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Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier/8/1770/Mars

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MARS.
1er mars 1770.

Le 19 du mois passé, on donna, sur le théâtre de la Comédie-Italienne, la première représentation de Silvain, comédie en vers libres et en un acte mêlée d’ariettes, par M. Marmontel, de l’Académie française ; la musique est de M. Grétry. Voilà, en moins de dix-huit mois, le quatrième ouvrage de ce charmant compositeur qui réunit tous les suffrages. M. Marmontel, en s’annonçant pour le père de Silvain, a en même temps légitimé le Huron et Lucile, enfants exposés et reniés à leur naissance. Ils doivent tous les trois infiniment à leur bon parrain Grétry, qui, au moyen d’une musique pleine de génie et de goût, leur a procuré un établissement très-avantageux dans le quartier de la Comédie-Italienne, et qui a rendu en dernier lieu le même service au Tableau parlant de M. Anseaume ; mais en traduisant avec tant de facilité et de succès, en nous charmant par ses ouvrages, ou, s’il faut parler comme l’abbé Arnaud, en doublant notre existence, M. Grétry nous a fait craindre pour la sienne. Il a la poitrine faible et mauvaise, il crache souvent le sang, il ne se ménage pas assez ; eh ! le moyen de se ménager, quand on est amoureux comme un fou d’une petite créature jolie comme un cœur, et douée des plus beaux yeux noirs de la France ? Il faut donc s’attendre à voir périr le Pergolèse français comme celui d’Italie, à la fleur de son âge. Détournons nos yeux de cette triste perspective ; jouissons de l’aurore sans demander si elle sera suivie d’un beau jour.

Il y a dans cette pièce des détails charmants ; mais le grand mérite de M. Marmontel, c’est d’avoir senti la place et le but de l’air ; il en était bien loin lorsqu’il voulut mettre la Bergère des Alpes sur la scène. On lui demanda l’autre jour comment il avait fait pour revenir de ses erreurs, et il nous avoua qu’il devait sa conversion à l’étude des drames de Metastasio.

Les gens de la cour et du monde se sont beaucoup récriés sur le but et la morale de cette pièce : M. le duc de Noailles a dit que son résultat, en deux mots, était qu’il faut épouser sa servante et laisser braconner ses paysans. Ce qu’il y a de plaisant, c’est qu’on est intimement persuadé à la cour et dans le grand monde que de pareils sujets sont traités à dessein par les philosophes pour répandre leurs opinions dangereuses sur l’égalité de tous les hommes, sur le préjugé de la naissance ; et que Silvain, par exemple, a été composé en vertu d’une délibération prise, par tout le corps des encyclopédistes, de faire prêcher à la Comédie-Italienne pendant le carême de 1770, par le R. P. Caillot et par notre chère sœur en Dieu Laruette, le sermon de la chimère des naissances illustres et la doctrine abominable de la liberté de la chasse. Voilà comme on cherche toujours des causes merveilleuses aux effets les moins merveilleux. On ne veut pas me consulter à la cour, on ne veut pas m’écouter dans le monde : on a tort, et la France se perd ; j’aurais dit le mot de l’énigme : c’est que ce que l’on attribue à un projet comploté par tout le parti philosophique n’est que l’effet très-naturel de la faiblesse du génie de M. Marmontel et de son peu de talent pour le genre dramatique ; c’est qu’il est bien plus aisé d’être outré que d’être simple ; d’imaginer des mœurs et des événements romanesques que de trouver les événements vrais, et de peindre les mœurs telles qu’elles sont, d’une manière intéressante ; c’est que ces touches de mœurs qui supposent dans le poëte un goût exquis, qui exigent de lui une justesse extrême, sont seules capables de donner de la couleur et de la physionomie à ses personnages, et qu’il ne faut pas croire, parce que les petits drames de M. Sedaine ont un air simple et facile, qu’il soit aisé d’en faire de pareils.

Le défaut de naturel gâte tout dans ce Silvain. Pour nous donner l’idée d’un bon seigneur, le poëte lui fait permettre la chasse à tous ses paysans. Ce n’est pas cela, monsieur Marmontel ; vous n’avez trouvé là qu’un moyen sûr de détruire entièrement le gibier dans une terre : un bon seigneur, qui a du sens et qui veut faire le bien, craindrait, en accordant à ses paysans une permission illimitée de chasse, de les détourner des soins qu’exigent leurs champs, de leur faire perdre l’amour de leur métier, et d’en faire une troupe de vagabonds et de vauriens. Il se contente de faire tuer par ses gardes assez de gibier pour que le cultivateur n’en soit pas vexé ; et quand il veut faire du bien à son village, il tient l’enfant de son voisin, parce que c’est un brave homme ; il prête quarante écus à l’autre, parce qu’avec cette avance il fera une entreprise utile ; il marie, au moyen d’une dot de cent écus, la fille de ce bon vieillard qui a besoin d’un gendre pour soigner son petit bien ; il donne une vache à la pauvre veuve qui demeure au bout de l’avenue du château, et cette vache sert à occuper son loisir en même temps qu’elle lui procure sa subsistance. Pour des chèvres, j’en ai vu une quantité de distribuées dans son village ; mais mon bon seigneur ne ressemblait en rien au seigneur de M. Marmontel.

L’idée de Silvain est empruntée de la pièce de M. Gessner de Zurich, intitulée Éraste : on peut comparer ces deux pièces, qui ne se ressemblent guère. La fable allemande est conçue et développée d’une manière infiniment plus naturelle que celle du poëte français : car M. Gessner a le goût trop simple et trop vrai pour s’engager dans les défilés de M. Marmontel. Il y a dans la pièce allemande un rôle de vieux domestique qui n’a pas voulu abandonner le jeune homme après son mariage et dans sa pauvreté : ce rôle est sublime, mais il me semble que je n’ai pas été aussi content des discours des personnes que de l’idée de la pièce. Ni M. Gessner ni M. Marmontel ne savent baptiser leurs enfants. Ce fils marié ne s’appelait ni Éraste ni Silvain, car il ne vivait ni à Paris dans un carrefour de la Comédie-Française, ni dans la Terre de Labour du temps de Virgile ; Marmontel, en lui donnant pour femme une Hélène, devait craindre de nous rappeler la chanson polissonne de Collé : Permettez, madame Hélène… Je n’aurais pas non plus cherché de Pauline dans cette chaumière : passe pour Lucette ; et pour finir par une minutie, il ne fallait pas laisser chanter à ces enfants :

C’est ici que l’on s’aime,


parce que les faiseurs de pointes, quand on chante cela au milieu d’un champ, entendent : c’est ici que l’on sème, et disent que tout le monde sait cela.

Je crois du moins avoir suffisamment lavé M. Marmontel de tout soupçon d’attentat contre la pureté de la morale de l’opéra-comique ; M. Grétry, d’avoir prêté ses divins accents à des sentiments malsonnants, schismatiques, hérétiques ; et les encyclopédistes, d’être fauteurs d’une doctrine erronée ou relâchée sur le droit de la chasse et sur le point de la naissance.

