Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier/7/1767/Mai

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Texte établi par Maurice Tourneux, Garnier frères (7p. 301-324).
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MAI

1er mai 1767.

J’ignore le nom de ce bon Israélite qui, touché des maux de l’humanité s’est généreusement saigné, comme on dit, et a proposé un prix à gagner par trois différents orateurs qui, au jugement de trois différentes académies, auraient fait le plus beau recueil de phrases sur les malheurs de la guerre et sur les avantages de la paix. Les trois tribunaux désignés par le bon Israélite étaient l’Académie française, la Société typographique de Berne, et une autre société littéraire de Hollande. La médaille d’or a remporter était de la valeur de six cents livres, si je ne me trompe ; et l’Académie française, ayant affaire à une nation plus vive, s’est trouvée en état, au mois de Janvier dernier, de se décider entre les différents concurrents, et d’adjuger le prix qui était à sa disposition à un discours de M. de La Harpe. La décision des deux autres academiés étrangères n’est pas parvenue à ma connaissance ; ainsi je ne puis vous dire quelles sont les deux autres colonnes qui, de concert avec M. de La Harpe, soutiendront l’édifice de la paix perpétuelle en Europe, dont l’idée a été naguère conçue par un bonhomme appelé l’abbé de Saint-Pierre, et ébauchée depuis par Jean-Jacques Rousseau, un des plus fameux maîtres maçons et metteurs en œuvre de notre temps.

M. Gaillard, de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, et qui aime à concourir pour les prix qui sont à la disposition de l’Académie française, n’a pas voulu manquer une si belle occasion de signaler son amour pour la paix. Il a un droit incontestable au premier accessit de chaque promotion, et, en vertu de ce droit, son discours sur les avantages de la paix a fait regretter à l’Académie de n’avoir pas un second prix à distribuer ; c’est la formule. Mais comme les regrets de l’Académie et les honneurs de l’accessit sont stériles, et que M. Gaillard, en partageant, il y a deux ans, le prix de l’éloge de Descartes avec M. Thomas, a éprouvé tout le poids du vers de la Henriade :

Tel brille au second rang qui s’éclipse au premier,


il a fallu songer à un tempérament qui, sans placer M. Gaillard sur la même ligne que M. de La Harpe, lui procurât cependant quelque avantage réel pour tous les avantages de la paix que son discours versait sur l’Europe en abondance. Et tout de suite il s’est trouvé un nouvel anonyme qui, informé des regrets de l’Académie, lui a fait remettre vingt-cinq louis pour une autre médaille à accorder avec l’accessit au discours de M. Gaillard. Qu’on dise après cela que les patriotes sont rares parmi nous ! Il est vrai que de méchantes langues ont prétendu que cet inconnu généreux était M. Gaillard lui-même, en observant que de pareilles générosités lui procureront des couronnes académiques sans le ruiner. Il donnera d’une main ce qu’il reprendra de l’autre, et il en sera quitte pour la façon de la médaille en laquelle il faudra convertir ses espèces ; et même, comme il dépend de celui qui remporte le prix ou de se faire délivrer la médaille, ou d’en prendre l’équivalent en or, il est évident que M. Gaillard, en se couronnant ainsi lui-même, ne fera aucune dépense, et n’a d’autres frais à supporter que ceux de l’incognito. Il est vrai que si les prix qu’il distribue de cette manière ne le ruinent pas, ceux qu’il gagne par la même opération ne l’enrichiront pas ; mais, après tout, il ne faut pas croire ce que disent de mauvaises langues, et je suis persuadé que M. Gaillard n’est pas capable d’envoyer en cachette à l’Académie le prix d’un accessit qu’il a remporté.

Remarquez, je vous supplie, combien il est aisé et peu coûteux en ce siècle de faire de grandes choses et d’être utile au genre humain. Les trois prix gagnés en France, en Hollande et en Suisse ne monteront qu’à une somme de dix-huit cents livres. C’est tout ce qu’il en coûtera au bon Israélite anonyme pour procurer à l’Europe une, paix perpétuelle au moins de cinquante ans ; car il n’est pas à présumer qu’il y ait aucun souverain au monde assez hardi pour faire la guerre, tandis que les discours de MM. de La Harpe et Gaillard seront dans leur primeur, que j’évalue à un demi-siècle. Qui ne voudrait avoir payé cette somme du plus clair de son bien, et se coucher le soir avec la certitude d’avoir sauvé la vie à des milliers d’hommes que la guerre aurait moissonnés sans cette dépense ? M. Gaillard, a la vérité, ne prétend pas nier que ce projet de paix perpétuelle n’ait ses difficulté, dont la plus grande, dit-il, sera toujours de vouloir fermement l’exécuter ; mais, ajoute-t-il, que l’ont veuille seulement, et les difficultés aplaniront, M. Gaillard est un de ces esprits lumineux qui portent la conviction partout ; son raisonnement est sans réplique.

À parler plus sérieusement, on ne peut assez s’étonner qu’on ait cherché à renouveler de nos jours cette rêverie de l’abbe de Saint-Pierre, et qu’il se soit trouvé un assez bon citoyen pour y dépenser son argent. Bon citoyen, je rétracte cette épithète, et je ne trouve guère d’argent plus mal employé que celui qui a servi à payer ces prix. Vous conviendrez aisément, je pense, que tous ces discours ensemble ne feront pas tirer un coup de fusil de moins en Europe ; c’est là cependant le moindre tort du bon israélite inconnu. Un plus réel, c’est de donner à nos jeunes gens une occasion de plus d’employer leur rhétorique à des futilités de cette espèce. Les occasions de se montrer vraiment éloquent sont déjà assez rares parmi nous sans qu’on se donne la peine de tourner les efforts de la jeunesse sur les objets propres à répandre le goût du bavardage et de la déclamation. Que M. Gaillard s’exerce sur des pauvretés de cette espèce, il n’y a pas grand mal ; la platitude de son style le tient tout juste au niveau de la matière ; mais quoique M. de La Harpe ait plus besoin qu’un autre de vingt-cinq louis, je suis presque fâché qu’il ait gagné ce prix. Ce jeune homme a du style et du talent, et le discours que l’Académie française vient de couronner vous en donnera une nouvelle preuve. Il s’agit seulement de lui faire trouver le genre auquel il est propre, et ce n’est pas en faisant des phrases sur les malheurs de la guerre et sur les avantages de la paix qu’il en fera la découverte.

Qu’il me soit permis de faire au bon israélite qui a jugé à propos de dépenser son argent pour le bien de la paix deux ou trois observations qui ne lui coûteront rien. Il n’y a personne qui ne soit pénétré des biens inestimables de la paix et des maux de toute espèce que la guerre entraîne après elle. Rassemblez tout ce que l’Europe contient d’hommes éloquents, et ils ne vous diront rien sur ce sujet que vous n’ayez pensé vous même, que vous n’ayez mieux senti. Mais à quoi serviront tous leurs discours si la guerre est un mal inévitable ? Or, réfléchissez sur la nature de l’homme, et voyez si, pour prévenir efficacement les guerres, vous n’êtes pas réduit à l’altérer dans son essence, c’est-à-dire à désirer une chose impossible ; voyez si, en ôtant à l’homme ce qui lui fait entreprendre une guerre offensive et défensive, vous ne le privez pas aussi de ses plus belles vertus, de ses plus grandes qualités. Quand vous l’aurez réduit à l’état d’automate, le règne de la paix perpétuelle commencera infaillible.

