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Correspondance de Voltaire/1772/Lettre 8539

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Correspondance : année 1772GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 91-92).
8539. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
9 mai.

M. de Thibouville ne m’a pas écrit un seul mot en faveur de Duroncel ; je ne sais ce qu’il fait, ni où il est. N’est-il point à Neuilly ? mais que deviendra la Crète ? que ferez-vous d’Astérie et de son petit sauvage ? Pensez-vous, mes chers anges, avoir fait une bonne action en me calomniant, en me faisant passer pour l’auteur, et notre avocat pour mon prête-nom ? Ne voyez-vous pas déjà tous les Pharès[1] du monde s’unir pour m’excommunier, et la pièce défendue et honnie ? Comment vous tirerez-vous de ce bourbier ?

Je suis persuadé que la paix entre Catherine et Moustapha est moins difficile à faire. Vous sentez, de plus, combien un certain doyen sera piqué de n’avoir pas été dans la confidence ; combien ses mécontentements vont redoubler. Il trouvera la pièce scandaleuse, impertinente, ridicule. Voyez quel remède vous pouvez apporter à ce mal presque irréparable, et qui n’est pas encore ce qu’il y a de plus terrible dans l’affaire de ce pauvre Duroncel. Pour moi, je n’y sais d’autre emplâtre que de me confier au doyen ; après quoi il faudra, dans l’occasion, me confier aussi au chancelier car vous frémiriez si je vous disais ce qui est arrivé[2]. Allez, allez, vous devez avoir sur les bras la plus terrible négociation que jamais envoyé de Parme ait eue à ménager.

Quoi qu’il en soit, je baise les ailes de mes anges. Je les prie de s’amuser gaiement de tout cela. Avec le temps on vient à bout de tout, ou du moins de rire de tout.

Le roi de Prusse trouve les Pelopides une très-bonne pièce, très-bien écrite. Il dit expressément[3] que celle de Crébillon est d’un Ostrogoth. L’impératrice de Russie me demandait, il n’y a pas longtemps, si Crébillon avait écrit dans la même langue que moi.

  1. Nom du grand sacrificateur ou grand prêtre dans les Lois de Minos.
  2. Voyez lettre 8538.
  3. Lettre 8524.