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Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8841

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Correspondance : année 1773GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 375-376).
8841. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL[1].
14 mai.

Je hasarde de vous envoyer, par la poste, ces Lois de Minos. Il y en a, mon cher ange, deux exemplaires, l’un pour vous, l’autre pour M. de Thibouville. Je me flatte que M. d’Ogny permettra que le paquet vous parvienne.

Je suppose que vous savez qui on nommera pour aller demander Mme la comtesse d’Artois à monsieur son père[2], et quand se fera cette cérémonie à la cour de Savoie : vous me direz que je suis bien curieux.

Aufresne est revenu à Genève, après avoir fait connaître le théâtre français à Venise et à Naples, ce qui n’était jamais arrivé. Je ne connais point ses talents ; je ne l’ai jamais vu sur la scène. Peut-être, s’il se montre sur le théâtre de bateleurs qui est actuellement auprès de Genève, je serai privé du plaisir de le voir : car ne suis point encore en état de sortir. Je serai bien embarrassé quand il faudra mettre un habit.

Faites-moi l’amitié, mon cher ange, de me mander comment madame d’Argental se porte ; je m’imagine que le climat de Paris est meilleur que celui de Genève. Le malheur en a voulu à notre colonie : nous avons eu des malades, des morts, des ruinés et des déserteurs ; mais tout cela arrive dans toute colonie.

Nous serions absolument anéantis par vos cours des monnaies, votre marc d’or et vos autres lois de Minos, si nous n’avions pas été un peu soutenus par le pays étranger. Cette situation équivoque ne peut pas durer. J’ai bien peur qu’avant ma mort toute cette machine, que j’ai construite avec tant de soin et de dépense, ne soit entièrement détruite. J’ai tout fondé à Ferney : mais ce sera le château d’Armide. Tout est illusion, excepté de vous aimer et de vivre avec vous.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Victor-Amédée, roi de Sardaigne. (A. F.)