Aller au contenu

Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8438

La bibliothèque libre.
Correspondance de Voltaire/1771
Correspondance : année 1771GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 570-571).
8438. — À CATHERINE II,
impératrice de russie.
À Ferney, 16 décembre[1].

Madame, j’importune Votre Majesté impériale de mes félicitations et de mes battements de mains on n’a jamais fait avec elle. Une ville n’est pas plus tôt prise, qu’une autre est rendue. À peine les Turcs sont-ils battus sur la rive gauche du Danube, qu’ils sont défaits sur la rive droite ; si on leur prend cent canons à Giorgiova, on leur en prend cent cinquante dans une bataille. Voilà du moins ce qu’on me dit, et ce qui me comble de joie.

J’espère, par-dessus tout cela, que l’attentat des confédérés sera pour vous un nouveau sujet de gloire.

Votre Majesté me permettrait-elle de joindre à ce petit billet une requête de mes colons ? Vous vous souvenez que vous trouvâtes dans leurs caisses plus de montres qu’ils n’en avaient spécifié dans leurs factures. Les artistes qui, par l’oubli de leur facture, n’ont pas été compris dans le payement ordonné par Votre Majesté se jettent à vos pieds ; ce sont des gens dont toute la fortune est dans leurs doigts. Il ne s’agit que de deux cent quarante-sept roubles, à ce que je crois.

Il y a un de mes artistes qui fait des montres en bagues, à répétition, à secondes, quart et demi-quart, et à carillon. C’est un prodige bien singulier ; mais ces bagatelles difficiles ne sont pas dignes de l’héroïne qui venge l’Europe de l’insolence des Turcs, malgré une partie de l’Europe.

Le roi de Prusse s’est amusé à faire un poëme épique contre les confédérés[2]. Je crois que M. l’abbé d’Oliva[3] payera les frais de l’impression.

Que Votre Majesté impériale daigne agréer le profond respect, l’attachement, l’admiration, la reconnaissance du vieux malade de Ferney.

  1. Dans les éditions de Kehl, cette lettre est datée du 10.
  2. La Pologniade ; voyez tome VII, page 165.
  3. Oliva était un couvent de la Prusse polonaise.