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Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8866

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Correspondance : année 1773GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 398).
8866. — À M. MARIN[1]
À Ferney, 12 juin.

J’ai le capitaine Lawrence ; ce n’est pas là ce qu’il me faut. Personne ne lit les détails des combats et des sièges ; rien n’est plus ennuyeux que la droite et la gauche, les bastions et la contrescarpe. J’ai de meilleurs mémoires que toutes ces minuties des horreurs de la guerre. Il faut amorcer le lecteur par des choses intéressantes, sans quoi on ne tient rien.

J’ai un Holwel, un Scrafton[2]. Il s’agit de faire un ouvrage attachant, une histoire qui ait l’air simple et qui touche le cœur ; point de partialité, mais beaucoup de vérité. On est perdu pour peu que l’ouvrage ait la moindre ressemblance avec un factum d’avocat. Une pareille histoire d’ailleurs doit être courte, quoique pleine ; elle doit avoir, comme une tragédie, exposition, nœud et dénoûment, avec épisode agréable.

Je finirai par vous dire, mon cher correspondant : Si vous voulez voir un beau tour, faites-le ; mais si vous ne le faites pas, je le ferai.

Je trouve le jugement de M. de Morangiés absurde ; mais que diable allait-il faire dans cette galère ? Quelque parti qu’on prit, il semble qu’il n’y a que Dieu seul qui put juger ce procès.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François,
  2. Auteurs, comme W. Lawrence, d’écrits historiques sur l’Inde. (A. F.)