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Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8951

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8951. — À M. LE CARDINAL DE BERNIS.
À Ferney, 14 octobre.

Ceci n’est pas, monseigneur, une affaire d’académie : ce ne sont pas levia carmina et faciles versus. Pourquoi m’envoie-t-on, à moi solitaire, à moi octogénaire malade, cette lettre attribuée à l’évêque d’Amiens ? Je ne puis croire qu’elle soit de lui ; mais elle est sûrement de la faction, et je crois bien faire de l’envoyer à Votre Éminence.

S’il arrivait que vous la fissiez lire au pape, je vous supplierais de lui dire que j’obéis parfaitement à un article de sa bulle ; je ne parle, ni en bien, ni en mal, des jésuites, ni du diable. Je trouve le pape très-sage, très-habile, très-digne de gouverner. Tous nos Genevois et tous nos Suisses, gens plus difficiles qu’on ne pense, l’estiment et le révèrent, et je pense comme eux.

J’ai eu le bonheur de contribuer un peu au gain du singulier procès de M. le comte de Morangiés. Je le crois une de vos ouailles : c’était une brebis qui était poursuivie par des renards et des loups qu’il fallait pendre.

Nota bene que ce petit billet que je prends la liberté de vous écrire est tout entier de ma main : cela n’est pas mal pour un vieillard de quatre-vingts ans qui n’en peut plus. Si jamais j’en ai cent, je serai attaché à Votre Éminence comme aujourd’hui.

Conservez-moi vos bontés, si vous voulez que j’aille jusqu’à la centaine.

Baccio umilmente il lembo di sua porpora, ovvero purpura.

Le vieux de la Montagne.