Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8878
Voici, mon cher et grand philosophe, ma réponse à l’abbé philosophe[1].
N’êtes-vous pas bien content de ces petits mots d’Helvétius, tome Ier, page 107 :
« Nous sommes étonnés de l’absurdité de la religion païenne, celle de la religion papiste étonnera bien davantage la postérité[2]. »
Et page 102 : « Pourquoi faire de Dieu un tyran oriental ?… pourquoi mettre ainsi le nom de la Divinité au bas du portrait du diable ?… ce sont les méchants qui peignent Dieu méchant. Qu’est-ce que leur dévotion ? un voile à leurs crimes[3]. »
C’est dommage que ce ne soit pas un bon livre ; mais il y a de très-bonnes choses : c’est une arme qui tiendra son rang dans l’arsenal où nous avons déjà tant de canons qui menacent le fanatisme. Il est vrai que les ennemis ont aussi leurs armes : elles sont d’une autre espèce, elles ont tué le chevalier de La Barre, elles ont blessé à mort Helvétius ; mais le sang de nos martyrs fait des prosélytes. Le troupeau des sages grossit à la sourdine.
Bonsoir, mon sage ! bonsoir, mon cher Bertrand ! il ne me reste plus qu’un doigt pour tirer les marrons du feu, mais il est à votre service.
- ↑ L’abbé de Cursay ; voyez lettre 8877.
- ↑ De l’Homme, section i, chapitre xv, note 2.
- ↑ Ibid., chapitre xiv.