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Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8805

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Correspondance : année 1773GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 342).
8805. — À M. DE SARTINES[1]
À Ferney, 6 avril.

Monsieur, je ne puis trop vous remercier de vos bontés ni trop respecter vos sages ménagements pour la personne qui a pu vendre ce manuscrit au libraire Valade. Cette affaire n’est qu’une bagatelle, et mon seul but était de vous convaincre que je n’avais point fait débiter ce petit ouvrage dans le pays étranger, comme Valade m’en accusait, pour se justifier. Puisque vous avez bien voulu approfondir la vérité, cela me suffit, et je suis trop content.

Il y a plus de quarante ans que je suis accoutumé non-seulement à voir falsifier mes ouvrages, mais à me voir imputer des choses que je n’ai jamais faites ni jamais sues. Ma profonde retraite et mon âge de près de quatre-vingts ans n’ont pu me mettre à l’abri de cette vexation ; c’est un inconvénient qu’il faut souffrir, ainsi que tous les autres chagrins auxquels la vie de l’homme est exposée. C’est une grande consolation pour les véritables gens de lettres d’être sous la protection d’un magistrat aussi éclairé et aussi prudent qu’équitable. Personne n’est plus sensible que moi à ce bonheur dont on jouit à Paris, et dont je ressens les effets jusque dans le pays étranger. J’ai l’honneur d’être, avec bien du respect et de la reconnaissance, monsieur, votre, etc.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.