Vous êtes bien hardi si vous osez décider, en votre qualité de bon diable, que cette paix perpétuelle n’est pas contraire à l’ordre physique de la nature, et si vous ne mettez pas au moins en doute que dans cet ordre le genre humain puisse subsister sans se faire la guerre de temps en temps.

Vous êtes tout aussi hardi d’affirmer que votre paix perpétuelle n’est pas contraire à l’ordre des sociétés politiques, et de croire que leur police puisse subsister avec vos vues pacifiques. N’y a-t-il pas dans toute société policée une classe d’hommes dont le tempérament actif et ardent ne s’accommode pas du cours ordinaire, c’est-à-dire lent et uniforme des choses, et qu’aucune loi, aucun frein n’est assez fort pour assujettir à l’ordre civil ? Ôtez à cette classe d’hommes la ressource de la guerre, le métier des hasards, et vous en ferez autant de perturbateurs du repos intérieur de la société. Il faut donc à toute société politique un écouloir pour la séparation des humeurs, et pour que le plus grand nombre de citoyens puisse vivre paisible ; il faut que le petit nombre de caractères indomptables qui se trouvent parmi eux, puisse avoir la ressource de courir les dangers et d’y périr, ou bien de réussir, à force de travaux, de fatigues et de malheurs, à dompter cette effervescence de tête et d’âme incompatible avec la police de la société. Voulez-vous vous rendre cette vérité sensible par une noble comparaison ? Demandez à votre cuisinier si, pour avoir du bon bouillon, il ne faut pas que votre pot soit écumé à diverses reprises. Empêchez l’écume de sortir du pot, de se séparer de la substance de votre bouillon, et vous verrez ce qui en arrivera. Toute société politique à son écume, à laquelle un habile législateur ménage la possibilité de se séparer du reste, sans quoi le pot public va mal. Si l’on s’aperçoit enfin d’un adoucissement sensible dans les mœurs de l’Europe, ce n’est peut-être qu’à force d’avoir écumé notre pot que nous l’éprouvons. Les croisades et l’Amérique ont ouvert depuis huit cents ans deux grands écouloirs au profit des sociétés politiques de l’Europe, dont l’un est encore subsistant. Gardons-nous de fermer cet écouloir sans en ouvrir un autre, si la police et la tranquillité intérieures nous sont chères.

Les deux professions à peu près les plus opposées sont celle du moine et celle du guerrier. À ne s’en rapporter qu’au raisonnement le plus simple et le plus évident, la première de ces professions doit être l’école de toutes les vertus ; la seconde, l’école du vice et du crime. Car quoi de plus beau et de plus vertueux que d’avoir fait un état de l’humilité, de la charité, de la pauvreté, c’est-à-dire de la tempérance et de la modération ; d’avoir appris à mépriser par principe les richesses et la vie ? D’un autre côté, quel horrible métier que celui qui consiste à tuer ses semblables, à porter le ravage et la désolation dans tous les pays, dans toutes les familles, à combiner la force et la ruse, pour combattre, ruiner, massacrer, exterminer ? Il est clair que le moine ne peut manquer d’être le modèle de toutes les vertus, et que le guerrier est par état un monstre altéré de sang, qui ne peut se plaire que dans l’horreur du crime. Cependant (et ceci soit dit pour montrer en passant combien le raisonnement est un guide sûr pour conduire à la vérité) l’expérience nous prouve précisément le contraire. Généralement parlant, le moine est dur, impitoyable, c’est un cœur étranger a la compassion, c’est du moins un animal passif, sans nulle énergie, sans nulle vertu ; le guerrier en revanche est communément noble, désintéressé, compatissant, généreux, magnanime. Tant de vertus, résultat d’un si horrible métier : tant de vices engendrés dans la profession paisible des vertus du cloître ! Cette différence mérite quelque réflexion. La necessité de courir des hasards, l’habitude d’exposer sa vie seraient-elles une source féconde de vertus, et serait-il vrai qu’elles transforment le métier le plus horrible en apparence en une école de justice, de compassion et d’héroisme ? L’âme ne vaut qu’autant qu’elle est exercée, et quel peut être son exercice dans un cloître ? Le moine parle du mépris de la vie : quelle impertinence ! Comment méprise-t-on la vie dans un convent ? La paix, l’inaction de l’âme détruit jusqu’au germe des vertus, et c’est dans la profession qui à pour but la destruction de ses semblables qu’on apprend le prix qu’il faut faire de la vie, et avec ce prix celui des vertus les plus utiles à l’humanité. Nous sentons si fort le besoin des secours mutuels, de l’intérêt réciproque, de la compassion et de la générosité, que l’être le plus haïssable n’est pas celui qui fait le plus de mal, mais cet être apathique qui, sans faire aucun mal aux autres, n’est occupé que de ses aises, de ses convenances, de ses intérêts ; une conspiration générale, quoique non concertée, fait détester les hommes de cette espèce par-dessus tous les autres. Or il ne s’agit plus que de savoir si la paix perpétuelle, bien établie par les soins de M. de La Harpe ou de M. Gaillard, ne tend pas à transformer les hommes en êtres aussi aimables ?

Il serait aisé de pousser plus loin ces réflexions, et de les développer davantage ; mais je m’arrête ici. Peut-être, en approfondissant mieux cette matière, le bon israélite trouvera-t-il que le plus sur effet de sa paix perpétuelle serait de relâcher les liens des sociétés, et d’anéantir toutes les vertus héroiques et patriotiques, sans lesquelles il est assez indifférent que la terre soit couverte de troupeaux d’hommes végétant paisiblement. Je ne me suis jamais soucié de savoir si les monarchies ou les républiques des fourmis étaient bien florissantes. Si le bon Israélite veut entrer dans mes vues, après avoir dépensé son argent pour apprendre de M. de La Harpe les avantages de la paix et les malheurs de la guerre que personne n’ignore, il en dépensera autant l’année prochaine pour couronner un orateur qui lui apprendra les inconvénients de la paix, et les avantages de la guerre, qu’il paraît ne pas si bien savoir. Le moindre profit qu’il tirera de son argent sera d’apprendre à supporter les malheurs de la guerre comme les autres inconvénients de la vie, dont il y a un grand nombre qui ne sont ni moins cruels ni moins inévitables.

M. de La Harpe réside à Ferney depuis la fin de l’été dernier avec femme et enfants. Son discours sur les avantages de la paix vous prouvera qu’il sait écrire en prose, et l’épître qu’il vient d’adresser à M. Barthe en réponse à sa Lettre de l’abbé de Rancé vous convaincra qu’il a le talent des vers. C’est de tous les jeunes gens le seul, avec M.  peut-être, qui ait donné quelques preuves de sa vocation pour les lettres, quoiqu’ils aient été assez malheureux l’un et l’autre dans la carrière dramatique. M. de La Harpe, né sans fortune, comme la plupart des enfants d’Apollon, a fait la sottise de se marier, il y a deux ou trois ans, à une petite limonadière jeune et jolie, et aussi pauvre que lui. C’est un grand malheur. M. de Voltaire a recueilli depuis peu cette petite famille. Rien n’est plus touchant que de voir le chef de la littérature prendre ainsi soin de ses enfants delaissés.

