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Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8807

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Correspondance : année 1773GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 343).
8807. — À M. BORDES.
À Ferney, 10 avril.

Vraiment c’est bien vous, monsieur, qui avez plus d’un ton. Il s’en faut bien, à mon gré, que Ver-Vert, avec ses b et ses f, qui voltigeaient sur son bec[1], soit aussi agréable que Parapilla[2]. Quand vous aurez mis la dernière main à cet agréable ouvrage, il sera un des meilleurs que nous ayons dans ce genre, en italien et en français. Nous avons à Genève un homme dont le nom était précisément celui du premier héros du poëme : il a changé son nom en celui de Planteamour, comme l’ex-jesuite Fesse, de Lyon, qui m’a volé pendant trois ans de suite, avait changé son nom en celui de P. Fessi[3].

Je crois que les notes à la suite des Lois de Minos ne vous auront pas déplu, et que vous serez content du Discours de l’avocat Belleguier, pour les prix de l’université. Que dites-vous du recteur, qui ne sait pas le latin, et qui a pris magis pour minus ?

Je suis bien fâché qu’Aufresne ne puisse aller à Lyon ; on dit que c’est un acteur qui a des moments et des éclairs admirables. Il me semble quelquefois que, si on pouvait représenter sur le beau théâtre de Lyon les Lois de Minos avec quelque succès, je pourrais faire un effort, et oublier assez mes maux pour venir vous embrasser. J’ai des raisons essentielles pour avoir un prétexte plausible de ce petit voyage. Que de choses j’aurais à vous dire, et que de choses à entendre !

Aimons-nous, mon cher philosophe, car les ennemis de la raison n’aiment guère ceux qui pensent comme nous.

  1. Le vers 53 du chant IV du Ver-Vert de Gresset est :

    Les b, les f, voltigeaient sur son bec.

  2. Poëme de Bordes.
  3. Voyez la lettre à Maupeou, fin mars 1774.