La Religieuse de M. de La Harpe vient de paraître sous le titre de Mélanie, drame en trois actes et en vers#1. Le bruit que les lectures de cercle en cercle ont fait à Paris, et la réputation qu’elles ont donnée à l’ouvrage, en ont fait enlever deux mille exemplaires en trois fois vingt-quatre heures ; il est vrai que la moitié du public a dit, après avoir lu : Quoi ! ce n’est[1] que cela ? C’est un inconvénient attaché à tous les ouvrages annoncés, prônés d’avance, de ne jamais remplir l’attente du public. Cependant M. de La Harpe a pris un très-bon parti en lisant sa pièce de cercle en cercle ; il lui a procuré par ce moyen une vogue qu’elle n’aurait pas eue, et sans les protecteurs que ces lectures lui ont attirés, il n’aurait pas eu peut-être la permission de la police de faire paraître sa Religieuse. Il existe quelque part, dans Paris, un M. Fontanelle qui doit trouver bien injuste le succès de M. de La Harpe. Ce M. Fontanelle a fait, il y a quelque temps, une tragédie intitulée Éricie, ou la Vestale ; on croit y trouver quelques allusions à nos cloîtres, et la police lui donne pour censeur M. l’archevêque de Paris, afin de prévenir toute surprise. Le prélat, devenu censeur de pièces de théâtre, opine que non-seulement cette Vestale ne peut être représentée, mais qu’elle ne doit pas même être imprimée ; et voilà mon pauvre diable de poëte pour ses frais de composition ; et lorsqu’il parvient enfin à la faire imprimer clandestinement, on envoie son colporteur aux galères pour en avoir vendu. M. de La Harpe traite le même sujet, mais sans le voiler : il place le lieu de la scène dans le parloir d’un couvent de Paris ; une novice, un curé, un père dur et cruel, un amant passionné, en sont les acteurs ; et l’auteur obtient la permission de vendre sa pièce publiquement, et en tire en quinze jours de temps sept mille livres. L’impression lui en a valu quatre mille, et il a eu un présent de trois mille livres de M. le duc de Choiseul ; ce présent a été fait avec autant de grâce que de noblesse. M. de La Harpe, ayant lu sa pièce chez Mme la duchesse de Grammont, en présence de M. le duc de Choiseul, dit, après la lecture, qu’il y avait deux libraires qui lui en offraient mille écus, supposé qu’il eût la permission de la publier. Le lendemain, M. le duc de Choiseul lui écrivit qu’il lui demandait la préférence sur les deux libraires ; qu’en conséquence il lui envoyait mille écus, et qu’actuellement que le manuscrit lui appartenait, il priait M. de La Harpe de trouver bon qu’il lui en fît présent. Cette tournure a rappelé à tout le monde la manière dont l’Impératrice de Russie a acquis la bibliothèque de M. Diderot : c’est imiter en petit ce qu’elle a fait en grand.

Il faut conserver ici des vers que le censeur n’a pas laissé passer à l’impression ; ils doivent être placés dans la scène du curé avec Mélanie, et dans le discours de cette infortunée#1.


Un père !… Il m’en faut un… Que n’ai-je un père, hélas !
Il plaindrait mes tourments, il m’ouvrirait ses bras.
Un père au cri du sang n’est point inaccessible.
Et vous, à mes transports qui vous montrez sensible,
N’êtes-vous pas pourtant au rang de ces mortels
Qui ne prêchent jamais que des devoirs cruels,
Qui m’ont tous annoncé, d’une voix formidable,
Dieu toujours irrité, l’homme toujours coupable,
La nature en souffrance, et le ciel en courroux,
[Ce ciel, par un traité qui s’est fait malgré nous,
Entre notre faiblesse et sa toute-puissance,
Nous laissant le malheur et gardant la vengeance ?
Ils m’ont dit que celui qui nous a formé tous,
Du pouvoir d’opprimer se montre si jaloux
Qu’après avoir soumis sa faible créature
Au tribut de douleur qu’exige la nature,
Aux besoins renaissants, aux ennuis, aux travaux,
Il lui commande encor d’ajouter à ses maux.]
Ils m’ont dit qu’on ne peut apaiser sa colère
Qu’en s’imposant soi-même un fardeau volontaire ;
Et qu’enfin les objets devant lui préférés
Ce sont des yeux en pleurs et des cœurs déchirés.
Eh bien ! s’il est ainsi, j’ai le droit de lui plaire,
Je vais éterniser mes tourments, ma misère, etc.


Ces vers ne sont pas les plus mauvais de la pièce ; mais M. Saurin, qui a approuvé Mélanie, a exigé qu’elle ne les dît point.

— Il a paru une Lettre d’un philosophe moitié gai, moitié chagrin, sur quelques-unes de nos sottises, au baron de ***. C’est un écrit de quarante pages. Le philosophe est très-familier avec le baron, car il le tutoie ; mais c’est que ce philosophe, qui est un plaisant philosophe, a cru que le tutoiement d’un baron ne manquerait pas de lui donner bon air, et à son style de la légèreté et de la gentillesse. Ce philosophe de bon ton nous reproche nos travers, nos frivolités, notre engouement pour ce qu’on a ridiculement appelé des waux-halls ; pour les joutes d’eau qu’on a données l’année dernière sur la Seine ; pour les comédiens de[2] bois qui ont fait tant de fortune à la Foire. Si la nation n’a d’autre tort aux yeux de l’Éternel et de son prophète, le philosophe moitié gai, moitié chagrin, elle doit être épargnée, car il y a au moins un juste parmi elle. Ce juste, c’est moi : je n’ai vu ni le waux-hall de la Foire, ni les joutes d’eau, ni les comédiens de bois ; mais malheureusement ce ne sont pas là les vrais griefs du philosophe contre la nation, ils n’ont fait que lui servir de transition. Pour en revenir au seul grief réel qu’il ait contre nous, c’est de n’avoir pas accueilli la Peinture, poëme en trois chants par M. Lemierre. Il prétend que l’acharnement de quelques insectes subalternes contre cette belle production de M. Lemierre doit lui être un sûr garant de son immortalité : en conséquence, il nous en fait remarquer les principales beautés. Je commence à croire que le philosophe moitié gai, moitié chagrin, est M. Lemierre en personne ; ses griefs ont un air si paternel qu’il n’y a pas à s’y tromper. Encore à cet égard ma conscience ne me reproche rien. Le poëme de M. Lemierre parut l’automne dernier[3], peu de temps avant mon retour à Paris. À mon arrivée, je voulus m’informer de son succès ; il était déjà si parfaitement oublié que personne ne daigna me répondre. Si le public lisait la Lettre de M. Lemierre au baron de ***, il serait bien étonné d’apprendre qu’il y a eu des acharnés contre son poëme[4]. J’ai voulu le lire ; il ne m’a pas été possible d’aller jusqu’au bout du premier chant. Celui qui vous dit que M. Lemierre écrit en français vous trompe ; il y a en vérité plus loin de son jargon à la langue des Racine et des Voltaire que de la langue des Iroquois à la langue française. Je me serais donc contenté de vous préserver en deux mots du danger de cette lecture, qui fait plus de mal à l’oreille que le cri aigu et continu de la lime du serrurier ; mais j’ai trouvé dans les papiers que M. Diderot a préparés pour cette Correspondance, que ce philosophe a daigné s’occuper du poëme de M. Lemierre ; il a eu en vérité bien de la bonté. Il ne sera pas dit que vous soyez frustré des observations du philosophe, parce qu’il ne vous sera pas possible de lire l’ouvrage sur lequel elles ont été faites. Je rends grâce au philosophe moitié gai, moitié chagrin, de m’avoir rappelé le poëme de M. Lemierre, et le devoir de consigner dans ces feuilles les observations de M. Diderot[5].

