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Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier/9/1770/Novembre

La bibliothèque libre.


NOVEMBRE.
1er novembre 1770.

SUITE ET FIN DES OBSERVATIONS DE M. DIDEROT
Sur la brochure intitulée garrick, etc.

C’est ici le lieu de vous parler de l’influence perfide d’un mauvais partner sur un grand comédien. Celui-ci a conçu grandement ; mais il est forcé d’abandonner son modèle idéal pour se mettre au niveau du pauvre diable avec lequel il est en scène.

Qu’est-ce donc que deux comédiens qui se soutiennent mutuellement ? Ce sont deux hommes dont les modèles ont, proportion gardée, ou l’égalité ou la subordination qui convient aux circonstances dans lesquelles le poète les a placés, sans quoi l’un sera trop fort ou l’autre trop faible ; et pour sauver la dissonance, le fort n’enlèvera pas le faible à sa hauteur, mais d’instinct ou de réflexion il descendra à sa petitesse.

En un mot, à quel âge est-on grand comédien ? Est-ce à l’âge où l’on est plein de feu, où le sang bout dans les veines, où l’esprit s’enflamme de la plus légère étincelle, où le moindre choc porte un trouble terrible au fond des entrailles ? Nullement. C’est lorsque la longue expérience est acquise, lorsque les passions sont tombées, que l’âme est froide et que la tête se possède. Baron jouait à soixante ans passés le Comte d’Essex, Xipharès, Britannicus, et les jouait bien ; Mlle Gaussin excellait dans la Pupille à l’âge de cinquante ans ; un vieux comédien n’est ridicule que quand les forces l’ont tout à fait abandonné, ou quand la supériorité de son talent ne suffit pas pour sauver le contraste de sa vieillesse avec la jeunesse de son rôle.

De nos jours, Mlle Clairon et Molé ont joué en débutant comme des automates ; ensuite ils sont devenus grands comédiens. Comment cela s’est-il fait ? Est-ce que l’âme, est-ce que la sensibilité, est-ce que les entrailles leur sont venues ? Si cet acteur, si cette actrice étaient profondément pénétrés, comme on le suppose, l’un aurait-il le temps de jeter un coup d’œil sur les loges, l’autre de diriger un sourire vers la coulisse ?

Ce n’est pas, encore un coup, celui qui est hors de lui-même, c’est celui qui est froid, qui se possède, qui est maître de son visage, de sa voix, de ses actions, de ses mouvements, de son jeu, qui disposera de moi.

Garrick montre sa tête entre les deux battants d’une porte, et je vois en deux secondes son visage passer rapidement de la joie extrême à l’étonnement, de l’étonnement à la tristesse, de la tristesse à l’abattement, de l’abattement au désespoir, et descendre avec la même rapidité du point où il est à celui d’où il est parti. Est-ce que son âme a pu éprouver successivement toutes ces passions et exécuter, de concert avec son visage, cette espèce de gamme ? Je n’en crois rien.

Sedaine donne son Philosophe sans le savoir la pièce chancelle à la première représentation, et j’en suis affligé ; à la seconde, son succès va aux nues, et j’en suis transporté de joie. Le lendemain, je cours après Sedaine, il faisait le froid le plus rigoureux ; je vais dans tous les endroits où j’espère le trouver. J’apprends qu’il est à l’extrémité du faubourg Saint-Antoine ; je m’y fais conduire : je l’aborde, je lui jette les bras autour du cou ; la voix me manque et les larmes me coulent le long des joues voilà l’homme sensible et médiocre. Sedaine, froid, immobile, me regarde et me dit : Ah ! monsieur Diderot, que vous êtes beau ! voilà l’observateur et l’homme de génie.

L’homme sensible obéit à l’impulsion de la nature, et ne rend précisément que ce que son propre cœur lui fournit ; le comédien observe, se saisit des phénomènes que le premier lui présente, et découvre encore d’étude et de réflexion tout ce qu’il peut y ajouter pour le plus grand effet.

À la première représentation d’Inès de Castro, on amène les enfants, et le parterre se met à rire. La Duclos, qui faisait Inès, indignée s’écrie : Ris donc, sot parterre, au plus bel endroit de la pièce ! Le parterre l’entendit, se contint ; l’actrice reprit son rôle et ses larmes, et celles du spectateur coulèrent. Quoi donc ! est-ce qu’on passe ainsi rapidement d’un sentiment profond à un autre sentiment profond, de l’indignation à la douleur ? Je ne le conçois pas, son indignation était réelle et sa douleur simulée.