On dit que Mme de La Harpe joue la comédie avec beaucoup de succès, et que son mari n’est pas mauvais acteur non plus. On ajoute que M. de Voltaire leur a conseillé à tous les deux d’embrasser l’état de comédien, et qu’ils ne sont pas éloignés de suivre ce conseil. J’aime à croire la dernière moitié de cette nouvelle absolument fausse. Quoique je ne connaisse M. de La Harpe, pas même de figure, je m’intéresse à lui. Il ne faut se mettre au-dessus des préjugés que quand il y a de l’héroïsme à les braver. Je sens que lorsque M. de La Harpe aura monté sur le théâtre, je ne l’en estimerai pas moins ; mais je sens aussi que cette démarche le fera tomber dans le mépris, et que c’est un homme perdu, à moins qu’il n’ait, avec tous les avantages extérieurs, le talent de Baron ou de Garrick. Quant aux talents de sa femme, M. de Voltaire en a écrit avec assez d’enthousiasme pour donner de la jalousie à Mlle Clairon.

M. d’Aubigny, ancien intendant des études de l’École royale militaire, vient de mourir, âgé d’environ soixante ans. C’était le neveu de Dufresne Ducange, célèbre par son Glossaire et par sa vaste érudition. Le neveu a vendu les manuscrits de l’oncle à la Bibliothèque du roi. Il n’a occupé, dans les dernières années de sa vie, que très-peu de temps sa place à l’école royale militaire, et il n’y a pas réussi. Il s’en était retiré il y a environ deux ans, avec une pension de quatre mille francs. C’était un homme mélancolique et chagrin. Il passait pour avaricieux et avide, quoiqu’il jouit d’une fortune aisée. De tels tempéraments ne promettent pas une longue vie. Le chagrin de n’avoir pas réussi a l’école militaire l’a conduit au tombeau.

— On a traduit du latin de Justus Febronius un Traité du gouvernement de l’Église, et de la puissance du Pape relativement à ce gouvernement. Trois volumes in-12. Ce livre a fait beaucoup de bruit dans l’Allemagne catholique et même en Italie ; il a obtenu à Rome les honneurs de l’Index. Le nom de Justus Febronius est supposé, et, si je m’en souviens bien, on attribue l’ouvrage à un chanoine de Wurtzbourg. Il ne fera pas tant de sensation en France. Ses principes sur la nécessité de restreindre l’autorité du pape sont ceux de tous les bons jansénistes, et n’auront pas en ce pays-ci le piquant de la nouveauté.

Le Voyage de M. Gmelin en Sibérie, fait et publié par ordre du gouvernement de Russie, est un ouvrage fort estimé. M. de Keralio, premier aide-major de l’École royale militaire, vient d’en publier une traduction libre d’après l’original allemand, en deux volumes in-12 assez considérables. Le principal soin de M. de Keralio a été de supprimer un grand nombre de détails qui n’auraient été d’aucun intérêt pour les lecteurs français, et de réduire par conséquent l’ouvrage de M. Gmelin presque à la moitié. Il lui a aussi ôté la forme de journal qu’il a dans l’original, et l’a partagé en chapitres. Cette traduction ne peut manquer d’être bien accueillie.

— Il faut joindre à l’ouvrage précédent l’Histoire du Kamtschatka, des îles Kurilski et des contrées voisines, publiée à Pétersbourg en langue russe, par ordre de Sa Majesté impériale, et traduite d’après l’anglais en langue eidous : car voilà comment il faudra nommer l’idiome dans lequel translate M. Eidous, et qui n’est certainement pas français. Cet ouvrage curieux fait aussi deux volumes in-12 assez forts.

— Nos faiseurs d’héroïdes ornées d’estampes ressemblent aux chenilles : quand il y en a un trop grand nombre, c’est preuve de sécheresse. Tuons-en deux ou trois, ce sera toujours cela de moins. M. Masson de Pezay, capitaine de dragons, a fait imprimer une Lettre d’Ovide à Julie, écrite de son exil, précédée d’une lettre de l’auteur, en prose, adressée à M. Diderot [1]. On a beau lire la prose et les vers de M. de Pezay, il n’en reste rien, absolument rien ; c’est un gazouillement sans idées ; autant vaudrait perdre son temps à étudier le sifflement d’un serin. M. d’Alembert a très-plaisamment appelé M. de Pezay le bémol de M. Dorat.

M. Mercier, à l’enseigne de l’Homme sauvage, a cherché un sujet d’héroïde dans le recueil des causes célèbres. Il y a trouvé un moine, qui, en gardant le corps mort d’une jeune personne, se sent possédé par le diable de la luxure. Il s’abandonne à son incontinence, et fait un miracle lorsqu’il y pense le moins : la jeune fille expirée ressuscite. Elle s’était couchée fille, et se relève mère ; et lorsque le funeste secret est découvert, le moine, auteur du miracle, est enfermé dans un cachot[2]. Voilà le héros de M. Mercier, qui, du fond de son cachot, écrit sa dégoûtante aventure à son ami, en vers alexandrins. Pour égayer le sujet, M. Mercier a fait tirer son estampe en rouge. Tout prouve que M. Mercier est un garçon plein de goût.

Le grand Poinsinet, dont Philidor a fait réussir les pièces par sa musique, à notre grand ennui, détriment et dommage, vient aussi de s’essayer dans le genre de l’héroïde. Il a fait écrire Gabrielle d’Estrées à Henri IV[3]. M. Blin de Sainmore s’était déjà fait le secrétaire de cette célèbre et intéressante beauté ; mais celui-ci ne l’a fait écrire qu’à l’article de la mort. M. Poinsinet nous la montre bien portante, quoique plaintive. Henri, déterminé par le sévère Mornay, part sans la voir : voilà le sujet de sa douleur. Mais elle n’a pas fini sa lettre que son héros revient victorieux et vole dans ses bras. Vraisemblablement le tendre Henri s’abandonne à ses transports sans lire la lettre de M. Poinsinet, et moi, je ferai comme lui, quoique je n’aie pas de Gabrielle a consoler.