M. de Voltaire a écrit à M. le maréchal de Richelieu la lettre que vous allez lire[6] :

« Je voudrais bien, Monseigneur, avoir le plaisir de vous donner ma bénédiction avant de mourir. L’expression vous paraîtra un peu forte ; elle est pourtant dans la vérité. J’ai l’honneur d’être capucin. Notre général, qui est à Rome, vient de m’envoyer mes patentes ; mon titre est : Frère spirituel et père temporel des capucins. Mandez-moi laquelle de vos maîtresses vous voulez retirer du purgatoire ; je vous jure sur ma barbe qu’elle n’y sera pas dans vingt-quatre heures. Comme je dois me détacher des biens de ce monde, j’ai abandonné à mes parents ce qui m’est dû par la succession de feu madame la princesse de Guise, et par monsieur votre intendant ; ils iront à ce sujet prendre vos ordres qu’ils regarderont comme un bienfait. Je vous donne ma bénédiction.

Signé : Voltaire, capucin indigne, et qui n’a pas encore eu de bonne fortune de capucin ».

Nota. Nous avons, par cette lettre, la preuve de deux faits : le premier, que c’est le général des capucins qui a expédié les patentes de frère spirituel et père temporel à M. de Voltaire, et non pas notre très-saint père Clément XIV ; le second, que M. l’intendant de M. le maréchal de Richelieu ne paye pas toujours la rente que son maître doit à M. de Voltaire, et qu’il a la bassesse de lui retenir depuis nombre d’années ; c’est de l’intendant que je parle, car M. le maréchal de Richelieu serait sans doute incapable de faire ce tort au premier homme de la nation : il faut que son maraud d’homme d’affaires aime aussi à jouer au noble jeu de billard[7].

— L’Épître du curé de saint Jean de Latran à l’auteur de Mélanie, qui a couru ces jours-ci, a été attribuée d’abord à M. Dorat, ensuite à un certain M. du Doyer de Gastel, auteur d’une épître à Mlle d’Oligny et d’une petite comédie intitulée Laurette et sifflée sur le théâtre de la Comédie-Française. Dans le fait, l’auteur est resté indécis, mais les charges et procédures ayant été portées à mon tribunal, M. Dorat a été véhémentement soupçonné et même dûment atteint et convaincu en vertu du ton général et de diverses tournures particulières de l’épître faisant le corps du délit. M. Dorat devait ce remerciement à M. de La Harpe, en récompense de certaine épigramme assez bonne pour avoir été attribuée à M. de Voltaire, mais reconnue aujourd’hui pour fille de la muse maligne du jeune auteur de Mélanie. Tout ce qui résulte de plus clair de la litanie beaucoup trop longue du curé, c’est que l’auteur de Mélanie n’est pas aimé de l’auteur de la litanie ; c’est ce qu’il ne fallait pas démontrer. Le bon curé de Saint-Jean de Latran s’est cru obligé d’aller trouver M. de La Harpe pour lui marquer son déplaisir de cette épître et lui déclarer qu’il n’y avait nulle part. Il a fait une pareille déclaration à la police, et M. de Sartine l’a tranquillisé en lui assurant qu’on n’avait nul soupçon contre lui.

C’est une chose digne de remarque que l’engouement et l’enthousiasme qu’on a eus pour Mélanie, pendant que l’auteur allait la lire de maison en maison, et l’espèce de déchaînement qu’elle a essuyé lorsqu’elle a été publique. Dans les minuties, dans les grandes affaires, les partis extrêmes sont notre lot ; il faut toujours s’écrier avec transport ou dénigrer avec fureur. On pouvait relever sans aigreur les défauts de la pièce, et rendre justice à la douceur du style, à l’harmonie de la versification, qualités précieuses et essentielles dans un poëte, et dont on sent le prix plus qu’à l’ordinaire quand on quitte la lecture du poëme de M. Lemierre. L’objection la plus solide que j’ai entendu faire contre la pièce de M. de La Harpe, c’est qu’il suffit, pour rompre toutes les mesures de son père, que Mélanie, conduite à l’église pour l’émission de ses vœux, ait le courage de dire distinctement et tranquillement non lorsqu’on lui demandera si elle veut être religieuse. Cet acte de fermeté exige, après tout, moins de courage que le parti qu’elle prend de s’empoisonner ; il n’a qu’un inconvénient pour M. de La Harpe, c’est de détruire sa pièce tout entière. Vous voyez aussi que M. le curé ne remplit pas son ministère dans la scène avec le père, qui est pourtant la plus belle de la pièce : car après avoir inutilement employé le ton de persuasion et de modération, il doit déclarer à ce père inflexible que les vœux de sa fille ne se prononceront pas, qu’ils sont nuls, parce qu’ils ne sont pas libres, et que son ministère ayant été une fois employé, sa conscience ne lui permet pas d’autoriser, par son silence, une violence aussi contraire au droit naturel et aux lois établies qu’opposée aux principes de la religion. Une telle discussion aurait entraîné un autre ton de vigueur et de vérité ; mais quand vous tenez Mélanie, n’oubliez pas que vous lisez une héroïde, passez-lui la faiblesse et le faux de ce genre, et vous ne serez pas mécontent.

Mme Necker ayant envoyé au patriarche l’ouvrage de l’abbé Galiani, M. de Voltaire lui a fait la réponse suivante :

« Il me paraît, madame, que le plaisir de servir le public est un excellent remède pour M. Necker. On dit qu’il a parlé avec la plus grande éloquence à la séance de la compagnie des Indes. Je vois de plus en plus que vous étiez faits l’un pour l’autre.

« J’ai lu l’abbé Galiani. On n’a jamais été si plaisant à propos de famine. Ce drôle de Napolitain connaît très-bien notre nation : il vaut encore mieux l’amuser que la nourrir. Il ne fallait aux Romains que panem et circenses ; nous avons retranché panem, il nous suffit du circenses, c’est-à-dire de l’opéra-comique.

« Vous êtes bien bonne, madame, de tenir encore pour l’ancien goût de la tragédie. Soyez bien persuadée que vos lettres me font beaucoup plus de plaisir que les battements de mains du parterre ; vous êtes mon public. J’ai l’honneur d’être, etc. »

— Je ne sais quel polisson, enhardi par l’impunité de l’avocat Marchand, a encore remué les cendres mouillées du grand Poinsinet, en publiant un petit écrit d’une trentaine de pages, intitulé Poinsinet et Molière, dialogue dédié à M. Piron[8]. Ce sont encore d’insipides plaintes contre les pièces de théâtre qui ont paru depuis quelques années. Poinsinet et Molière se parlent en vers ; mais on peut dire que si Poinsinet y parle son jargon, Molière, en revanche, ne parle pas sa langue : c’est que l’un était plus aisé que l’autre. Platitude à jeter au feu.

Éloge historique de Gaspard-François Belon de Fontenay, lieutenant général au service de Saxe, et ministre plénipotentiaire de la cour de Dresde à la cour de France, par l’auteur des Mémoires du chevalier de Kilpar#1. Écrit in-8°, de trente pages. Je ne connais ni M. le chevalier de Kilpar ni son historien, et je suis à cet égard dans le cas de tout le monde ; mais je suis bien aise d’avoir lu l’Éloge du général de Fontenay, car il est d’une platitude et d’une bêtise très-piquantes.