Quinault-Dufresne joue le rôle de Sévère dans Polyeucte. Il était envoyé par l’empereur Décius pour persécuter les chrétiens ; il confie à son ami ses sentiments secrets sur cette secte calomniée. Cette confidence, qui pouvait lui coûter la vie, ne pouvait se faire à voix trop basse : le parterre lui crie : Plus haut ! Il répond subitement au parterre : Et vous, messieurs, plus bas ! Est-ce que s’il eût été vraiment Sévère, il eût été si prestement Dufresne ? Non, vous dis-je, il n’y a que l’homme qui se possède, comme sans doute il se possédait, l’acteur rare, le comédien par excellence, qui puisse ainsi déposer et reprendre son masque.

Un acteur s’est pris de passion pour une actrice ; une représentation les met en scène dans un moment de jalousie. La scène y gagnera, si l’acteur est un homme médiocre : elle y perdra, s’il est un grand homme ; il sera lui, et il ne sera plus le modèle idéal et sublime qu’il s’était fait d’un jaloux. La preuve qu’ils se rabaissent l’un et l’autre à la vie commune, c’est que s’ils gardaient leurs échasses, ils se riraient au nez tous les deux.

Je dis plus, un excellent moyen pour jouer petitement, mesquinement, c’est d’avoir à jouer son propre caractère. Vous êtes un tartuffe, vous êtes un misanthrope, vous jouerez un tartuffe, vous jouerez un misanthrope, et vous le jouerez bien ; mais vous ne ferez rien de ce que le poëte a fait : car il a fait, lui le Tartuffe, le Misanthrope ; et vous, vous n’êtes qu’un individu, et communément fort au-dessous du modèle de la poésie.

Mais Quinault-Dufresne, orgueilleux par caractère, jouait merveilleusement l’orgueilleux. — Et qui est-ce qui vous a dit qu’il se jouait lui-même ? et, dans cette supposition même, qui est-ce qui vous a dit que la nature ne l’avait pas fait tout proche du modèle idéal ? Mais Quinault-Dufresne n’était pas Orosmane, et qui est-ce qui le remplace ou le remplacera jamais dans ce rôle[1] ? Il n’était pas l’homme du Préjugé à la mode, et avec quelle perfection ne le jouait-il pas ! Un des hommes les plus droits, les plus francs, les plus honnêtes qui aient exercé la profession difficile de comédien, Montménil, jouait, avec le même succès, Ariste dans la Pupille, Tartuffe, l’Avocat Patelin, Mascarille dans les Fourberies de Scapin ; je l’ai vu, et à mon grand étonnement, il avait le masque de ces rôles. Ce n’était pas naturellement, car la nature ne lui en avait donné qu’un, le sien il tenait donc les autres de l’art ? Est-ce qu’il y a une sensibilité artificielle ?

Pour un endroit où le poëte a senti plus fortement que l’acteur, il y en a cent où l’acteur sent plus fortement que le poëte ; et rien n’est plus dans la vérité que cette exclamation de Voltaire, entendant jouer la Clairon dans une de ses pièces : Est-ce bien moi qui ai fait cela ? D’où cela venait-il ? Est-ce que Mlle Clairon en sait plus que M. de Voltaire ? Sans doute ; son modèle idéal, en déclamant, était bien au delà du modèle idéal que le poëte s’était fait en écrivant : mais ce modèle idéal n’était pas elle. Que faisait-elle donc ? Elle copiait de génie ; elle imitait le mouvement, les actions, les gestes, toute la nature d’un être fort au-dessus d’elle ; elle jouait, et jouait sublimement.

Allez chez Mlle Clairon, et voyez-la dans les transports réels de sa colère ; si elle y conserve son maintien, ses accents, son action théâtrale, elle vous fera rire, et vous l’auriez admirée au théâtre. Que faites-vous donc dans ce cas, et que signifie votre rire, si ce n’est que la sensibilité réelle et la sensibilité simulée sont deux choses fort diverses ; que la colère réelle de Mlle Clairon ressemble à de la colère jouée, et que, par conséquent, il y a deux colères que vous savez fort bien discerner ? Les images des passions au théâtre n’en sont donc pas les vraies images ; ce sont donc des portraits outrés, assujettis à des règles de convention. Or, je demande quel est l’acteur qui se renfermera le plus strictement dans ces règles données ? Quel est celui qui saisira le mieux cette emphase prescrite, ou de l’homme qui est dominé par son propre caractère, ou de celui qui s’en dépouille pour en prendre un autre plus grand, plus noble, plus violent, plus élevé ? On est soi de nature, on est un autre d’imitation ; le cœur qu’on se suppose n’est pas celui qu’on a. Quelle est donc la ressource en pareil cas ? C’est de bien connaître les symptômes extérieurs de l’âme qu’on emprunte, de s’adresser à l’expérience de ceux qui nous voient, et de les tromper par l’imitation de ces symptômes d’emprunt, qui deviennent nécessairement la règle de leurs jugements ; car il leur est impossible d’apprécier autrement ce qui se passe au dedans de nous. Celui qui connaît le mieux et qui rend le plus parfaitement ces signes, d’après le modèle idéal le mieux conçu, est le plus grand comédien ; celui qui laisse le moins à imaginer au grand comédien est le plus grand des poëtes.

