Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8925
Une très-grande dame[2] belle comme le jour, souverainement aimable, et qui laisse sa grandeur à la porte des particuliers qu’elle fait l’honneur de visiter, veut bien achever d’immortaliser les Délices en y acceptant un dîner après-demain[3] samedi. Il faut vite informer le seigneur de Ferney qu’elle y désire son papa et la bonne nièce : ils n’ont pas besoin qu’on leur apprenne la valeur d’un tel désir, ni combien il plaît à Philemon et Baucis.
- ↑ Éditeurs, de Cayrol et François.
- ↑ La duchesse de Wurtemberg.
- ↑ Le conseiller Tronchin a joint à cette lettre la note suivante :
« Voltaire n’arriva aux Délices qu’après le dîner. Madame la duchesse devait en partir pour Paris ; ses voitures étaient prêtes, et pendant que ma femme s’entretenait avec Voltaire, madame la duchesse, me prenant sous le bras, me dit : « Venez, je ne veux point dire adieu au bon vieillard. » Mais bientôt nous vîmes Voltaire accourir. Elle lui sauta au cou, et tous deux, sans se rien dire, se tenaient embrassés, fondant en larmes. J’eus de la peine à terminer cette scène attendrissante, en retirant madame la duchesse et la faisant entrer dans sa voiture. Voltaire l’avait vue enfant, et elle avait conservé beaucoup d’amitié pour lui.
« Voltaire m’avait quelquefois représenté le roi de Prusse comme étant d’un caractère timide ; j’imaginais que ce ne pouvait être que du roi à Voltaire, en fait de littérature. Je rapportai à madame la duchesse sa nièce le propos de Voltaire ; elle me le confirma, et non-seulement dans le sens que je l’avais pris, mais dans la manière de se présenter à sa cour. »