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Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 8096

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Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 264).
8096. — À M. LE MARECHAL DUC DE RICHELIEU.
À Ferney, 26 novembre.

Mon héros me gronde quelquefois de ce que je ne l’importune pas de toutes les sottises auxquelles se livre un vieux malade dans sa retraite. Je ne sais si mon commerce avec le roi de la Chine[1] vous amusera beaucoup. Comme il est assez gai, j’ai cru que vous pourriez pardonner la hardiesse en faveur de la plaisanterie. Je crois que je suis à présent en correspondance avec tous les rois, excepté avec le roi de France ; mais de tous ces rois, il n’y en a pas un jusqu’à présent qui protège la manufacture que j’ai établie dans mon hameau. On y fait pourtant les meilleures montres de l’Europe, et bien moins chères que celles de Londres et de Paris. M. le cardinal de Bernis pouvait très-aisément favoriser cet établissement en cour de Rome, et il ne l’a point fait. Je ne me suis jamais senti mieux excommunié.

Vous savez bien, monseigneur, que la Sophonisbe rapetassée est de M. Lantin, de Dijon[2]. Cette pièce, à la vérité, ridicule, mais qui l’emporta autrefois sur la Sophonisbe de Corneille, non moins ridicule et beaucoup plus froide, mérite votre protection, puisque c’est la première qui ait fait honneur au Théâtre-Français. Il y a cent quarante ans qu’elle est faite. Je prends la liberté de vous demander plus vivement votre protection pour M. Gaillard, qui sollicite la place du jeune Moncrif[3]. L’historien de François Ier vaut mieux que l’historien des chats. Conservez toujours vos bontés à celui de Louis XIV et au vôtre.

  1. L’Épître au roi de la Chine, tome X, page 412.
  2. Voyez tome VII, page 29.
  3. Voyez page 257.