Quand, par une longue habitude du théâtre, on garde dans la société l’emphase théâtrale, et que l’on continue à y être Brutus, Cinna, Burrhus, Mithridate, Cornélie, Mérope, Pompée, savez-vous ce qu’on fait ? On réunit à une âme petite ou grande, de la mesure précise que la nature l’a donnée, les signes extérieurs d’une âme exagérée et gigantesque qu’on n’a pas, et de là naît le ridicule.

Ô la cruelle satire que je viens de faire, sans y penser, des auteurs et des acteurs ! Il est, je crois, permis à tout homme d’avoir une âme forte et grande ; il est, je crois, permis d’avoir le maintien, le propos, l’action de son âme, et je crois que l’image de la véritable grandeur ne peut jamais être ridicule. Que s’ensuit-il de là ? Vous le devinez de reste : c’est que la vraie tragédie est encore à trouver, et qu’avec tous leurs défauts les anciens en étaient peut-être plus voisins que nous. Plus les actions sont fortes et les propos simples, plus j’admire ; je crains bien que nous n’ayons pris, cent ans de suite, l’héroïsme de Madrid pour celui de Rome. En effet, quel rapport entre la simplicité et la force du discours de Régulus dissuadant le sénat et le peuple romain de l’échange des captifs, et le ton déclamatoire et ampoulé que nos tragiques lui auraient donné ? Il dit : « J’ai vu nos enseignes suspendues dans les temples de Carthage ; j’ai vu le soldat privé de ses armes, qui n’avaient pas été teintes d’une goutte de sang ennemi ; j’ai vu l’oubli de la liberté, et des citoyens les bras attachés sur le dos ; j’ai vu les portes des villes ouvertes et les moissons couvrir les champs que nous avions ravagés et vous croyez que, rachetés à prix d’or, ils reviendront plus courageux ? Vous ajoutez une perte à l’ignominie ; la vertu, une fois sortie d’une âme qui s’est avilie, n’y rentre plus. N’attendez rien de celui qui a pu mourir, et qui s’est laissé lâchement garrotter. Ô Carthage ! que tu es grande et fière de notre honte ! »

Tel fut son discours, telle sa conduite. Il se refuse aux embrassements de sa femme et de ses enfants ; il s’en déclare indigne comme un vil esclave ; il tient ses yeux farouches fixés en terre, et dédaigne les pleurs de ses amis, jusqu’à ce qu’il ait amené le sénat au conseil que lui seul était capable de donner, et qu’il lui soit permis de retourner dans son exil.

Mais le moment du héros, le voici. Il n’ignorait pas le supplice qu’un ennemi féroce lui préparait : cependant il reprend sa sérénité ; il se dégage de ses proches, qui cherchaient à différer son départ, avec la même liberté dont il se dégageait autrefois de la foule de ses clients pour aller se délasser de la fatigue des affaires dans ses champs de Venafre et à sa maison de Tarente.

Mettez la main sur la conscience et dites-moi s’il y a dans nos tragédies un mot du ton qui convient à une vertu aussi haute et aussi familière, et quel air pourraient avoir dans cette bouche ces sentences ambitieuses et la plupart de nos fanfaronnades à la Corneille ?

Ô combien de choses que je n’ose confier qu’à vous ! Je serais lapidé dans les rues si l’on me savait coupable de ce blasphème, et je ne me soucie point du tout de la couronne du martyre. Si jamais un homme de génie ose donner à ses personnages le ton simple de l’héroïsme antique, l’art de l’acteur sera bien autrement difficile.

