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Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8872

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Correspondance : année 1773GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 405-406).
8872. — À M. D’ALEMBERT.
26 juin.

L’œuvre posthume de ce pauvre Helvétius, ou plutôt de ce riche Helvétius, est-elle ou est-il parvenu jusqu’à vous, mon très-cher philosophe ? M. le prince Gallitzin, qui en est l’éditeur, veut le dédier à la sublime Catau. Il est bon de la mettre en commerce avec les morts, car elle ne répond point aux vivants. Je m’imagine que les impératrices n’aiment pas plus les conseils que les généraux d’armée et les gouverneurs de province ne les aiment.


Dulcis inexpertis cultura potentis amici[1].


Quoi qu’il en soit, on sera fort étonné, si on lit ce livre, de voir le papisme traité de religion abominable, qui ne peut se soutenir que par des bourreaux, le despotisme traité à peu près comme le papisme, et le tout dédié à la puissance la plus despotique qui soit sur la terre.

Je ne sais plus comment faire pour vous envoyer de ces petits recueils[2] dont le principal mérite est dans le Dialogue de René et de Christine. Les commis à la douane des pensées sont impitoyables.

Ne m’oubliez pas, je vous en prie, auprès de l’éloquent M. Thomas, que je préfère sans contredit à Thomas d’Aquin, et surtout à Thomas Didyme, comme je vous préfère à tous les charlatans qui réussissent dans les cours, et qui même réussissent pour un temps auprès d’un public ignorant et sans goût.

Adieu, mon cher philosophe ; consolons-nous tous deux du siècle.

  1. Horace, livre I, épître XVII, vers 86.
  2. Voyez la lettre 8792.