron mettra apparemment cet événement dans son Année littéraire.

Portez-vous bien, mon ancien ami, et jouissez de l’hiver de la vie autant que vous le pourrez.

  1. Expression de Bayle dans le 4e paragraphe de la Préface de la première édition de son Dictionnaire.
  2. Voyez tome VII, page 35.
  3. Titre d’une pièce de vers de Moncrif.
  4. Le Dépositaire ; c’était alors aux Tuileries que jouaient les comédiens français.
  5. Anecdotes sur Fréron, tome XXIV, page 181.
  6. Voyez la note, tome VII, page 35.
  7. Voltaire veut sans doute parler de l’édition qui est à la suite de sa réfutation du Système de la Nature, dont nous avons parlé tome XIX, page 161.