Au reste, lorsque je prononce que la sensibilité est le caractère de la bonté de l’âme et de la médiocrité du génie, je fais un effort dont peu d’hommes sont capables ; car, si la nature a fait une âme sensible, vous le savez, c’est la mienne. Je devais m’arrêter ici, mais j’aime mieux une preuve déplacée qu’une preuve omise. Voici une expérience que vous aurez faite quelquefois appelé par un acteur ou par une actrice, chez elle, en petit comité, pour juger de son talent, vous lui aurez trouvé de l’âme, de la sensibilité ; vous l’aurez accablée d’éloges ; vous vous en serez séparé et vous l’aurez laissée avec la conviction du plus éclatant succès. Le lendemain, elle paraît, elle est sifflée ; et vous prononcez en vous-même, malgré vous, que les sifflets ont raison. D’où cela vient-il ? Est-ce qu’elle a perdu son talent d’un jour à l’autre ? Aucunement ; mais chez elle vous étiez terre à terre avec elle, vous l’écoutiez, abstraction faite des conventions ; elle était telle vis-à-vis de vous ; il n’y avait aucun autre terme de comparaison. Vous étiez content de son âme, de ses entrailles, de sa voix, de ses gestes, de son maintien ; tout était en proportion avec le petit auditoire, le petit espace ; rien n’exigeait de l’exagération ; sur la scène tout a disparu ; là il fallait un autre modèle qu’elle-même, puisque tout ce qui l’environnait a changé : sur un petit théâtre particulier, dans un appartement, vous spectateur de niveau avec l’acteur, le vrai modèle dramatique vous aurait paru outré, et en vous en retournant vous n’auriez pas manqué d’en faire la confidence à votre ami, et le lendemain le succès au théâtre vous aurait étonné.

Ces dernières lignes sont lâches et froides, mais elles sont vraies. Je vous demande encore si un acteur fait ou dit rien dans la société précisément comme sur la scène ; et je finis.

Non, je ne finis pas ; il faut que je vous raconte un fait que je crois décisif. Il y a à Naples un poëte dramatique dont j’ai su le nom. Lorsque sa pièce est faite, il cherche dans la ville les personnes les plus propres de figure, de voix et de caractère à remplir ses rôles : comme il s’agit de l’amusement du souverain, personne ne s’y refuse. La troupe pour la pièce formée, le poëte exerce ses acteurs pendant six mois ensemble et séparément ; et quand croyez-vous qu’ils commencent à s’entendre, à bien jouer, à s’avancer vers la perfection que l’auteur exige ? C’est lorsqu’ils sont épuisés par ces répétitions sans nombre, lorsqu’ils sont ce que nous appelons absolument blasés : dès ce moment les effets sont prodigieux, c’est à la suite de cet exercice pénible que les représentations se font ; et ceux qui en ont vu conviennent qu’on ne sait pas ce que c’est que de jouer la comédie quand on n’a pas vu jouer celle-là. Ces représentations se continuent six autres mois de suite, et le roi et la cour jouissent du plus grand plaisir que l’illusion théâtrale puisse donner : et cette illusion, à votre avis, aussi grande et même plus parfaite à la dernière représentation qu’à la première, peut-elle être l’effet de la sensibilité ?

Au reste, la question dont il s’agit a été autrefois entamée entre un médiocre littérateur, Rémond de Sainte-Albine[2], et un grand comédien, Riccoboni[3] : le littérateur était pour la sensibilité, et le comédien était contre[4] ; c’est une anecdote que j’ignorais, et que je viens d’apprendre vous pouvez comparer leurs idées avec les miennes. Pour le coup, vous en voilà quitte et moi aussi.