L’auteur dit que personne n’avait plus que le général de Fontenay les qualités nécessaires à voir la possibilité d’un projet. Il dit que, s’il lui était permis de dévoiler les secrets de son cabinet, on verrait qu’il a eu plus de part qu’on ne pense aux orages qui grondent actuellement dans le Nord. C’est, je crois, la première fois qu’on a loué un homme d’avoir été brouillon. Rien n’est beau comme la magnificence de style avec laquelle l’historien conduit son héros en ambassade à la cour de France, au commencement de la guerre de 1756. Il lui ouvre une jambe en deux ou trois endroits, la fait suppurer abondamment, couvre la campagne de partis prussiens, enfonce son Fontenay dans des chemins creusés dans le roc et entourés de précipices, pour le faire enfin arriver à Paris glorieusement et sans accident. Mais, hélas ! il se trouvait alors, continue le panégyriste, dans un royaume étranger, sans autres ressources que celles de son génie : car ses pensions, ses appointements, c’est sur quoi il ne devait point compter. Ainsi voilà le pauvre général de Fontenay constitué chevalier d’industrie.

En revanche, après la guerre, c’est un grand homme. Il reçoit des sommes considérables de sa cour ; l’usage qu’il en fait est aussi louable que rare. Après cela, devinez à quoi il employa son argent ? Conduit par un esprit d’équité, il commence par payer les dettes que les malheurs du temps l’avaient obligé de contracter. Ma foi, ces platitudes-là ont leur prix, et je m’en accommode de temps en temps à merveille. Le panégyriste finit par le portrait du général, dont il fait une figure charmante, et par l’ébauche de son caractère moral, qu’il donne pour un modèle de vertus austères. Hélas ! le pauvre général avait l’air d’un gros fermier général lourd et pesant ; il était d’ailleurs un[9] des plus déterminés épicuriens du siècle, faisant grand cas de bonne chère et de tous les genres de plaisirs, et prenant patience quand il avait bien soupé. Pour s’achever de peindre, son historien nous le donne pour une petite santé : jamais personne n’avait joui de la vie plus complétement, avec moins de retenue que M. de Fontenay, et jamais il n’avait été malade. Il a poussé sa carrière dans cet état inquiétant jusqu’à quatre-vingt-cinq ans. Il était un des arcs-boutants de l’hôtel Lubomirski, à Dresde ; mais à mon gré le général Meaghes, Irlandais, était infiniment plus aimable et avait bien autrement le ton d’un homme du monde que le général de Fontenay. Et le général baron de Dyhern, tué à la bataille de Berghen ? C’était un homme de génie et une créature bien aimable, sous les apparences d’un professeur d’université crapuleux et débauché.

— Nous avons reçu de Ferney une Lettre à monseigneur l’archevêque de Lyon, dans laquelle on traite du prêt à intérêt à Lyon, appelé dépôt de l’argent, par M. Prost de Royer, avocat de la ville de Lyon. Écrit in-8°, de cent quatre pages. Nos lois sur le prêt d’argent à intérêt, ainsi que sur beaucoup d’autres objets, n’ont pas le sens commun. On a vu dans les anciennes lois romaines, et plus encore dans les lois juives, des dispositions si formelles contre l’usure qu’on a trouvé plus court de proscrire entièrement le prêt à intérêt. Les théologiens s’en sont mêlés, et, moyennant une parabole de Jésus-Christ qui paraît approuver et ordonner la stipulation d’intérêt, ils ont statué qu’elle était absolument contraire à l’esprit de l’Évangile et du christianisme. Les papes l’ont condamnée, et en conséquence le gouvernement pontifical prête sur gages et à intérêt depuis un temps immémorial. Les peuples catholiques sont donc obligés de croire qu’ils se damnent en tirant les intérêts de leurs fonds ; mais comme ces principes ne sauraient s’accorder avec l’esprit du commerce, où il est aussi important de trouver de l’argent à intérêt que de le placer, et où tout ce qui gêne la circulation et le crédit est mortel, il a fallu avoir recours à des subterfuges et des distinctions pour éluder une loi absurde en paraissant la maintenir. Ainsi l’on a dit en France : Sans doute le prêt d’argent à intérêt est usuraire et criminel, mais on peut aliéner son argent, en céder la propriété, et alors il est permis de s’en stipuler une rente. Quelle plate et ridicule tournure ! Mais l’histoire des lois contre l’usure, c’est l’histoire du genre humain ; éternellement dupes des mots, nous croirons toujours la chose changée quand le terme l’est. Encore cette tournure d’aliéner l’argent au lieu de le prêter n’a-t-elle remédié qu’imparfaitement aux inconvénients résultant d’une législation absurde, et il a fallu imaginer bien d’autres artifices, sans quoi le commerce ne pourrait pas subsister vingt-quatre heures en France. À Rome, dans les premiers temps de la république, le prêt d’argent était un lien politique par lequel le patriciat cherchait à assujettir le peuple, et les lois contre l’usure furent presque toujours l’ouvrage de la force ou de la nécessité, lorsque le peuple ou le corps des débiteurs, sentant trop ses chaînes et sa dépendance, se soulevait contre le patriciat ou le corps des créanciers. Chez un peuple sans art, sans industrie, sans commerce, tel que les Juifs, l’usure devait être presque toujours meurtrière pour le débiteur. Mais qu’est-ce que les anciens lépreux de Judée, et les pauvres citoyens de l’ancienne Rome, et une parabole rapportée dans saint Matthieu, ont de commun avec nos peuples modernes, dont la puissance et la grandeur reposent sur la gloire des armes et des arts, et sur la richesse d’un commerce immense ?

L’auteur de la Lettre à l’archevêque de Lyon examine la question du prêt à intérêt suivant : 1° le droit naturel ; 2° l’état des choses et les conséquences ; 3° le droit divin ; 4° les opinions humaines et la doctrine de l’Église ; 5° le droit civil ; 6° le droit civil particulier au commerce de Lyon. Dans tous ces rapports l’auteur prouve que le prêt à intérêt et à terme n’est pas seulement une chose licite, mais indispensable au commerce. J’ignore les motifs qui ont engagé le patriarche à traiter cette question ; il faut qu’on ait voulu changer quelque chose aux usages de la place de Lyon, et que les prêtres ou d’absurdes magistrats aient voulu gêner par des subtilités de l’école les opérations du commerce. Sa Lettre au primat des Gaules est pleine de sens et de raisonnements solides. L’auteur n’y fait point le philosophe ni l’esprit fort ; il fait l’avocat, le casuiste, le théologien, mais le théologien sensé, qui préfère le bien public à l’honneur de soutenir une thèse absurde. On dit qu’il y a réellement un M. Prost de Royer à Lyon, et qu’il a publiquement désavoué cette lettre, qui porte son nom : sa situation a pu exiger de lui un pareil désaveu, mais je lui souhaite de ne jamais rien écrire de plus mauvais.


15 mars 1770.

