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Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8219

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Correspondance : année 1771GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 364-365).
8219. — À M. DE LA HARPE.
À Ferney, 25 février.

Le diable se fourre partout depuis longtemps. Si on vous a imputé des vers contre M. le maréchal de Richelieu, on m’attribue une lettre au pape[1]. On veut vous faire arrêter, et on veut m’excommunier : personne n’est en sûreté ni dans cette vie, ni dans l’autre ; il suffit d’avoir de la réputation pour être persécuté et damné. Il faut se soumettre à tous les ordres de la Providence. Nous lui devons des remerciements, puisqu’elle vous a choisi pour punir maître Aliboron, dit Fréron. Le Mercure, en effet, est devenu le seul journal de France, grâce à vos soins. L’âne d’Apulée[2] mangeait des roses, l’âne de Fréron s’enivre, chacun se console à sa façon : je plains seulement son cabaretier. À l’égard du libraire[3] qui faisait la litière d’Aliboron, il ne risque rien ; il lui restera toujours le Journal chrétien, avec lequel on fait son salut, si on ne fait pas sa fortune.

On dit que Gentil Bernard a perdu la mémoire ; il a pourtant pour mère une des filles de Mémoire, et il doit avoir du crédit dans la famille.

Est-il vrai que M. de Mairan se dégoûte de son âge de quatre-vingt-treize ans, et qu’il veuille aller trouver Fontenelle ? Pour moi, j’irai bientôt trouver Pellegrin, Danchet, et le barbare Crébillon. En attendant, je vous embrasse de tout mon cœur.

  1. C’est sans doute la Lettre de l’abbé Pinzo au surnommé Clément XIV, son ancien camarade de collège, qui l’a condamné à une prison perpétuelle, etc. C’est la première fois qu’il est question de cette pièce, qui a été imprimée dans le tome IX de l’Évangile du jour, et dont Voltaire reparle dans sa lettre à Condorcet, du 1er septembre 1772.
  2. Apulée est auteur de l’Ane d’or.
  3. Panckoucke ; voyez tome XLIII, page 224.