Aller au contenu

Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8244

La bibliothèque libre.
Correspondance : année 1771GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 387-388).
8244. — À MADAME LA COMTESSE DE ROCHEFORT[1].
Ferney, 13 mars.

Après la mère et le père, j’ose dire, madame, que c’est moi qui suis le plus affligé. Je comptais qu’un fils de M. et Mme de Rochefort devait être un Hercule, qu’il devait réparer l’honneur de la plupart des races d’aujourd’hui, qui ne sont que des pygmées, et qu’il vivrait l’âge d’un patriarche. Le voilà mort à l’entrée de la vie ! Je mêle mes regrets aux vôtres. Vous avez, M. de Rochefort et vous, de quoi vous consoler, et vous êtes tous les deux dans l’âge des plus belles espérances.

Je ne vous ai point fait mon compliment sur la place de lieutenant des gardes ; mais vous savez que je m’intéresse à tous les événements de votre vie. La mienne est un peu triste ; je meurs en détail : c’est en général le sort des gens de mon âge. Mais jusqu’au dernier moment, j’aurai pour vous le plus tendre respect, et je prendrai la liberté de vous aimer comme si j’étais jeune.

Le vieux malade de Ferney.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.