M. de Belloy, citoyen de Calais, maître faiseur de tragédies suivant la cour, est coupable devant Dieu de la tragédie du Siège de Calais, et envers la nation de cette frénésie humiliante et passagère que sa pièce a excitée. Il est vrai que M. de Belloy ayant composé sa tragédie dans la pauvreté de son esprit et dans la simplicité de son cœur, on ne peut contester son innocence ; mais, suivant la logique de l’Ancien Testament, en vigueur chez le peuple de Dieu, tout homme qui, par sa faute ou sans sa faute, fait tomber un peuple dans un grand égarement, doit être anathème devant le Seigneur. Cette malédiction s’est accomplie sur le sieur de Belloy, malgré mes prières et celles des bourgeois de Calais, qui lui ont décerné les honneurs de citoyen, honneur dont on n’avait jamais entendu parler en France ; de sorte que M. de Belloy est non-seulement le premier, mais encore l’unique citoyen de Calais qu’il y ait en Europe. Mais cet honneur ne lui a pas tourné à profit ; on dit que M. de Belloy n’en est pas plus gras, et que ses protecteurs l’ont laissé dans un état qui répond fort mal à leur enthousiasme. Il aurait pu lui-même se tirer d’affaire par des succès multipliés au théâtre ; mais d’abord, après la retraite de Mlle Clairon, il n’a osé risquer aucune de ses tragédies, et depuis que Mme Vestris a du succès à la Comédie, il n’a pas pu réussir à les faire jouer. Pour ne pas laisser le public plus longtemps dans l’attente, il vient de prendre le parti de les faire imprimer. Ce parti n’est pas le bon ; nos yeux sont trop exercés, et on les trompe moins aisément que nos oreilles. On dit que ce sont des tracasseries sans nombre et sans fin avec les Comédiens qui ont porté M. de Belloy à retirer ses pièces et à les publier. Si cela est vrai, les Comédiens lui ont joué un mauvais tour. Cependant il a déclaré, dans les papiers publics que ce n’est par aucun mécontentement essuyé à la Comédie qu’il a pris le parti de mettre ses pièces au jour. Quoi qu’il en soit, elles étaient faites depuis plusieurs années, l’auteur les lisait de temps en temps dans quelques cercles, pour ne pas se laisser oublier par le public. Si Mlle Clairon était restée au théâtre, on aurait donné Gabrielle de Vergy tout de suite après le Siège de Calais. Depuis sa retraite, M. de Belloy a composé sa tragédie de Gaston et Bayard, pour la faire jouer avant de risquer au théâtre Gabrielle de Vergy.

Voilà le nom des deux tragédies que M. de Belloy vient de faire imprimer, et qu’on n’a pas pu lire parce que M. de Belloy ne sait pas écrire. Je n’entrerai dans aucun détail sur ces deux pièces ; elles sont publiques, et ne méritent pas qu’on s’y arrête. Dans la tragédie qui porte le nom de deux héros français, Gaston de Foix et Bayard, appelé le chevalier sans peur et sans reproche, l’auteur a pris pour fondement de sa fable la conspiration de Bresse, tramée par le comte Avogare. Il serait difficile de faire le dénombrement de toutes les absurdités, tant historiques que poétiques, dont cette pièce fourmille. L’idée de transporter à Bresse, et dans le xvie siècle, la conspiration des poudres de Londres, suffit pour vous prouver combien le jugement de M. de Belloy est sain ; le duel inventé entre Gaston et Bayard pour une beauté italienne est un chef-d’œuvre d’absurdité ! Eh bien, malgré la pauvreté de génie du poëte, malgré des absurdités entassées les unes sur les autres, malgré un style incorrect, diffus et faible, j’aurais parié que cette pièce aurait obtenu quelque succès à la représentation. On dit que les Comédiens se proposent de la jouer avant la clôture de leur théâtre, et quoiqu’elle soit entièrement tombée à la lecture, je ne serais pas étonné qu’elle eût quelque succès parce qu’il y a du mouvement, des maximes et de ces sentiments d’élévation factice qui transportent toujours d’admiration le parterre. Au reste, quoiqu’il y ait de plus grandes absurdités dans Gaston que dans Gabrielle de Vergy, j’aimerais cependant mieux avoir fait la première de ces pièces que la seconde : il y a du moins, dans Gaston et Bayard, quelque apparence de talent ; mais la belle et malheureuse Gabrielle m’a fait bâiller, de façon que j’ai eu toute la peine du monde à me résoudre d’assister à son enterrement. M. de Belloy accompagne ses pièces de préfaces et de notes historiques qui sont remplies de cette suffisance d’un esprit médiocre et de cet ennui qui vous mine insensiblement : c’est un marchand de poison lent, lequel n’opère que par nausées et à force de redoubler les doses. C’est de la préface de Gaston et Bayard que M. Turgot, intendant de Limoges, a dit qu’elle était remplie de patriotisme d’antichambre. Mais je crois M. de Belloy bas et rampant de très-bonne foi, et par conséquent, malgré sa bassesse, un bon et honnête garçon ; et je présume qu’il est réellement persuadé qu’il faut être Français pour connaître l’honneur, pour avoir des sentiments élevés et même honnêtes ; il avance du moins ces bêtises avec tant d’assurance que je ne saurais soupçonner sa bonne foi. Il se croit aussi, de la meilleure foi du monde, inventeur de la tragédie nationale. Et pourquoi ne le croirait-il pas ? On le lui a dit si souvent !

Pendant que M. de Belloy se préparait à publier sa tragédie de Gabrielle de Vergy, qu’il avait depuis plus de cinq ans dans son portefeuille, M. Baculard d’Arnaud faisait imprimer Fayel, tragédie également en vers et en cinq actes, également munie d’une préface et de notes[10]. C’est le même sujet traité par deux grands hommes également pauvres de génie, également impuissants, dont l’un se laisse aller à sa langueur, l’autre se démène comme un diable pour vous la dérober. Ce pauvre d’Arnaud croit que la frénésie de la passion est la même que celle qui résulte d’un dérangement d’organes ; il ne se doute pas de la liaison secrète qui existe entre les écarts de la passion, et il croit qu’on n’a qu’à passer du blanc au noir et du noir au blanc pour avoir l’air d’un homme agité et ballotté par une passion violente. Son Fayel est un fou furieux qu’il faudrait enchaîner aux petites-maisons. Sa pièce, malgré la bêtise féroce du châtelain Fayel, l’imbécillité du preux de Vergy, et la sottise de la belle Gabrielle mourante, a pourtant un mérite : c’est qu’on y retrouve le coloris du temps, cet esprit de chevalerie, cet alliage d’honneur, de bravoure, d’amour et de religion, qui donnent à ces siècles si grossiers et si barbares un air si poétique. Depuis Homère, il n’y a eu que les siècles des croisades et de la chevalerie qui aient offert des mœurs favorables à la poésie. Je sais gré à d’Arnaud d’avoir senti qu’en faisant une tragédie des fureurs d’un mari jaloux il fallait ennoblir son sujet par tout ce que l’histoire et l’esprit du siècle pouvaient lui fournir de teintes précieuses pour la couleur de ses personnages.

