Correspondance de Voltaire/1772/Lettre 8539
M. de Thibouville ne m’a pas écrit un seul mot en faveur de Duroncel ; je ne sais ce qu’il fait, ni où il est. N’est-il point à Neuilly ? mais que deviendra la Crète ? que ferez-vous d’Astérie et de son petit sauvage ? Pensez-vous, mes chers anges, avoir fait une bonne action en me calomniant, en me faisant passer pour l’auteur, et notre avocat pour mon prête-nom ? Ne voyez-vous pas déjà tous les Pharès[1] du monde s’unir pour m’excommunier, et la pièce défendue et honnie ? Comment vous tirerez-vous de ce bourbier ?
Je suis persuadé que la paix entre Catherine et Moustapha est moins difficile à faire. Vous sentez, de plus, combien un certain doyen sera piqué de n’avoir pas été dans la confidence ; combien ses mécontentements vont redoubler. Il trouvera la pièce scandaleuse, impertinente, ridicule. Voyez quel remède vous pouvez apporter à ce mal presque irréparable, et qui n’est pas encore ce qu’il y a de plus terrible dans l’affaire de ce pauvre Duroncel. Pour moi, je n’y sais d’autre emplâtre que de me confier au doyen ; après quoi il faudra, dans l’occasion, me confier aussi au chancelier car vous frémiriez si je vous disais ce qui est arrivé[2]. Allez, allez, vous devez avoir sur les bras la plus terrible négociation que jamais envoyé de Parme ait eue à ménager.
Quoi qu’il en soit, je baise les ailes de mes anges. Je les prie de s’amuser gaiement de tout cela. Avec le temps on vient à bout de tout, ou du moins de rire de tout.
Le roi de Prusse trouve les Pelopides une très-bonne pièce, très-bien écrite. Il dit expressément[3] que celle de Crébillon est d’un Ostrogoth. L’impératrice de Russie me demandait, il n’y a pas longtemps, si Crébillon avait écrit dans la même langue que moi.
- ↑ Nom du grand sacrificateur ou grand prêtre dans les Lois de Minos.
- ↑ Voyez lettre 8538.
- ↑ Lettre 8524.