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Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8327

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Correspondance : année 1771GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 472).
8327. — À M. PAPILLON DE LA FERTÉ[1].
À Ferney, 8 juillet.

Je ne sais, monsieur, où vous êtes à présent, si c’est à Paris, à la Ferté ou à Bruxelles ; mais ma lettre vous trouvera, et les sentiments de mon cœur vous chercheraient partout.

Il y a longtemps que je vous ai écrit ; j’ai respecté vos occupations, qui doivent être assez grandes, et les affaires publiques, qui intéressent tous les citoyens. Vous avez d’ailleurs une nombreuse famille qui exige tous vos soins et qui fait votre consolation. Vos belles terres demandent une attention continuelle. Ainsi, heureusement pour vous, toutes vos occupations sont de vrais plaisirs.

Les miennes ne sont pas de cette nature ; je crains beaucoup à présent pour la colonie que j’ai établie : les dépenses qu’elle m’a coûtées étaient trop au-dessus d’un particulier aussi obscur et aussi médiocre que moi. J’ignore si on payera du moins les derniers six mois des rentes enregistrées au parlement, que vous eûtes la bonté de me procurer, en dédommagement de l’argent comptant que j’avais mis en dépôt chez M. de La Balue, et dont le ministère a été obligé de s’emparer par le malheur des temps.

J’ignore si l’on est en état de satisfaire à des engagements si sacrés, et qui intéressent la fortune de tant de particuliers. Je ne suis au fait de rien. L’amitié que vous m’avez toujours témoignée m’autorise à m’adresser à vous. Cinquante familles que j’ai recueillies, et pour lesquelles j’ai bâti des maisons, augmentent mes inquiétudes ; mais je suis plus pénétré de ma reconnaissance pour vous qu’accablé de ma situation présente.

Je vous souhaite, monsieur, toute la prospérité que vous méritez, et je me résigne aux malheurs que j’éprouve. Si vous me conseillez d’écrire à M. Duclos, je lui écrirai. Si vous jugiez qu’on pût obtenir quelques payements de la part de ceux que le ministère a chargés de ce département, je m’adresserais à eux ; mais je dois d’abord vous consulter, et surtout vous réitérer les sentiments d’attachement et de reconnaissance avec lesquels j’ai l’honneur d’être, etc.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.