— On vient de traduire de l’anglais un petit roman intitulé le Ministre de Wakefield, histoire supposée écrite par lui-même. Deux volumes in-12[4]. On n’a pas besoin de recourir à l’original pour sentir que ce roman est traduit avec beaucoup de négligence ; malgré cela, on le lit avec plaisir. Ce n’est pas un ouvrage de génie, mais cela est plein de naturel et de vérité, et écrit gaiement, quoique cela n’ait pas la verve des romans de Fielding. Le but moral en est bon aussi, parce qu’il tend à prouver que l’homme juste au milieu de ses adversités et de sa détresse est moins à plaindre que le méchant au milieu de sa prospérite, et cela est prouvé fort gaiement, sans effort, sans emphase, sans pédanterie. J’aime ce roman, j’aime M. Primrose, ministre de Wakefield ; j’aime sa bonhomie, sa simplicité d’esprit, sa résignation dans les malheurs. Il me semble que j’ai vu des gens faits comme lui. Ses sermons et ses conversations morales sont la plupart du temps pauvrement raisonnés ; mais j’aime cette platitude, parce qu’elle est de caractère, et qu’elle a un coin d’originalité. Son aversion pour les seconds mariages, et la controverse dans laquelle il s’embarque à ce sujet, sont supérieurement trouvés. J’aime aussi le caractère de Mme Primrose, et toute la famille Primrose. Le personnage de M. Burchell est aussi supérieurement trouvé. Je ne connais pas l’auteur de ce roman. C’est certainement un homme de beaucoup de talent, qui fait facilement et naturellement, qualité précieuse et rare. Il a un peu depêché son dénoûment. En se pressant moins, il eut été aisé de le rendre parfait : car il est bien combiné, et comme il est tiré du fond du sujet, il n’était pas difficile de lui donner le degré de vraisemblance nécessaire dans toutes ses parties ; mais l’auteur, pressé de finir, n’a pas voulu en prendre la peine.

— Les autres romans se réduisent pour cet ordinaire a trois : L’Amitié scythe, ou Histoire secrète de la conjuration de Thèbes[5]. Sujet grec, renfermé dans un petit volume in-12 de près de deux cents pages soporifiques. Les Deux Amis ne font qu’un petit conte de cent pages. Le Peintre italien, ouvrage posthume à son héros, ou le Tableau de sa vie accompagné de plusieurs autres, consiste en une brochure de cent cinquante pages d’une platitude qui mériterait une punition exemplaire dans un pays bien policé. On peut ajouter à ces trois mauvaises drogues une quatrième du même mérite, savoir : les Nouveaux Contes moraux, ou Historiettes galantes et morales, par M. Charpentier, en trois petites parties in-12. C’est le succès des Contes moraux de M. Marmontel qui nous attire ces mauvaises et impertinentes productions.

La Petite Poste dévalisée[6] forme un recueil de lettres que l’auteur prétend avoir dérobées à un facteur de la petite poste, établie dans Paris par les soins de M. de Chamousset. Cette idée n’est pas neuve, il y a eu tant de portefeuilles perdus, égarés, dérobés ; malgré cela la Petite Poste dévalisée pouvait être un chef-d’œuvre de plaisanterie et de satire. C’était un ouvrage charmant à faire par une société de gens d’esprit et de bonne humeur. Je condamne le polisson qui a dévalisé la petite poste si détestablement à briguer une place de facteur à la première promotion.

De l’Éloquence du barreau, par M. Gin, secrétaire du roi, avocat au Parlement. Volume in-12 de plus de trois cents pages. On peut parcourir cette brochure, dans laquelle on trouve beaucoup d’observations communes et de préceptes de bon sens. Si l’auteur pouvait ôter à ses compères un peu de ce ton déclamatoire qu’ils ont, il rendrait service au barreau, et avec tout cela il n’aurait pas encore transformé ses Cochin et ses Aubry en Cicérons et en Démosthènes.

La Rhétorique des savants, contenant des pièces choisies des plus célèbres poëtes et orateurs, par M. l’abbé Charuel d’Autrain. Volume in-12, de plus de cinq cents pages. L’auteur mériterait d’être amendé pour n’avoir fait autre chose, sous ce titre imposant, que de spolier indignement et impudemment le Mercure de France. Toute sa Rhétorique des savants n’est autre chose que des pièces de vers tirées de ce journal, et ses plus célèbres orateurs sont d’abord lui Charuel, ensuite M. Desforges-Maillard, M. Feutry, M. de La Louptière, M. de La Sorinière, et d’autres rimailleurs de cette espèce. M. l’abbé Charuel d’Autrain, prêtre, bachelier, professeur en théologie, écoutez : vous pouvez dédier vos compilations à monseigneur le comte de Saint-Florentin, puisque Sa Grandeur le permet ; mais souvenez-vous que ce n’est pas tout d’être bachelier et mauvais poëte, qu’il faut encore n’être pas escroc.

— On vient de nous faire présent de la Nouvelle théorie des plaisirs, par M. Salzer, de l’Académie royale des sciences et belles-lettres de Berlin, avec des réflexions sur l’origine du plaisir, par M. Kaestner, de la même Académie et professeur de l’Université de Gœttingue. Volume in-12 d’environ trois cent soixante pages. Cela est dans le goût de la philosophie anglaise, très-métaphysique, et quelquefois même un peu creux. Ce n’est pas de la philosophie, cela ; c’est une espèce de théologie que les philosophes d’un esprit subtil ont toujours aimée dans tous les siècles et chez toutes les nations : tant l’homme est un être théologique par son essence. La France est aujourd’hui peut-être le seul pays de l’Europe où cette métaphysique abstraite et creuse ait fait place a une philosophie plus naturelle, plus populaire, et, quoi qu’on en puisse dire, plus favorable au progrès de la raison et de la science.

Dictionnaire de chiffres et de lettres ornées, à l’usage de tous les artistes, contenant les vingt-quatre lettres de l’alphabet combinées de manière à y rencontrer tous les noms et surnoms entrelaceés, pour servir de suite au Traité des pierres précieuses et parures de joailleries, par M. Pouget, joaillier. Volume in-4°, contenant plus de deux cent cinquante planches qui se vendent par cahiers, afin d’en faciliter l’acquisition aux artistes. Cet ouvrage est curieux, et peut-être unique en son genre. Il doit être consulté par tous ceux qui se mêlent de composer et d’entrelacer des chiffres pour des bagues, des bracelets pour la vaisselle, les cachets, armoiries, équipages, tapisseries, etc. Il peut être aussi utile aux graveurs en bois, brodeurs, reileurs, etc. Paris l’emporte sur le reste de l’Europe pour le goût et la grâce que ses artistes savent donner à ces sortes d’ouvrages ; mais un philosophe serait bien embarrassé de trouver la théorie et les principes des procédés de nos artistes en ce genre, et de faire une exposition raisonnée des regles du bon et du mauvais goût, qu’ils observent par une espèce d’instinct.

— Une société de gens de lettres vient d’entreprendre un Grand Vocabulaire français#1 qui doit former vingt volumes in-4°. Les souscripteurs payeront dix livres par volume, et auront l’avantage de recevoir le cinquième, le dixième, le quinzième et le vingtième gratis. Ce ne sera pas seulement un ouvrage de grammaire contenant tous les mots de la langue française, mais un livre de science renfermant des définitions et des notions exactes et concises ; c’est-à-dire que les compilateurs présenteront un abrégé de l’Encyclopédie et de tous les autres grands dictionnaires. Cette entreprise pourrait avoir son utilité, mais ce serait un ouvrage digne d’une excellente tête philosophique, et l’on ne sait quelle est la société des gens de lettres qui s’en est chargée. Il est vrai que M. Capperonnier, garde de la Bibliothèque du roi, en sa qualité de censeur, fait un éloge magnifique de cette entreprise, et que ce savant est bien en état de l’apprécier ; mais il reste toujours à craindre que l’amitié et l’envie de rendre service n’aient dicté la plus grande partie de son éloge. Il me semble du moins que ceux qui ont vu l’échantillon de ce grand vocabulaire n’en ont pas été contents. On dit que M. l’abbé Georgel est un des principaux travailleurs. C’est un ex-jésuite qui a de l’esprit, et que M. le prince Louis de Rohan, coadjuteur de Strasbourg, avait chez lui en qualité de théologien, mais que les derniers arrêts du Parlement contre la Société ont obligé de s’éloigner de Paris. Si j’ai bien compris, on ne doit tirer que six cents exemplaires de ce Grand Vocabulaire français.


