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Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8749

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8749. — À M. LE MARQUIS DE CONDORCET[1].
1er février.

À mon secours les philosophes ! Vous savez, monsieur, dans quel esprit j’avais fait les Lois de Minos ; cela m’avait coûté des peines infinies : car j’avais mis près de huit jours à faire cette pièce, et j’en mettrais presque autant à la corriger. Voilà tout d’un coup un comédien, ou un souffleur, ou un ouvreur de loges, qui barbouille cette tragédie de vers de sa façon, qui supprime ce que j’ai fait de plus passable, qui gâte le reste, et qui vend le tout à un libraire nommé Valade, qui imprime et débite hardiment la pièce sous mon nom, sans approbation, sans privilège. Ce brigandage est digne du tripot de la Comédie et de tous les tripots qui partagent votre ville.

L’avocat Belleguier me mande de Grenoble qu’il ne sait comment vous envoyer sa diatribe ; ayez la bonté de lui donner une adresse, et mettez un C. au bas de vos lettres, de peur de méprise. Allons, combattons jusqu’au dernier soupir.

  1. Œuvres de Condorcet, tome Ier ; Paris, 1847.