Ce que nous avons de plus honnête et de plus respectable dans la littérature, après le vertueux Palissot, c’est le sage de La Beaumelle. Ce n’est pas que ce sage écrivain, cet excellent homme n’eût couru risque d’être entièrement oublié, si M. de Voltaire ne s’était cru obligé à des soins sans relâche pour lui procurer une réputation immortelle : Beaucoup de personnes de sens ont reproché à M. de Voltaire ces efforts infatigables et auraient désiré qu’il n’eût pas écrit des Anecdotes sur Fréron, et qu’il ne se fût pas plus occupé que le public de la réputation immortelle de La Beaumelle ; mais je ne m’arroge pas le droit de prononcer sur une question aussi importante à la fois et si délicate ; il me suffit de remarquer que le sage La Beaumelle, après un silence de douze ou quinze ans, n’a pas cru devoir laisser plus longtemps tout le soin de sa réputation littéraire à la merci généreuse de son protecteur de Ferney, et qu’il vient de le seconder par un petit manifeste qui nous prépare à des exploits éclatants. La Beaumelle avait épousé, en Languedoc, une sœur de ce jeune Lavaysse qui a joué un rôle si mémorable dans le procès de l’infortuné Calas ; la famille de ce jeune homme ne s’honore pas infiniment de cette alliance ; mais il n’appartient pas à tout le monde de sentir le prix d’une réputation pareille à celle de M. de La Beaumelle. Ce sage écrivain est revenu à Paris depuis plusieurs mois, et après s’être fait guérir par les soins de M. Tronchin, et s’être assuré d’une puissante protection auprès de Mme la comtesse du Barry, il vient de recommencer les hostilités contre le nabab de Ferney, par un manifeste intitulé Lettre de M. de La Beaumelle à MM. Philibert et Chirol, libraires à Genève. Dans cette Lettre, qui n’a que seize pages, il assure que ses amis de Genève ont été induits en erreur par son silence ; voyant qu’il était devenu si patient, après s’être montré si sensible, ils ont supposé qu’il avait vendu son silence à M. de Voltaire, et que celui-ci lui fait une forte pension qu’il lui fait compter avec exactitude, pour avoir le droit de déchirer son pensionnaire tant et aussi longtemps qu’il lui plaira, et sous la promesse faite par le pensionnaire de ne pas se défendre. On voit que les amis de M. de La Beaumelle ont une idée convenable de l’élévation de ses sentiments ; aussi il ne leur fait point de reproche à cet égard ; il est seulement étonné qu’une idée aussi folle ait pu entrer dans les têtes bien organisées de ses amis. Pour la détruire, il déclare qu’il va faire une édition des Œuvres de M. de Voltaire, et l’enrichir de ses notes et de ses observations ; il imagine cet expédient comme un moyen sûr de faire passer à la postérité l’antidote de son apologie, avec le poison des accusations de son ennemi ; il ne s’agit plus que de savoir si le public voudra acheter cette édition, et si un homme de goût se souciera d’avoir dans sa bibliothèque les productions immortelles de M. de Voltaire, contaminées par les ordures périssables de La Beaumelle. Il commencera par la Henriade. Il convient qu’il serait plus court d’en faire une meilleure ; « c’est même, dit-il, une idée qui me tourmente depuis longtemps ; mais il faudrait plus de talent, et surtout plus de santé que je n’en ai. » Je défie tous les ennemis de La Beaumelle de faire contre lui une meilleure plaisanterie et un écrit plus sanglant que le sien.


15 novembre 1770.

Le 10 de ce mois on donna sur le théâtre de la Comédie-Française la première représentation de Florinde, tragédie nouvelle, par M. Le Fèvre. Ce jeune poète donna, en 1767, une tragédie de Cosroès ; c’était sa première production ; le public, indulgent pour les coups d’essai, la supporta pendant quelques représentations, et l’auteur se crut autorisé à s’essayer de nouveau ; mais le public n’est indulgent qu’une fois. Florinde obtint les honneurs du sifflet et la couronne du martyre si unanimement qu’elle n’a pu se relever pour une seconde représentation ; et M. Le Fèvre, qui a un peu dessiné avant d’être possédé de la fureur des vers, ne peut plus être incertain aujourd’hui sur le métier qu’il faut abandonner ; il vaut encore mieux être peintre médiocre que mauvais poète.

Si l’on en juge par le titre de sa pièce, on croira que l’auteur, à l’exemple de ses confrères modernes, a fait une pièce de pure imagination sans aucun fondement historique ; le nom de Florinde est romanesque ou pastoral, ou même tiré du Martyrologe ; eh bien, ce n’est rien de tout cela, et depuis longtemps nous n’avons vu sur notre théâtre un sujet plus historique.