15 mai 1767.

On a souvent vanté, comme un avantage particulier à notre siècle, cette liaison qui s’est établie entre les gens de lettres et les gens du monde, et les agréments qui en ont résulté pour la socièté. On a prétendu que les gens du monde en ont pris du goût pour l’instruction, et que le savoir et le génie y ont appris le secret de se montrer sous des dehors plus séduisants et plus aimables. Il ne m’est pas encore bien démontré que [7] dans cette union les avantages aient été réciproques ; et si quelques gens de lettres d’un mérite médiocre y ont gagné quelque chose, je suis en revanche bien convaincu qu’il y a tout à perdre pour l’homme de génie à dissiper son temps dans l’oisiveté de nos cercles. Le génie est, par sa nature, solitaire et sauvage. On lui nuit en le tirant trop souvent de sa retraite. On l’émousse, on lui ôte son caractère par ce frottement perpétuel contre les esprits ordinaires et communs qu’on est toujours sûr de rencontrer dans les cercles les moins nombreux. Je ne dis pas qu’il faille pour cela séquestrer de la société tous ceux qui portent véritablement tous les caractères de leur vocation ; le mieux serait sans doute de leur faire partager leur temps bien à propos entre la retraite et le commerce du monde ; mais je crois en général que si les gens de lettres n’ont pas été autrefois assez dans le monde, ils y sont aujourd’hui beaucoup trop répandus. Ils en peuvent être devenus plus aimables ; mais aussi la véritable et solide science a dû nécessairement souffrir de cette dissipation continuelle, et de toutes les pertes, celle du temps est la plus irréparable. En ce bienheureux pays-ci, personne n’a le temps de faire son métier ; les années s’éclipsent, la vie se dissipe, et la plupart de nous se trouvent au bout de leur carrière avant de savoir qu’ils l’ont commencée. Aussi, au milieu de cette épidémie générale qui fait que tout le monde veut avoir de l’esprit et veut écrire, il ne se fait cependant presque point de livres. Nous sommes accablés de brochures, de petits écrits ; dès qu’un objet intéresse le public, on en voit paraître par centaines, on les voit disparaître avec la même rapidité ; mais les livres restent rares, et a peine en voit-on sortir de presse un ou deux tous les dix ans.

Il faut convenir que, parmi ces petites brochures, il se trouve quelquefois des morceaux bien précieux, même indépendamment de ce qui sort de la manufacture de Ferney ; et celui qui sait trier avec goût et recueillir avec discernement ne peut manquer d’avoir avec le temps une bibliothèque bien exquise qui lui tiendra peu de place.

Je ne crains pas d’être contredit en vous indiquant comme un des plus précieux écrits qui aient paru cette année un Discours de M. Servan, avocat général au parlement de Grenoble, dans la cause d’une femme protestante. Ce discours contient en cent douze pages la plus noble et la plus touchante apologie des droits de l’humanité contre la barbarie de quelques-unes de nos lois civiles.

M. Servan est un jeune magistral qui, je crois, n’est pas encore parvenu à sa trentième année[8], et qui joint au goût de la philosophie et des lettres l’amour le plus vif de l’humanité et ce zèle qu’inspirent pour elle la chaleur et la confiance du premier âge, lorsque la méchanceté et l’injustice des hommes ne vous ont pas encore appris à regarder la cause de l’humanité comme impossible à soutenir et à défendre. Malheureusement M. Servan est d’une complexion si faible, d’une santé si mauvaise, qu’il ne peut guère se flatter d’atteindre au terme ordinaire de la vie humaine. Ce qu’il annonce doit faire regarder sa perte prématurée, si elle arrive, comme une perte sensible pour l’État, pour tous les citoyens, pour tous ceux qui ont à cœur le progrès de la raison et le bien public. On peut malheureusement compter en ce royaume les magistrats qui lui ressemblent. Il n’y a point de corps en Europe qui se vante avec plus de confiance de sa droiture et de ses lumières que nos corps de magistrature ; et si les réquisitoires et les autres écrits publics de la magistrature française ressemblaient aux écrits de M. de La Chalotais et de M. Servan, toute la nation aurait raison de s’empresser à confirmer ces éloges.

Notre jeune avocat général a déjà signalé son zèle à la rentrée du parlement de Grenoble de l’année dernière par un discours sur la justice criminelle ; mais dans ce discours il a moins parlé d’après lui que d’après les idées du marquis de Beccaria, et M. Servan ne peut que perdre, en copiant même de beaux modèles. Ici il n’a parlé que d’après son cœur et ses lumières ; et son discours vous paraîtra aussi instructif que noble et touchant. Voici en deux mots la cause sur laquelle il avait à donner ses conclusions :

Jacques Roux, protestant, âgé de trente ans, épouse une jeune fille de vingt ans, de sa religion, du consentement de ses parents. Leur contrat de mariage est dressé par un notaire, et signé en la forme ordinaire par les parties contractantes et par les parents et témoins ; le mariage est ensuite béni par un ministre protestant. Deux enfants naissent successivement de ce mariage ; mais pendant que leur malheureuse mère les porte dans son sein, son mari s’abandonne à tous les désordres. Une servante fait contre lui une déclaration de grossesse. La mauvaise conduite et les mauvais traitements de Jacques Roux obligent sa femme de plaider contre lui en séparation. À ce moment ce mari coupable lève le masque. Il se sent tout a coup touché par le doigt de Dieu. Il abjure sa religion et se fait catholique. Il prétend qu’il n’est pas marié, que sa femme n’est qu’une concubine, puisque leur contrat de mariage n’a pas été suivi de la bénédiction nuptiale d’un prêtre de l’Église romaine. En conséquence il demande à épouser en face de l’Église la servante devenue grosse par son fait ; et les curés de Grenoble, ou peut-être l’évêque de cette ville (car on ne dit pas qui) trouvent cette logique bonne, et après avoir reçu ce digne prosélyte dans le giron de l’Église, ils l’unissent par le sacrement du mariage a la compagne de ses débauches.

Tout cela est dans la règle, et exactement conforme à cette jurisprudence humaine, équitable et sensée, qui a reçu force de loi à la révocation de l’édit de Nantes. Grâce a cette belle jurisprudence, nous avons actuellement deux ou trois millions de bâtards dans le royaume, dont la loi ne reconnaît la légitimité et l’état civil qu’autant qu’il ne leur est pas contesté juridiquement ; mais des qu’il se trouve dans une famille un parent collatéral assez infâme et assez lâche pour oser préférer la richesse à l’honneur et à la probité, il est le maître d’arracher à l’enfant d’un protestant l’héritage de son père et de se le faire adjuger ; et le juge est obligé de consommer cette œuvre d’iniquité en déclarant l’héritier légitime bâtard. Dans le cas dont il s’agit, tout ce que la femme de Jacques Roux a pu faire, c’est de plaider contre son infâme mari en demande de dommages et intérêts ; et sans la noble et généreuse défense de l’avocat général du parlement, elle n’en aurait peut-être point obtenu.

