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Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8375

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Correspondance de Voltaire/1771
Correspondance : année 1771GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 516-517).
8375. — À M. GABRIEL CRAMER[1].
Ferney, 26 septembre.

Vous ne pouvez, mon cher Gabriel, réparer trop tôt la méprise énorme qu’on a faite en imprimant sous mon nom, dans cette collection plus énorme encore, l’ouvrage de M. Prost de Royer, avocat de Lyon, sur le prêt à jour ou à terme. C’est une affaire de jurisprudence dont je ne me suis jamais mêlé ; et, pour comble de ridicule, vous intitulez M. Prost de Royer procureur général.

Je lis les volumes in-4° que vous m’avez envoyés ; si vous m’aviez consulté quand vous les avez imprimés, on n’y aurait pas mis tant de petites pièces qui ne sont pas de moi, et le tout aurait été imprimé plus correctement.

Je vois bien que cette édition n’a pas été faite sous vos yeux ; j’y vois des pages entières répétées. Le monologue de Hamlet commence par ces mots.


Demeure ; il faut choisir et passer à l’instant
De la vie à la mort et de l’être au néant.


Il y a un vers d’oublié dans l’article d’Hudibras, et cet oubli gâte absolument tout le sens.

Il y a des vers oubliés dans les tragédies. Les fautes d’impression sont assez considérables ; elles exigeront des errata et des cartons. Mais ce qui m’embarrasse et me mortifie le plus, c’est la quantité de petits ouvrages qui ont couru sous mon nom, et qui ne m’appartiennent point.

Je vois que tous ces volumes ne sont pas encore complets ; je vous réitère encore les justes prières que je vous ai faites de ne rien ajouter à cette collection malheureuse sans mon aveu ; plus je la lis, plus je suis affligé.

À l’égard de l’impôt qu’on met sur le papier, il servira à faire acheter les livres plus cher. Il y en a trop. Il fallait autrefois encourager l’imprimerie, et on veut aujourd’hui la restreindre. La lecture est l’aliment de l’âme ; mais je vois que le ministère craint les indigestions.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.