M. Le Fèvre a placé le lieu de la scène en Espagne, au commencement du viiie siècle, où finit, dans cette partie de l’Europe, le règne des Visigoths, sur les ruines duquel s’éleva le règne des Sarrasins et des Maures. Vous vous rappelez la conspiration du comte Julien contre Rodrigue, dernier roi visigoth. L’histoire de ces temps malheureux est assez incertaine et assez embrouillée. Rodrigue n’était pas né sur le trône : on avait même fait à son père un assez mauvais parti ; mais après la mort du persécuteur de sa famille, Rodrigue trouva le moyen de se venger sur les enfants ; ils furent chassés, et Rodrigue fut proclamé roi. On en avait espéré beaucoup ; mais, à l’exemple de plusieurs avortons royaux qu’on remarque dans l’histoire, il promettait et ne tint pas ; il tomba bientôt dans la débauche et la crapule les plus honteuses, et dans l’avilissement qui en est la suite inévitable. Le comte Julien, gouverneur des plus belles provinces d’Espagne du côté de l’Afrique, homme puissant et hardi, avait une fille célèbre par sa beauté, appelée Cava ; c’est elle que l’infortuné M. Le Fèvre a débaptisée et appelée Florinde. Elle était élevée, selon l’usage de ce temps, dans le palais et sous les yeux de la reine. Le roi la vit un jour, de sa fenêtre, se promener dans les jardins de sa royale épouse ; il en devint éperdument amoureux. Il se rappela sans doute la petite intrigue de l’homme selon le cœur de Dieu[5], avec la femme d’Urie ; mais ne trouvant pas dans la belle Cava les mêmes facilités que l’autre avait trouvées dans la belle Bethsabée, il fut obligé d’en venir à un parti un peu vigoureux, c’est-à-dire de la violer suivant l’usage de ces temps honnêtes. La belle Cava ne manqua pas d’instruire son père de son malheur et de sa honte. Le comte Julien, outragé dans sa fille, plein de projets de vengeance, et d’autant plus dissimulé, revient à la cour. Il cherche à gagner la confiance du roi, et il y réussit. Sous prétexte que tout est tranquille dans l’intérieur de l’Espagne, et que les Sarrasins seuls sont à craindre, il persuade à Rodrigue de porter tout ce qu’il pouvait avoir de forces sur les frontières, c’est-à-dire dans les provinces de son gouvernement. Il s’assure en même temps de tous les grands de l’État, ou du moins des principaux, fatigués depuis longtemps de l’autorité d’un roi méprisé. Lorsque sa partie est bien liée, il se fait écrire, de son gouvernement, que sa femme est mourante ; il obtient la permission d’y aller, et d’emmener sa fille avec lui pour recevoir les derniers adieux de sa mère. L’imprudent Rodrigue ne se doutait point de l’orage qui se formait sur sa tête ; il éclata dès que le comte Julien fut de retour dans son gouvernement. Non content d’avoir dépouillé le roi de ses moyens de défense, il fit son traité avec les Sarrasins, leur donna l’entrée du royaume, et leur aplanit le chemin à des conquêtes qui les mirent en possession des plus belles provinces de l’Espagne. Rodrigue fut vaincu, et périt dans le combat ou dans la fuite. L’histoire lui fait du moins l’honneur de remarquer qu’il ne perdit pas sa couronne sans avoir montré de la valeur dans cette dernière scène de son rôle.

Voilà par quelles voies incompréhensibles la Providence permit l’établissement des infidèles dans un des plus beaux royaumes de l’Europe, dont ils possédèrent les plus belles provinces pendant plusieurs siècles. Vous savez de quelles voies se servit ensuite cette même Providence pour exterminer les Maures, lorsque leur temps fut venu, et pour rendre ces provinces à ses enfants chéris, les chrétiens catholiques, apostoliques et romains ; et vous savez aussi comme quoi de ces voies sages et douces est résultée une dépopulation dont l’Espagne n’a jamais pu se relever, et qui lui a procuré encore plus de biens spirituels que la France n’en a recueilli de la révocation de l’édit de Nantes. L’histoire du comte Julien et de la belle Cava, et de leur fin respective, n’est pas aussi connue que ces faits on présume en général que le comte n’a pas été maître de borner sa vengeance ni de fixer le terme des conquêtes de ses alliés. Quant à la belle Cava, on ignore si elle s’est consolée de l’aventure du jardin de la reine ; mais si ma mémoire ne me trompe, il me semble que cette reine devint aussi la proie du vainqueur, et qu’elle ne fut pas trop mécontente de voir succéder, dans son lit, un prince sarrasin à ce vilain Rodrigue qui se donnait les airs de faire le petit David en Espagne. Comme nous ne connaissons l’histoire de ces beaux siècles que par les annales ou les chroniques des moines, il y règne un esprit digne d’eux. Ils ne manquent pas de rapporter, par exemple, qu’il existait alors une maison enchantée et par conséquent inhabitée ; personne n’osait en approcher, et les souverains, depuis qu’elle était dans cet état, l’avaient regardée comme sacrée. Rodrigue eut la fantaisie d’y entrer, et la fit ouvrir de force, il ne lui en arriva aucun mal ; mais les historiens observent très-judicieusement que cet acte de témérité fut suivi de la perte de sa couronne et de sa vie ; heureusement il n’y a plus de maisons enchantées, et nos rois d’aujourd’hui, quand même ils auraient du courage, ne peuvent plus jouer si gros jeu. Il est à remarquer que Rodrigue perdit la bataille le jour de la Saint-Martin, c’est-à-dire le 11 novembre 711 ; et que notre poète tragique, qui n’a sûrement jamais forcé de maison enchantée, l’a perdue vingt-quatre heures plus tôt, savoir le 10 novembre 1770, mille cinquante-neuf ans moins un jour après la catastrophe du malheureux Rodrigue.

