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Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8854

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Correspondance : année 1773GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 385-386).
8854. — À M. LE MARQUIS DE CONDORCET[1].
23 mai.

Vous êtes un vrai philosophe, monsieur, c’est-à-dire un vrai sage, et vous rendez la philosophie bien aimable par les grâces de votre esprit. Il ne faut que deux hommes comme vous et M. d’Alembert pour conserver le dépôt du feu sacré que tant d’hypocrites veulent éteindre ; et, Dieu merci, vous avez dans Paris un très-grand nombre d’honnêtes gens qui vous secondent. Ainsi, monsieur, ne vous découragez jamais. Quand la raison a

mis une fois le pied dans un pays, on peut la persécuter, on peut la faire taire pour quelque temps ; mais on ne peut la chasser. Vous serez toujours à la tête des sages. C’est la plus belle place du monde à mon gré.

Je fais bien plus de cas des secrétaires que des fondateurs. Je me tais pour le présent sur le reste. Je m’en rapporte à M. d’Alembert comme à vous. Il y a dans le monde des gens plus dangereux que les Comètes.

Comptez sur mon dévouement entier, monsieur, pour le peu de temps qui me reste à vivre. V.

  1. Œuvres de Condorcet, tome Ier ; Paris, 1847.