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Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8258

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Correspondance : année 1771GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 403).
8258. — À M. LE MARQUIS DE FLORIAN.
1er avril.

J’ai été pendant un mois accablé de souffrances, mon cher grand écuyer de Cyrus ; j’ai eu la goutte, j’ai été accablé de fluxions sur les yeux ; j’ai été aveugle, j’ai été mort, et le vent du nord poursuit encore ma cendre.

Pendant ce temps-là, on m’imputait à Paris je ne sais combien de petites brochures qui courent sur les tracasseries parlementaires[1] ; de sorte que je me suis trouvé un des morts les plus vexés.

Tout cela est cause que je ne vous ai pas écrit en même temps que Mme Denis. Tous ceux qui m’écrivent de Paris me protestent qu’ils sont très-fâchés d’y être ; mais ils y restent. Vous êtes plus sage qu’eux, vous prenez le parti de vivre à la campagne, sans vous vanter de rien. Je ne sais si vous y êtes actuellement.

N’êtes-vous pas curieux de voir le dénoûment de la pièce qu’on joue à Paris depuis deux mois ? Les six actes[2] réussissent très-bien dans les provinces. Pour moi, je vous avoue que je bats des mains quand je vois que la justice n’est plus vénale, que des citoyens ne sont plus traînés des cachots d’Angoulême aux cachots de la Conciergerie, que les frais de justice ne sont plus à la charge des seigneurs. Je le dis hautement, ce règlement me paraît le plus beau qui ait été fait depuis la fondation de la monarchie, et je pense qu’il faut être ennemi de l’État et de soi-même pour ne pas sentir ce bienfait.

Vous avez un neveu qui est charmant : voici un petit mot pour lui[3] que je glisse dans ma lettre, sans cérémonie, pour ne pas multiplier les ports de lettres.

  1. Voyez tome XXVIII, pages 381-382, la liste des écrits de Voltaire à ce sujet.
  2. Les six conseils supérieurs ; voyez lettre 8236.
  3. Cette lettre à l’auteur d’Estelle (voyez tome XLIV, page 97) manque.