M. Le Fèvre a trop bien connu sa nation pour solliciter ses larmes en faveur d’une dame d’honneur violée, en passant, par un prince un peu trop vif. Il s’est douté que les cœurs français resteraient durs comme pierre au spectacle d’un malheur de cette espèce, et que l’on pourrait bien éclater de rire ; ainsi il a préservé la belle Cava, travestie en Florinde, de cette redoutable aventure. Seulement Rodrigue en est amoureux fou ; Cava-Florinde est fort touchée de cet amour ; mais elle a trop d’élévation pour vouloir être sa concubine, et elle s’intéresse trop à la gloire de son amant pour consentir qu’il l’épouse : délicatesse qui tient de l’héroïsme dans un siècle où les rois épousaient souvent des freules qui ne valaient pas Mlle Julien. La belle Florinde pousse l’héroïsme de M. Le Fèvre si loin que, malgré l’excès de sa passion, et craignant sans doute sa propre faiblesse pour un roi trop aimable, elle prend le parti de s’éloigner en secret de la cour, et de rejoindre son père dans son gouvernement. Mais on ne trompe pas l’œil de son amant, et sa fuite ne pouvait rester ignorée de Rodrigue ; il fait courir après elle, on la rattrape sur le grand chemin, on l’enlève, et on la ramène à la cour de son amant qui ne la perd plus de vue.

Voilà le fondement de la colère et de la fureur du comte Julien, suivant M. Le Fèvre. Dès qu’il apprend cet enlèvement, il en perd l’esprit, il jure qu’il ne permettra jamais à sa fille d’épouser le roi ; il va mendier le secours des Africains ; il les introduit en Espagne, et met tout à feu et à sang pour tirer sa fille des mains de Rodrigue ; et comme Florinde ne lui a pas confié sa passion pour son royal ravisseur, son père la promet par serment au prince maure, pour récompense du secours qu’il en attend. Le poëte ne nous laisse pas ignorer que les Africains font le plus grand cas des belles Espagnoles ; l’espérance de posséder la belle Florinde détermine le roi maure à seconder les projets de Julien. Rodrigue ramasse ce qui lui reste de forces et de sujets fidèles pour défendre sa couronne. Il n’oublie pas de se faire suivre par Florinde, afin de l’avoir toujours sous les yeux. Les deux armées sont en présence ; les escarmouches sont fréquentes. Dans une de ces rencontres, un parti de l’armée africaine enlève la belle Florinde, sans se douter de quelle importance est la capture qu’il vient de faire. On l’amène au camp de son père, qui ne la connaît pas, parce qu’il ne l’a vue que dans sa plus tendre enfance et c’est ici que la pièce commence.

On a blâmé les Comédiens d’avoir osé recevoir et représenter une pièce aussi informe ; mais tant qu’ils ne rejetteront pas une bonne pièce, je ne croirai pas que le public ait à s’en plaindre. Dans les temps de disette il faut tout essayer, et si les acteurs méritaient quelque reproche, je les trouverais suffisamment punis par la peine d’apprendre une mauvaise pièce pour se faire huer pendant cinq actes de suite.

Il serait injuste de juger du talent des acteurs d’après des rôles qui n’ont pas le sens commun. Brizard dans le comte Julien, et Mme Vestris dans Florinde, n’ont pu ni plaire ni toucher ; mais Molé a joué le rôle de Rodrigue, déjà si absurde en lui-même, avec un tel emportement qu’il en est devenu vingt fois plus ridicule. Je crois déjà avoir eu l’honneur de représenter à M. Molé que, s’il n’y prend garde, il se perdra absolument. Il n’a qu’à jouer encore six mois la tragédie dans ce goût-là et des rôles de cette force, et quand il voudra revenir au naturel et à la vérité, il sera tout étonné de n’y plus rien entendre ; l’emportement et la chaleur immodérés sont aussi nuisibles aux progrès et à la perfection du talent que le froid et le défaut de sentiment.

