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Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 7990

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Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 168).
7990. — DE M. D’ALEMBERT.
À Paris, ce 11 auguste.

Je ne pus, mon cher maître, vous envoyer par le dernier courrier copie de ma lettre au roi de Prusse et de sa réponse. Je vous envoie l’une et l’autre par celui-ci. Personne au monde n’a copie de ces deux lettres que vous, très-peu de personnes même connaissent la mienne ; mais je ferai lire celle du roi de Prusse à tout ce que je rencontrerai. Cependant je serais très-fâché que cette lettre fût imprimée, le roi en serait peut-être mécontent ; et, en vérité, il se conduit trop dignement et trop noblement en cette occasion pour lui donner sujet de se plaindre. J’espère donc, mon cher et illustre ami, que vous vous contenterez de faire part de cette lettre à ceux qui désireront de la voir, sans souffrir qu’elle sorte de vos mains. Je serais infiniment affligé si elle paraissait sans le consentement du roi, et vous m’aimez trop pour vouloir me faire tant de mal. J’espère aussi que vous ne manquerez pas d’écrire au roi de Prusse ; son procédé me paraît digne de votre reconnaissance, de la mienne, et de celle de tous les gens de lettres. Adieu, mon cher et ancien ami. Je regarde comme un des plus heureux événements de ma vie le bonheur que j’ai eu de réussir dans cette négociation.

J’espère vous embrasser avant la fin de septembre, et vous dire encore une fois avant que de mourir combien je vous aime, je vous admire, et je vous révère.