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Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 7935

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Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 119-120).
7935. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
À Ferney, 25 juin.

J’apprends que le vainqueur de Mahon et le dictateur des fourches caudines de Closter-Severn[1] a bien voulu faire pour son vieux serviteur ce que les Génois[2] firent pour mon héros ; proportion gardée, s’entend, entre le héros et le barbouilleur de papier. Je le prie de recevoir les très-humbles remerciements du squelette de Ferney, que Pigalle a su rendre vivant. Ce squelette n’est en vie que pour sentir la reconnaissance qu’il doit à son doyen de l’Académie.

Comme vous serez un jour le doyen des pairs, permettez-moi de vous féliciter sur le succès indubitable du procès que M. le duc d’Aiguillon a voulu absolument avoir devant les pairs. Il ne tiendrait qu’à vous d’avoir la bonté de faire gagner le procès des Guèbres au parlement du parterre de Bordeaux. Un mot à l’avocat général M. Dupaty, qui est un franc Guèbre, ferait l’affaire.

On dit que vous protégez prodigieusement une nouvelle pièce de Palissot, intitulée le Satirique[3] ; c’est un beau grenier à tracasseries. Je vois que vous faites la guerre aux philosophes, ne pouvant plus la faire aux Anglais et aux Allemands cela vous amuse, et c’est toujours beaucoup. Puissiez-vous vous amuser pendant tout le siècle où nous sommes ! Vous en avez fait l’ornement, et vous en ferez la satire mieux que personne.

Je voudrais bien avoir une copie de votre statue, pour que la mienne fût aux pieds de la vôtre.

Agréez toujours, monseigneur, mon tendre respect.

  1. Voyez tome XV, page 347.
  2. Ils avaient élevé une statue à Richelieu (voyez tome X, page 353) ; Richelieu avait souscrit pour la statue de Voltaire.
  3. C’était en effet Richelieu qui, par l’entremise de l’abbé de Voisenon, avait accordé sa protection à cette comédie de Palissot, qui fut défendue le jour même que devait se donner la première représentation.