Pour sentir toute la beauté de cette courageuse apologie, il faut considérer quelle est la charge d’un avocat général. Il est par sa place le gardien et le vengeur des lois reçues. C’est à lui de veiller à leur maintien et à leur exécution ; mais il ne lui appartient pas de décider de leur équité ou de leur injustice. Il faut voir dans le discours même avec quelle adresse et avec quelle noble assurance M. Servan marche entre ces deux écueils dont il est pressé. D’un côté, il ne s’écarte pas un instant du respect pour l’autorité et pour la loi reçue, dont le magistrat doit donner l’exemple aux autres citoyens ; de l’autre, il ne trahit pas un moment ni les droits de l’humanité, ni les cris de sa conscience, qui réclament également contre une loi barbare. La force et la sagesse marchent d’un pas égal dans ce beau discours. La cause particulière ne sert qu’à éclaircir d’importants points du droit public, et les intérêts d’une infortunée privée de la protection des lois apprennent à son défenseur à plaider la cause du genre humain. Si vous voulez faire abstraction du caractère public de M. Servan, et ne le regarder que comme écrivain, vous jugerez son esprit éclairé et solide, son style facile, noble et touchant : c’est la marque certaine d’une âme tendre et élevée ; et quant au talent, vous mettrez son morceau sur la sanction du mariage dans l’état de nature à côté de tout ce qui a été écrit de plus beau sur cette matière. On ferait un beau livre sur les causes, de la dépravation de la morale. Chaque parti en accuse son parti ennemi, afin de le rendre odieux. Le Parlement a traité les jésuites d’empoisonneurs publics, les jésuites ont reproché aux jansénistes de détruire la moralité des actions en ôtant à l’homme sa liberté. Les sots et les fripons se sont réunis contre les philosophes, le reproche de saper les fondements de la morale a été de tout temps le cri de guerre contre tout homme qui à osé penser d’après lui ; et les gouvernements ont été assez imbéciles pour croire a chaque cri la morale publique en danger. Quelle pauvreté ! Comme si cette morale publique, sa conservation ou sa dépravation pouvaient dépendre de la subtilité d’un sophiste, de la métaphysique d’un philosophe, des belles tirades d’un orateur, des décisions d’un casuiste sévère ou relâché ! C’est le législateur seul qui maintient ou qui corrompt la morale publique, c’est lui seul qui est l’écrivain utile ou dangereux d’un pays. C’est lorsque Jacques Roux peut à la face d’une cour souveraine répudier sa femme légitime et épouser la compagne de ses débauches ; c’est lorsque Louis Calas, converti à l’Église romaine, peut, après l’assassinat juridique de son vertueux père, pénétrer dans l’asile de sa mère infortunée, y conduire des archers pour arracher ses deux sœurs des bras de leur mère, et les enfermer dans des couvents afin de les forcer de se faire catholiques ; c’est lorsque le clergé de France récompense cette action détestable par une pension ; c’est alors que la morale publique est en danger. C’est quand le mérite n’est plus recherché, quand la médiocrité ravit les honneurs qui lui sont dus, quand tout homme qui a du caractère et de l’âme est regardé comme suspect et dangereux, c’est alors que l’élévation, les vertus, le nerf et le mérite, disparaissent.

Je n’ai garde d’affliger votre vue en vous découvrant ici toutes les sources d’où découle la dépravation des mœurs publiques, et auxquelles Jean-Jacques Rousseau n’a pas eu le génie de remonter dans ses éloquentes déclamations. Dormons plutôt avec cette idée consolante que toute l’Europe s’achemine vers une époque ou les droits de l’humanité seront mieux connus et reposeront sur leur propre force ; ou une foule d’abus et de mauvaises lois tomberont, ainsi que leurs défenseurs, dans un discrédit total. Quant à ce qui concerne les protestants de France, on dit que le gouvernement s’occupe actuellement de la rédaction d’un édit qui doit mettre fin aux désordres dont Jacques Roux a donné un nouvel exemple, et qui doit rendre les mariages entre protestants valides et assurer l’état civil et la légitimité de leurs enfants. Si le bon génie de la France permet que les conseils de M. le due de Choiseul soient suivis, tout bon Français est bien sur que ce ministre, plein de générosité dans ses procédés, plein d’élévation dans ses vues, réparera le tort et guérira les blessures profondes que le fanatisme a faites à ce royaume par la révocation de l’édit de Nantes.

— Vous avez vu le premier chant de la Guerre de Genève ; vous allez lire le troisième chant de ce poëme. Ce sont les seuls que M. de Voltaire ait communiqués à ses amis ; et comme ils l’ont peu encouragé à poursuivre cette entreprise, elle paraît aujourd’hui abandonnée. Les Genevois ont prétendu qu’il n’était pas trop bien à M. de Voltaire de s’égayer aux dépens d’une ville en proie à la discorde, et dont les principaux citoyens lui ont donné tant de marques d’amitié et d’intérêt ; et il y aurait bien quelque chose à dire à ce procédé, si les poëtes pouvaient être rendus responsables de leurs saillies.