Au reste, le sujet de Gabrielle de Vergy n’est pas un sujet de tragédie[11] ; M. le duc de La Vallière en a fait une romance et c’est là son véritable cadre. Mlle de Lussan l’a rapportée dans ses Anecdotes de la cour de Philippe-Auguste, qui est un roman. Vous savez que la belle Gabrielle de Vergy aimait passionnément le sire Raoul de Coucy, et qu’elle en était adorée. Son père la maria malgré elle au malgré elle au châtelain de Fayel. Coucy, désespéré, alla se croiser et chercher un glorieux trépas dans la Terre-Sainte. Blessé à mort, il ordonne à son écuyer de faire embaumer son cœur et de le porter à la belle Gabrielle. L’écuyer exécute fidèlement la dernière volonté de son maître ; il rôde avec son dépôt autour du château, séjour de Gabrielle ; il est découvert et surpris par Fayel, qui se saisit de la lettre de Coucy expirant, tue son écuyer, et fait servir à sa femme le cœur de son amant à table avec d’autres mets. Gabrielle, en apprenant cette horrible vengeance, se laisse mourir de faim. Nos deux poëtes ont eu l’attention de faire guérir Raoul de Coucy de ses blessures en Terre-Sainte. Il revient en Europe, a une entrevue avec sa maîtresse, Fayel le surprend, le tue en duel, et prépare ensuite à sa femme ce présent funeste. Ne pleurez pas sur les infortunes de Gabrielle de Vergy, parce qu’elles ne sont pas vraies : ce n’est qu’un conte qu’il fallait laisser en romance, où il est très-touchant, mais qui n’est nullement propre ni convenable à la tragédie. Vous direz que l’histoire d’Œdipe, de Pélops, d’Atrée et Thyeste, et d’autres héros de la tragédie grecque, n’est aussi qu’un conte horrible, et fait pourtant un grand effet au théâtre. Oui, mais les contes d’Œdipe, des Danaïdes, des Atrides, étaient consacrés par la religion : c’était le catéchisme du temps ; avec ces contes on inspirait aux enfants la terreur religieuse, on les accoutumait dès l’enfance au dogme redoutable de la fatalité. L’importance de la religion d’un côté et de la tragédie de l’autre a conservé à ces sujets une gravité et une force que nos petits contes horribles ne sauraient avoir. Mettez l’histoire de Raoul de Coucy et de Gabrielle de Vergy dans le canon de nos livres sacrés, faites conter leur histoire aux enfants comme celle d’Assuérus et Esther, donnez à la représentation de la tragédie une importance religieuse, faites aussi qu’on soit plus croyant que dans ce siècle, et puis traitez le sujet de Coucy et de Gabrielle de Vergy : les fureurs de Fayel seront alors de foi, et tout sera bien.

VERS DE M. SAURIN À M. DE VOLTAIRE.
SUR SA DIGNITÉ DE PÈRE TEMPOREL DES CAPUCINS,

Qui lui fait signer ses lettres du titre pompeux de capucin indigne.

AttendTu viens de prendre la besace
AttendEt le cordon de saint François ;
AttendVertu de froc ! Frère Pancrace,
AttendNous allons voir de tes exploits.
AttendPar la grâce du saint capuce
AttendTu seras près de la sœur Luce,
AttendAussi jeune qu’en tes écrits,
AttendEn tes écrits, que tout Paris
Attend, comme au désert, le peuple sans prépuce,
AttendLe fameux peuple d’Israël,
AttendAttendait la manne du ciel.
Mais n’aurais-tu suivi qu’une ambition folle ?
Aux lauriers immortels dont il a le front ceint,
Voltaire voudrait-il joindre encor l’auréole,
Et, grand homme en ce monde, être dans l’autre un saint ?
AttendSi c’est ton projet, tu t’abuses :
AttendCapucin tant qu’il vous plaira,
AttendVoltaire jamais ne sera
AttendDe ces gens qu’on invoquera,
AttendSi ce n’est au temple des Muses,
AttendOù plus d’un autel il aura.


RÉPONSE DE M. DE VOLTAIRE[12].

Il est vrai, je suis capucin,
C’est sur quoi mon salut se fonde ;
Je ne veux pas, dans mon déclin,
Finir comme les gens du monde.

Mon malheur est de n’avoir plus
Dans mes nuits ces bonnes fortunes,
Ces nobles grâces des élus,
À mes confrères si communes.

Je ne suis point frère Frappart,
Confessant sœur Luce et sœur Nice ;

Je ne porte point le cilice
De saint Grisel, de saint Billard.

J’achève doucement ma vie,
Je suis prêt à partir demain,
En communiant de la main
Du bon curé de Mélanie.

Dès que monsieur l’abbé Terray
À su ma capucinerie,
De mes biens il m’a délivré ;
Que servent-ils dans l’autre vie ?

J’aime fort cet arrangement,
Il est leste et plein de prudence ;
Plût à Dieu qu’il en fît autant
À tous les moines de la France !

— Saint Billard, caissier général de la poste, a fait sur la fin de l’année dernière une banqueroute frauduleuse de plusieurs millions. Il a été mis à la Bastille, et on lui fait actuellement son procès ; mais, quoique ce Billard ait volé les fermiers généraux des postes et le public d’une manière très-scandaleuse, on doute qu’il soit pendu. Billard se piquait de la plus haute dévotion. Il avait des liaisons intimes avec M. l’abbé Grisel, sous-pénitencier de l’Église de Paris, confesseur de M. l’archevêque et directeur de plusieurs dévotes illustres, connu d’ailleurs par son goût décidé pour la garde des dépôts : il était gardien d’autant plus exact qu’il ne rendait jamais. En sa qualité de confesseur de M. Billard, il s’était aussi fait directeur de la caisse des postes. Nous avons vu des financiers faire des dépenses excessives et scandaleuses pour entretenir des filles ; Billard, qui ne faisait aucune dépense apparente, avait un genre de luxe particulier ; suivant ses registres, l’entretien de son confesseur allait, année commune, à plus de cent mille écus. On prétend que c’est pour avoir quelques éclaircissements sur l’objet de cette énorme dépense que saint Grisel a été arrêté, et l’on s’attend à trouver les jésuites au fond du sac. Billard était aussi le prête-nom de l’abbé Grisel pour tous les legs que ce saint homme se faisait faire par testament. On prenait Billard à serment que ces legs n’étaient pas des fideicommis, et Billard se parjurait chaque fois en justice. On dit cependant que, s’étant parjuré un jour pour un legs de cent mille écus, il lui vint un petit scrupule et qu’il déclara à son confesseur que, pour apaiser sa conscience, il ne rendrait pas celui-là. Il faut se passer entre fripons dévots de ces petits scrupules. Saint Billard, qui sera immortel dans l’histoire de France par les jeux de mots sublimes que son nom et sa banqueroute ont fait faire, jouissait d’une haute considération dans le parti dévot. Il approchait de la sainte table tous les trois ou quatre jours, et il avait le privilège d’être communié avec une hostie de prêtre. Un jour, Billard s’étant présenté à la sainte table quoiqu’il eût communié la surveille, et le prêtre qui célébrait la messe n’ayant que de petites hosties, il dit à saint Billard : « Vous me prenez au dépourvu, il faudra vous contenter de la fortune du pot[13]. » Le patriarche de Ferney a travaillé, il y a bien des années, à la réputation de l’abbé Grisel, en publiant sa Conversation avec un intendant des menus-plaisirs du roi[14] : c’était un excellent pamphlet. On prétend aussi que dans sa comédie non encore jouée ni imprimée, et intitulée le Dépôt, ou Ninon, une histoire arrivée à saint Grisel avec la famille de feu M. de Tourny, intendant de Bordeaux et grand mangeur de saints, a fourni la principale intrigue de la pièce. Le patriarche est si reconnaissant de tous les sujets d’édification que ce saint homme lui a fournis qu’il a mandé que si, par hasard, il devait être pendu, il ne manquerait pas de venir l’assister dans ses derniers moments, en sa qualité de capucin. Voltaire exhortant et assistant le confesseur de M. l’archevêque de Paris au moment de son exaltation, voilà un assez beau sujet de tableau pour le découpeur Huber !

