Correspondance de Voltaire/1772/Lettre 8602

La bibliothèque libre.
Correspondance de Voltaire/1772
Correspondance : année 1772GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 151).


8602. — À MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT[1].
15 août.

Eh bien ! madame, vous voulez que je vous fasse hommage de toutes les fantaisies qui me passent par la tête, au hasard d’en être ennuyée ou révoltée. Voici un bouquet pour la Saint-Barthélémy, que nous fêterons dans quelques jours. Ce bouquet n’est pas d’œillets et de roses, il y entre un peu d’épines et de chardons ; mais il faut proportionner les offrandes aux saints. Il est triste qu’il entre oécessai remenl un peu de fleurs de lis dans ce malheureux bouquet. Mais avouez que j’ai raison quand je dis que la nature a eu beaucoup de bonté en nous rendant frivoles et vains. Si nous étions toujours occupés de l’image de nos malheurs et de nos sottises, la nature humaine serait la nature infernale.

Voulez-vous vous amuser à juger le procès de M. de Morangiés ? Je vous enverrai un résumé de tout le pour et de tout le contre de cette affaire indéchiffrable, qui m’intéresse par une raison assez singulière, et vous verrez dans ce petit écrit des choses plus singulières encore.

Je plains la première femme de M. de Bombelles. Je ne sais si je ne dois pas plaindre autant la seconde. En général, je plains fort les pauvres mortels. Je vous souhaite en particulier, madame, toutes les consolations dont vous êtes susceptible. Hélas ! elles sont en petit nombre. Conservez-moi un peu d’amitié du fond de votre Saint-Joseph à mes Alpes et à mon grand lac : ce sera là ma plus chère consolation.

  1. Correspondance complète de Mme du Deffand avec la duchesse de Choiseul, etc., publiée par M. le marquis de Sainte-Aulaire, tome II, page 228.