M. Petit, docteur régent de la faculté de médecine de Paris, homme savant et très-bon esprit, le même qui, l’année denière, en qualité de commissaire de la Faculté, publia un rapport favorable à l’inoculation et rempli d’excellentes observations, vient de faire imprimer une Lettre à M. le doyen de la Faculté de médecine, sur quelques faits relatifs à la pratique de l’inoculation. Écrit de quarante pages in-8°. Cette lettre, qui discute les cas arrivés à quelques inoculés de M. Galti, ne me paraît digne, ni dans ses principes ni dans les conséquences qu’on en tire, d’un auteur du mérite de M. Petit. M. Gatti peut avoir été léger, même étourdi dans quelques occasions ; mais ses vues et ses principes en fait d’inoculation ne sont à mon avis point du tout d’un homme léger, et me paraissent mériter l’attention de tout médecin qui ne préfère pas la routine au bon sens. M. Gatti vient d’exposer de nouvelles vues sur cette matière importante, dans une brochure de deux cents pages in-12, intitulée Nouvelles Réflexions sur la pratique de l’inoculation. Les reproches de légèreté qu’on fait à M. Gatti dans quelques occurrences de ses propres inoculations, ont empêché cette brochure d’avoir beaucoup de vogue ; et il ne m’appartient pas de décider de son mérite, mais je suis persuadé que plus la méthode de l’inoculation se perfectionnera en Europe, plus ce petit livret de M. Gatti sera estimé. L’auteur observe avec raison que jusqu’à présent tout le monde s’est occupé à entasser des arguments pour ou contre l’inoculation, personne n’a songé seulement à examiner si la méthode que l’on a suivie jusqu’à ce jour dans l’inoculation n’était pas susceptible d’amélioration ; M. Gatti en est très-persuadé. Il attaque, et la manière de préparer à cette opération, et la manière d’insérer le virus de la petite vérole, et enfin le traitement de cette maladie. Il soutient que l’inoculation ne sera véritablement salutaire aux hommes que lorsque les médecins ne s’en mêleront plus, et qu’elle sera entre les mains du peuple, parce que les premiers, par intérêt ou par sottise, voudront toujours en faire une maladie ou du moins une opération importante. Il soutient que tous les inconvénients réels qui ont résulté de l’inoculation n’ont été qu’une suite de fautes commises par les médecins ; et je meurs de peur qu’il n’ait raison. Il prétend qu’il ne faut pas préparer, parce que le sujet qu’on veut inoculer doit être en état de santé, et que s’il est malade, il faut le guérir. Cet état de santé étant le meilleur état possible pour donner la petite vérole, il est d’autant plus absurde de vouloir l’améliorer qu’aucun médecin sage ne se vantera de savoir ce qu’il faut faire pour cela. M. Gatti prouve ensuite que la méthode ordinaire de l’insertion est très-mauvaise. Quant au traitement de la petite vérole, tant artificielle que naturelle, il ne connaît que deux points essentiels, savoir, de tenir le malade gai, et de l’exposer le plus qu’il est possible au froid ; et il prétend qu’en observant ces deux points on se convaincra que la petite vérole est par sa nature une maladie bénigne, et qu’elle n’est devenue meurtrière que par le traitement des médecins. M. Gatti ne se soucie pas, comme vous voyez, de flatter ses confrères ; mais moi, qui me soucie d’être toujours vrai, je suis obligé en ma conscience d’attester que je l’ai vu, cet hiver, traiter Mme Helvétius de la petite vérole naturelle, conformément à ses principes et avec le plus heureux succès. Mme Helvétius, ayant plus de quarante ans, se trouve dans un âge ou la petite vérole est regardée comme mortelle a Paris. La première ordonnance de M. Gatti, lorsqu’il se fut assuré de la maladie, ce fut de faire éteindre le feu et ouvrir les fenêtres d’heure en heure ; c’était au mois de Janvier. Il obligea ensuite la malade de se tenir hors de son lit et de se promener dans sa chambre fraîche pendant l’éruption. Cette éruption finie et pendant tout le reste de la maladie, M. Gatti employa le temps de ses visites à faire des cabrioles dans la chambre de la malade, à danser avec ses filles, à faire enfin mille polissonneries qui nous faisaient mourir de rire. Je ne me doutais guère alors que ce fut en vertu d’un principe de médecine qu’il se livrait à toutes ces folies ; mais l’évènement a bien justifié sa méthode. Mme Helvétius s’est tirée de sa petite vérole le plus heureusement du monde, et sans que son apothicaire ait eu occasion de lui fournir un denier de drogues. Je sens cependant que la méthode de M. Gatti est trop simple, trop raisonnable pour avoir jamais une grande vogue. Les hommes veulent être trompés. Plus un procédé est insignifiant, plus il leur en impose ; le mensonge soutenu par la pédanterie est sur de son effet sur le vulgaire, et ce vulgaire compose les dix-neuf vingtièmes du genre humain. Je ne sais si nous guérirons jamais de la maladie des théologiens ; pour celle des médecins elle me paraît absolument incurable. Au reste, un certain M. Sutton pratique depuis quelque temps en Angleterre l’inoculation conformément aux idées de M. Gatti, avec un prodigieux succès. Je suis convaincu que cette méthode finira par être généralement adoptée dans toute l’Europe ; mais il faut bien du temps aux hommes pour se rendre à la raison. En France, nous aurons la gloire de lui résister sur ce point plus longtemps que les autres nations : grâces à la sagesse de nos corps, ç’a été de tout temps notre rôle.

Essai sur l’histoire du cœur humain. On y a joint les caprices poétiques d’un philosophe. Volume petit in-12, de plus de deux cents pages. N’essayez point de ces essais, et garantissez-vous des caprices poétiques de ce philosophe anonyme. Il prie le lecteur en le lisant de

Se souvenir que chaque auteur.
Sans y penser, dans son ouvrage
Peint d’ordinaire à chaque page
Son caractère et son humeur.

Cela peut être vrai ; mais qui est-ce qui a pu dire à cet auteur que son caractère et son humeur vaillent la peine d’être peints ? Quand on a le visage plat, la figure insipide et maussade, il ne faut pas exposer son portrait à la censure publique.

M. Deserres de La Tour vient de faire imprimer un Traité du bonheur de près de deux cents pages in-12, auquel on a joint un traité de l’Éducation des anciens, qui est à peu près de la même étendue. C’est le plus impertinent et le plus insipide bavardage qu’on puisse lire. Qu’on déraisonne tristement sur le bonheur, c’est le sort de presque tous ceux qui en ont écrit ; mais qu’on ose imprimer un traité sur l’éducation des anciens, sans idées, sans connaissances, sans vues, sans style, sans presque rien dire de relatif à cet objet si intéressant et si neuf, cela mériterait punition dans un pays bien policé.

— Un autre bavard a fait imprimer un traité de l’Éducation philosophique de la jeunesse, ou l’Art de l’élever dans les sciences humaines, avec des réflexions sur les études et la discipline des collèges, en deux petits volumes in-12. Je ne sais si tout ce bavardage est d’un certain défunt maître Joseph de La Motte, en son vivant maître de pension, qui se trouve cité à la suite de l’avis préliminaire[9]. Il y a cette différence entre ce bavard-ci et celui de l’article précédent, que celui-ci a une tête absolument vide de toute espèce d’idées et que celui-là une tête triviale, remplie de toutes sortes de lieux communs du plus plat calibre.

— Si vous voulez vous remplir la tête d’idées tristes, bilieuses et sombres, vous lirez les Pensées et Réflexions de M. de Rancé, abbé de la Trappe, qu’on vient d’extraire des Lettres spirituelles de ce célèbre atrabilaire. Tout le monde connaît l’histoire de sa conversion et de la fondation de cette fameuse abbaye où le fanatisme mélancolique et la dégradation de la raison humaine sont portés au plus haut degré de perfection. On a ajouté à ce recueil une paraphrase des sept psaumes de la pénitence ; et le tout forme un volume petit in-12 de plus de cent cinquante pages.

— Il paraît tous les ans un certain nombre de pièces dramatiques qui n’ont pu être jouées, soit que les Comédiens les aient rejetées à la lecture, soit que les auteurs aient pressenti leur sort et n’aient pas voulu s’y exposer. Ils ont raison de préférer la manière de tomber la plus douce ; c’est celle dont personne ne s’aperçoit. Personne par exemple ne sait qu’on a imprimé cette année une tragédie de cinq actes sous le titre de Virginie, et la pièce n’est pas mieux connue que l’auteur. Ce sujet si beau et si théâtral n’est pas encore sur le Théâtre-Français, et nous disons que les sujets manquent ; ce sont les poëtes, les hommes de génie qui manquent, et non les sujets.

— Une beauté du pays de Vaud a fait imprimer aussi un essai de tragédie domestique intitulée Repsima[10]. Sujet tiré des Mille et un jours. Cette pièce est dédiée à M. Beccaria. Il faut connaître l’espèce de bel esprit qui règne en Suisse, surtout parmi le beau sexe, et l’effet que produit dans ces têtes femelles la lecture de nos bons et mauvais écrivains, et le salmigondis qui en résulte, pour entendre quelque chose à une pièce dans le goût de celle-ci.