— Le docteur Petit, si grossièrement attaqué en dernier lieu par le docteur Bouvart, n’a pas seulement trouvé un vengeur dans le fabuliste Le Monnier ; son ancien ami, Simon Bigex, établi au château de Ferney, s’est aussitôt mêlé de la querelle. Anciennement et fortement attaché à M. Petit, il s’est cru obligé de traiter M. Bouvart comme celui-ci a traité M. Petit, et de lui adresser ses douceurs dans un écrit de vingt-huit pages intitulé Lettre de M. Lépreux, docteur régent de la Faculté de médecine en l’Université de Paris, à M. Bouvart, docteur régent de la même Faculté, ancien professeur au Collège royal de l’Académie royale des sciences, chevalier de l’ordre de Saint-Michel, etc., etc. Je demande pardon à M. Simon Bigex de l’avoir appelé l’année dernière Antoine Bigex, et de lui avoir donné pour patron un simple saint lorsqu’il a l’honneur d’appartenir à un apôtre. Il me semble que Simon Bigex a du goût pour le genre polémique ; cependant sa discussion littéraire de l’année dernière avec Antoine Adam, ci-devant soi-disant jésuite, ne lui a pas réussi. Le scandale que la procédure criminelle du philosophe Simon Bigex contre le prêtre Antoine Adam faisait dans le pays de Gex a déplu au seigneur patriarche. Il a composé le procès à la gloire entière de Simon : Adam, par un acte devant notaire, a déclaré Simon Bigex incapable d’avoir volé des fruits, et lui a payé volontairement dommages et intérêts. Il paraît que sa victoire ne lui a pas tourné à profit, il paraît que la nièce Denis a fait le rôle de Caton, elle s’est rangée du côté du vaincu, et le vainqueur Bigex vient d’être obligé de quitter le château de Ferney. Ses services rendus à la vigne du Seigneur n’ont pu le garantir de ce malheur. Je crois que son généreux protecteur lui a assigné une petite pension en lui donnant son congé. Bigex s’est retiré dans son village en Savoie, à peu de distance de Genève, d’où il prétend qu’il ira tous les ans, au mois de décembre, faire le pèlerinage du château de Ferney, en vertu de la permission spéciale qu’il en a obtenue. Il aura le temps de méditer dans sa retraite sur la vanité des succès, et, en jetant un coup d’œil philosophique sur la gloire, de se dire : J’ai copié pendant longtemps des feuilles pour les premières têtes de l’Europe, j’ai écrit ensuite sous la dictée du plus beau génie du siècle, et me voilà.

M. l’abbé Le Monnier, que nous appelons le sacristain de la Sainte-Chapelle, parce qu’il a une petite place dans le chapitre de cette église, s’est occupé depuis nombre d’années d’une traduction des comédies de Térence. Il va la mettre sous presse en deux formats, l’un petit et sans parure pour la jeunesse et les collèges, l’autre grand in-octavo, orné de sept estampes d’après les dessins de Cochin, pour les gens du monde et les amateurs de beaux livres. On souscrit pour cette dernière édition, qui sera en trois volumes. L’auteur ne demande point d’argent d’avance ; on s’engage simplement de payer dix-huit livres, et de faire retirer son exemplaire dans l’espace d’un mois après en avoir été averti ; ainsi la souscription ne sert qu’à constater le nombre de ceux qui voudront acheter la belle édition et à régler l’édition en conséquence. J’ai bonne opinion de cette traduction. Je ne sais si l’abbé Le Monnier atteindra la pureté et l’élégance de l’original ; mais il a un cachet, ce sacristain, il a de la naïveté et une certaine simplicité agreste qui ne me déplaît point. Vous avez quelquefois lu, à la suite de ces feuilles, des fables dont il est l’auteur, et dans lesquelles vous avez dû remarquer des choses bien précieuses.

— On nous a donné l’année dernière une assez mauvaise traduction des fameuses Nuits d’Young. M. de Moissy en a emprunté les morceaux qui lui ont paru les plus beaux et les a ornés de ses rimes. Il vient de publier sa rapsodie rimée sous le titre de Vérités philosophiques tirées des Nuits d’Young, et mises en vers libres sous différents titres relatifs aux sujets qui sont traités dans chaque article, brochure in-8° de cent soixante-six pages. Si vous perdez votre temps avec les Vérités nocturnes de M. de Moissy, je déclare que je ne compte avoir nulle part à cette iniquité. Les amateurs des Nuits d’Young et tous ceux qui sont soupçonnés d’anglomanie viennent d’être attaqués dans une brochure intitulée les Jours, pour servir de correctif et de supplément aux Nuits d’Young, par un mousquetaire noir[15], Personne ne lit ces pauvretés.

M. Bret, auteur triste et chagrin à qui nous devons quelques froides comédies qui ont été jouées sans succès, a aussi fait une satire contre nos poëtes dramatiques modernes, épître en vers chagrins adressée à Lycandre, sous le titre d’Essai d’une poètique à la mode. Une satire ennuyeuse est un triste don du ciel.

Fables et Contes moraux en vers, par M. Fontaine. Brochure in-8° de cinquante-deux pages. Je ne connais pas ce M. Fontaine ; tout ce que je sais, c’est que ce n’est pas La Fontaine ; ces fables ne sont cependant pas sans quelque mérite, mais la plupart sont trop longues. Le grand secret de l’art d’écrire, c’est de ne dire que ce qu’il faut :


Qui ne sait s’arrêter ne sut jamais écrire.


M. Linguet, avocat au Parlement, ne se borne pas à défendre M. Luneau de Boisjermain contre la communauté des libraires de Paris ; il vient de traduire un assez grand nombre de comédies espagnoles et de les publier sous le titre de Théâtre espagnol. Quatre volumes in-12 assez considérables. Tandis que M. Linguet parcourt les richesses littéraires de l’Espagne pour nous en enrichir, les libraires associés de l’Encyclopédie ont publié un mémoire contre son client Luneau, tendant à le poursuivre criminellement sur la calomnie répandue dans son dernier mémoire au sujet de la souscription et des sommes avancées par le public sur cet ouvrage immense. Il me semble que les libraires se lavent assez bien du soupçon d’avoir pris aux souscripteurs plus d’argent qu’ils ne devaient, et, en ce cas, M. Luneau est très-répréhensible : car, lorsqu’on se permet de telles accusations il en faut avoir les preuves les plus complètes. Mais laissons là Luneau et ses adversaires, et parlons de son avocat. Il faut que ce M. Linguet soit laborieux ; il s’exerce toujours en bien des genres. Le travail qu’il a entrepris sur le théâtre espagnol est intéressant. Il a raison de dire que les écrivains français du dernier siècle se sont surtout formé le goût et ont cherché leurs modèles dans les auteurs espagnols, et que les auteurs italiens du siècle de Léon X et les auteurs grecs et latins ont peu influé sur la révolution des esprits en France : cela est très-vrai. C’est donc rendre un service aux Français que de leur faire connaître les sources où les premiers de leurs écrivains ont puisé. Mais M. Linguet, en faisant à l’égard du théâtre espagnol ce que le P. Brumoy et M. de La Place ont fait, l’un à l’égard du théâtre des Grecs, l’autre à l’égard de celui des Anglais, devait s’attacher à ne point ressembler à ses prédécesseurs. Un traducteur qui ne se pique pas de rendre littéralement, exactement, le sens, la manière, le ton d’un auteur, ne remplit pas ses devoirs. Le rôle de traducteur est un rôle subalterne ; l’éloge d’un bon domestique, c’est d’être exact et fidèle ; si vous ne vous en contentez pas, ne vous faites ni valet ni traducteur. Que diriez-vous d’un graveur qui, au lieu de rendre fidèlement l’original qu’il a entrepris de copier, se contenterait de rendre quelques figures principales et de désigner les autres par quelques descriptions ébauchées ? Celui qui ne connaît Shakespeare que d’après les traductions de M. de La Place peut être sûr de n’en avoir aucune idée ; il en est de même des pièces que M. Linguet vient de traduire en espagnol. Sa traduction est une simple ébauche qui donne bien quelque idée de l’intrigue et de la conduite des pièces espagnoles, mais qui ne vous fait connaître ni le ton, ni la couleur, ni la forme d’aucun de leurs auteurs ; il ne fallait rien supprimer, rien adoucir, rien changer, rien rapprocher de notre goût. En vain M. Linguet dit-il que les expressions, les manières de parler espagnoles auraient paru trop étrangères à des oreilles françaises : quand je lis un auteur étranger, je ne compte pas y trouver le goût français, et je cherche à apprendre quel est le goût de la nation dont j’étudie les auteurs. En général, ce n’est pas la peine de traduire un auteur si vous ne voulez pas faire de votre mieux pour m’en faire connaître tous les traits et ses défauts comme ses beautés. Mais si ses défauts l’emportent sur ses beautés ? Alors il ne faut pas le traduire du tout, soit que les défauts soient trop nombreux, soit que les beautés n’aient pas un caractère assez précieux pour contrebalancer le nombre des défauts. Il faut cependant lire le Théâtre espagnol de M. Linguet tel qu’il est. Les principaux auteurs des pièces qu’il a traduites sont Lope de Vega, Calderon, don Juan de Matos, Fragoso, noms qui ne sont pas sans gloire dans l’Europe littéraire. On trouve dans leurs pièces un grand fond d’imagination, et des caractères qui intéressent par leur naïve vérité.

