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Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8290

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Correspondance : année 1771GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 436).
8290. — À M. DE POMARET[1].
22 mai.

Je saisis, monsieur, un moment que mes souffrances me donnent de relâche, pour vous remercier de votre souvenir. Je ne crois pas du tout qu’on rétablisse la compagnie de Jésus, du moins sitôt. Le ministère n’a que trop d’ennemis, et ne voudrait pas déplaire à toute la nation pour des gens dont il n’a point du tout besoin. Nous ne sommes plus au temps des Clément VIII et des Paul V. Mais malheureusement la ville de liberté[2], qu’on avait déjà tracée et dont le port est entièrement construit, ne sera pas achevée : c’était une entreprise admirable.

Je n’ai rien su de l’affaire de Brie : ces malheurs particuliers sont toujours ignorés de tout Paris, qui n’est occupé que de tracasseries et de plaisirs. Votre vie, monsieur, est bien différente ; vous n’êtes occupé que de faire du bien.

J’ai chez moi plus de cent de vos Samaritains[3] ; ils vivent comme frères avec la tribu de Judas. J’ai obtenu qu’ils fussent exempts de tous impôts. C’est une grande grâce qu’on leur a faite ; elle me console de ne point voir la ville bâtie ; j’ai du moins un village très-libre, et rien n’est si rare.

On ne peut être avec plus d’estime, etc.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Versoy.
  3. Genevois réfugiés.