M. d’Arnaud vient de faire une troisième édition, ornée d’estampes et de vignettes suivant la mode, de Fanny, ou la Nouvelle Paméla, histoire anglaise. Le sujet de ce roman ressemble un peu à celui d’Eugénie, que M. de Beaumarchais a mis l’hiver dernier sur la scène. Fanny est aussi une fille abusée dont le séducteur répare à la fin ses torts par un mariage réel. Il faut bien que ces productions insipides trouvent des lecteurs pour qu’on les réimprime. La jeunesse, naturellement inflammable, est peu difficile sur les sujets et les tableaux de tendresse et d’amour. En lisant M. d’Arnaud, elle lui prête son feu ; et ce pauvre homme en a besoin, car c’est l’auteur le plus glacial que nous ayons ; c’est aussi un auteur perfide, car il cache sa glace sous une fausse apparence de chaleur, et sa platitude sous un style plein d’emphase et de grands mots. Je dirai cependant aux jeunes gens : Lisez cela s’il faut absolument que vous perdiez votre temps ; mais le mal est que ces productions sont infiniment propres à corrompre le goût et le style. Une infortunée créature en proie à un orage de sentiments opposés, des yeux chargés d’un nuage de pleurs, des pieds qu’on arrose de deux ruisseaux de larmes : tout est écrit dans ce bon genre-là. Bonsoir, monsieur d’Arnaud, vous m’ennuyez. Je ne peux faire grâce qu’à une seule ligne de votre roman ; c’est celle où vous dites que le goût de la dissipation, ordinaire à la première jeunesse, est une ivresse aussi dangereuse peut être pour la véritable volupté que pour la raison.

— Si vous n’avez pas assez de cette darnauderie anglaise, en voici une autre française qui vous donnera votre reste. Elle est intitulée Julie, ou l’Heureux Repentir. Ma foi, j’en avais assez de Fanny, qui m’a entre autres prouvé la parfaite ressemblance de M. d’Arnaud avec M. de Beaumarchais, en ce qu’ils ont tous les deux la manie de placer leur scène en Angleterre sans avoir la connaissance la plus légère des mœurs anglaises. Quant à Julie la Française, c’est une petite égrillarde que je soupçonne de s’être permis bien des fredaines ; mais enfin elle s’en repent, en demande pardon à Dieu, à son père, à la justice, se fait religieuse et meurt sur la cendre. C’est à peu près l’histoire de la fameuse courtisane Deschamps, morte en odeur de sainteté il y a trois ou quatre ans, après voir vécu en odeur d’impureté. Comme M. d’Arnaud saît ennoblir ses sujets ! Je lui ferai expédier un brevet d’historiographe des filles de l’Opéra. Ces demoiselles ont ordinairement besoin d’une plume embellissante. Le beau triomphe pour la vertu que l’heureux repentir de Julie Deschamps !

M. Mercier, qui le dispute à M. d’Arnaud en fecondité, vient de nous faire présent des Amours de Chérale, poëme en six chants. Lisez : prose en six chapitres. Suivi du Bon Génie, qui heureusement n’a pas plus de vingt pages. M. Mercier tient boutique d’insipidités des mieux assorties.

M. Dorat, en sa qualiée de faiseur d’héroïdes, avait ébauché un petit roman qu’il vient d’achever. Valcour, Français, devient amoureux en Amérique de la belle Zeila, fille sauvage. Il la détermine à le suivre en Europe, et il s’embarque avec elle et ses trésors. Naturellement léger et volage, il l’abandonne pendant le trajet, dans une île déserte, au moment ou elle porte un gage de sa tendresse dans son sein. Zéila est enlevée de cette île par un corsaire qui la vend au Grand Seigneur. Voilà le sujet de la première héroïde ; c’est Zéila qui écrit à son amant. Valcour, à la réception de cette lettre, se repent et répond ; c’est la seconde héroïde, mais à quoi sert un repentir stérile ? Valcour s’embarque, court au sérail, y arrive au moment ou le Grand Seigneur jette le mouchoir à Zéila. Zéila se prosterne aux pieds de Sa Hautesse et lui avoue son amour. Sa Hautesse le musulman prend le parti de la genérosité, et unit Valcour a Zéila, qui lui fait présent d’un enfant déjà grandelet qu’il lui avait laissé dans l’île déserte. C’est la troisième héroïde qui vient de paraître, et dans laquelle Valcour rend compte à son vieux papa de tous ces évènements agréables[11]. Vous jugerez par cette esquisse que ce petit roman est un chef-d’œuvre de vraisemblance, et si vous avez le courage de lire les trois héroïdes, vous verrez que l’exécution répond parfaitement a l’invention heureuse de cette petite fable. Monsieur Dorat, je suis bien aise de vous dire que moi, à la place de Sa Hautesse, j’aurais fait empaler votre Valcour pour ses petites fredaines, et je vous aurais obligé d’assister à l’exécution, pendant laquelle j’aurais fait lire votre apologie des héroïdes, qui est à la tête de cette dernière, pour désennuyer et distraire la tendre Zéila, veuve de l’empalé.



  1. Figure, vignette et cul-de-lampe d’Eisen, gravés par Noé. Le Guide de MM. Colien et Mehl attribue cette héroïde à Dorat.
  2. Lettre de Dulis à son ami. Londres et Paris, 1767, in-8°. Figure, vignette et cul-de-lampe de Gabriel de Saint-Aubin, gravés par Mer. La seconde édition de cette héroïde (1768) est ornée d’une figure et d’une vignette par Moreau, gravées par Longueil, et d’un cul-de-lampe par Thérèse Martinet.
  3. Amsterdam, 1767, in-8°, Figure de Gravelot, gravée par Levasseur.
  4. Quérard attribue cette traduction souvent réimprimée a Mme de Montesson ou à un sieur Rose, alors réfugié en Angleterre ; il ajoute qu’elle a été également attribuée à un avocat au Parlement, nommé Charles, qui aurait traduit de l’anglais en 1766 le Lord impromptu, mais il oublie que cette nouvelle de Cazotte est une œuvre originale et non une traduction.
  5. À Issedon, et se trouve a Paris chez Vente, 1767, in-12.
  6. (Par J.-B. Artaud.) Amsterdam et Paris, 1767, in-12 ; réimpr., an XI, in-12.
  7. Cette publication, qui eut lieu de 1767 à 1774, forme 30 volumes. Barbier ne nomme pas l’abbé Georgel parmi les collaborateurs, mais il cite Chamfort et La Chesnaye des Bois. Il signale également deux études critiques sur cette entreprise par Midy, de l’Académie de Rouen, et par un médecin nommé Savary.
  8. Il était né à Romans le 3 novembre 1737.
  9. Ce traité est, en effet, de l’abbé de La Motte.
  10. (Par Mle Bouillé, fille d’un réfugié d’Amsterdam.) Lausanne, 1767, in-8°.
  11. Lettre de Valcour à son père. Figure, vignette et cul-de-lampe d’Eisen gravé par Simonet.