Naufrage et Aventures de M. Pierre Viaud, natif de Bordeaux, capitaine de navire. Brochure in-12 de trois cent quarante pages. On aime à voir l’homme dans une situation désespérée et réduit aux dernières extrémités, c’est-à-dire dans les romans, dans les pièces de théâtre ou dans les récits. Voilà pourquoi on est toujours sûr d’intéresser par un naufrage et ses suites. On dit celui de Pierre Viaud vrai dans toutes circonstances ; ce capitaine est en pleine vie à Bordeaux, et peut attester que, réduit par la faim au dernier désespoir avec la compagne de ses malheurs, Mme La Couture, il s’est déterminé à couper la gorge à son nègre comme à un cochon, malgré les prières de ce malheureux, et après l’avoir ainsi massacré, à en boucaner la chair et à s’en nourrir plusieurs jours. Je crois ces horreurs possibles ; il est réservé à cet animal bizarre appelé homme de sacrifier toute la nature s’il était en son pouvoir à sa conservation dans certaines circonstances, et dans d’autres d’exposer et de sacrifier sa vie de gaieté de cœur, sans rime ni raison. Toutes les autres aventures de ce naufrage, quoique rapportées avec la plus grande platitude, ne me paraissent pas également vraisemblables. Je ne crois pas si aisé, par exemple, que des malheureux exténués par la faim et la fatigue parviennent à ramasser, tous les soirs pendant plusieurs jours de suite, assez de bois pour s’entourer de douze à quinze bûchers, et à les embraser au moyen d’une seule pierre à fusil ; je sais ce qu’il m’en coûte quand, par distraction, je laisse éteindre le feu de ma cheminée. Je trouve plus de candeur et de vérité dans le roman de Robinson Crusoé que dans le naufrage véritable de Pierre Viaud ; je conviens cependant que sa pierre à fusil perdue et retrouvée est d’un grand intérêt.

— On vient d’apprendre que M. l’abbé Chappe d’Auteroche, de l’Académie royale des sciences, est mort en Californie, où il était allé pour observer le passage de Vénus sur le Soleil, du mois de juin de l’année dernière. Il avait fait le voyage de Sibérie pour la même raison, et il en avait publié une relation avant de s’embarquer pour la mer du Sud. Il était jeune, d’une constitution robuste, d’un courage d’esprit à tout entreprendre ; mais il s’en fallait bien que du côté de la tête et de la plume ce fût un La Condamine, et sa véracité même était très-suspecte. On m’a assuré qu’il est mort après l’observation du passage, et que de toute la société d’observateurs il n’y a qu’une seule personne qui ait échappé à la mort ; elle nous apportera sans doute les observations.



  1. Amsterdam, Harrevelt (Paris, Lacombe), 1770, in-8°.
  2. Ces vers ont été en partie rétablis par l’auteur, acte
    I
    , sc. iv, de la pièce avec

    quelques variantes peu importantes. Toutefois les neuf vers que nous avons renfermés entre crochets ne s’y trouvent pas. (T.)

  3. Paris, Lejay, 1769, in-8°.
  4. Ici Grimm n’a pas l’air de mettre en doute que cette Lettre ne soit de Lemierre ; mais ce n’est qu’une supposition satirique. Barbier, dans son Dictionnaire, n’en fait pas connaître l’auteur anonyme. (T.)
  5. Comme ces observations ont quelque étendue, les premiers éditeurs de Grimm ont cru pouvoir les supprimer. Nous suivons cet exemple ; mais on les trouvera tome XIII des Œuvres de Diderot, édition Garnier frères.
  6. Cette lettre, qui est datée du 9 février 1770 dans la Correspondance de Voltaire, est ici entièrement défigurée. (T.)
  7. Allusion au banqueroutier Billard. Voir le dernier article de ce mois.
  8. Par Barthélemy Imbert.
  9. L.-L.-J. Gain de Montagnac.
  10. Paris, Lejay, 1770, in-8°.
  11. On publia cependant la même année, outre la pièce de de Belloy et celle d’Arnaud, la Comtesse de Fayel, tragédie de société ; Lyon, frères Périsse, 1770, in-8°. (T.)
  12. Ces vers sont imprimés dans les ŒEuvres complètes de Voltaire, mais on les a conservés ici pour l’intelligence des anecdotes que M. le baron de Grimm y a jointes. (Premiers éditeurs.)
  13. On lit dans une lettre de Mme du Deffand, des 21 et 22 février 1772 : « Je ne puis vous mander des nouvelles, si ce n’est l’exécution de la sentence rendue contre le fameux banqueroutier Billard ; il a été au pilori, à la Grève, une seule fois pendant deux heures, avec un écriteau : Banqueroutier frauduleux, commis infidèle. Il était en bas de soie, en habit noir, bien frisé, bien poudré. Quand le bourreau vint le chercher à la Conciergerie il voulut l’embrasser, l’appela son frère, le remercia de ce qu’il lui ouvrait la porte du ciel, bénit Dieu de cette humiliation, et récita des psaumes tout le temps qu’il fut au carcan. Il fut conduit après hors de Paris ; et comme sa sentence porte le bannissement, on ne doute pas qu’il n’aille à Rome auprès du général des jésuites ; et comme sa banqueroute est de cinq millions, il aura eu la précaution de faire passer des fonds dans les pays étrangers. Il aurait été juste de le condamner aux galères. » (Lettres de la marquise du Deffand, édition de Lescure, tome II, p. 219.)
  14. Cette Conversation est de 1761.
  15. L’abbé J.-H. Rémy.