On remarque que, depuis quelque temps, le patriarche parle avec humeur de son siècle. Il a tort ; et je m’en tiens à un de nos anciens arrêts : c’est qu’à tout prendre, ce siècle en vaut bien un autre. Si nous n’avons pas tout le goût imaginable, il est certain du moins que jamais le bon goût n’a été plus général qu’aujourd’hui. Si les hommes de génie sont rares parmi nous, la considération dont ils jouissent dans le public prouve le cas qu’on en fait ; et si un poëte n’était pas en droit de dire et d’avoir de l’humeur quand il lui plaît, on pourrait accuser celui de Ferney d’ingratitude envers sa nation, lui qui ne peut pas envoyer ici une ligne sans qu’on se l’arrache, et dont l’Épître de l’empereur de la Chine a déjà été copiée mille fois peut-être depuis qu’elle est arrivée à Paris. Nous aimons les vers plus que jamais ; mais nous aimons moins que jamais les vers médiocres. Nous honorons les hommes de génie du siècle passé, mais plus le goût s’étend et se perfectionne, moins nous sommes convaincus que tout est épuisé au contraire nous||undefined voyons devant nous des richesses immenses, dont nous n’avons pas encore joui, et nous désirons qu’il naisse parmi nous des génies assez heureux pour nous les procurer. Il n’est pas vrai que Molière soit oublié, ni que Boileau soit méprisé ; jamais ils n’ont joui d’une plus haute considération ; mais il est vrai que M. Sedaine a fait une tragédie en prose, qu’elle est reçue à la Comédie-Française, qu’elle sera peut-être jouée avant Pâques, et que M. de Voltaire a peur que ce nouveau genre, s’il réussit, ne fasse tort à la tragédie en vers#1. Quant à nous, si ce nouveau [6] genre est bon, nous l’adopterons sans préjudice d’aucun autre genre également bon. Il n’y a pas jusqu’à l’opéra-comique qui n’ait à se plaindre de l’Épître à l’empereur de la Chine, dans laquelle on affecte de le confondre avec cet opéra-comique en couplets et en vaudevilles chanté sans instruments et anciennement en vogue. Cet ancien opéra-comique, aussi contraire aux bonnes mœurs par ses allusions indécentes qui en faisaient tout le sel qu’au bon goût par l’ineptie et les contre-sens perpétuels des paroles arrangées sur de vieilles chansons, cet ancien opéra-comique n’existe plus, et M. de Voltaire le sait bien. Quoi qu’il en soit, il est beau d’écrire à l’âge de soixante-dix-sept ans à la Chine avec cette facilité et cet agrément.

Il ne faut pas être rancunier, et moins avec le patriarche qu’avec qui que ce soit ; mais, pour le confondre, il faut lui faire lire la lettre suivante, et l’obliger d’avouer à haute et intelligible voix qu’il n’existe dans l’histoire aucune période connue où les têtes couronnées aient écrit dans ce goût et de ce style. Quoique les lettres qu’il leur plaît d’écrire à des particuliers ne soient pas des gazettes, et doivent être pour le moins aussi sacrées que toute lettre en général, celle dont le roi de Prusse vient de m’honorer ne me paraît pas un monument moins glorieux pour la littérature que celle que Sa Majesté a écrite quelque temps auparavant à M. d’Alembert. En conséquence je me permettrai de l’insérer dans ces fastes ignorés, tout comme l’autre l’a été dans les fastes de l’immortalité ou de l’Académie française. Alexandre lisait peut-être l’Iliade avec autant de plaisir que Frédéric la Henriade ; mais nous n’avons aucune preuve que le Macédonien possédât l’art d’écrire et encore moins l’art de chanter comme le Prussien.


« Potsdam, le 26 septembre 1770.

« Il faut convenir que nous autres, citoyens du nord de l’Allemagne, nous n’avons point d’imagination ; le P. Bouhours l’assure, il faut l’en croire sur sa parole. À vous autres voyants de Paris, votre imagination vous fait trouver des rapports où nous n’aurions pas supposé les moindres liaisons. En vérité, le prophète, quoi qu’il soit, qui me fait l’honneur de s’amuser sur mon compte, me traite avec distinction ; ce n’est pas pour tous les êtres que les gens de cette espèce exaltent leur âme : je me croirai un homme important, et il ne faudra qu’une comète ou quelque éclipse qui m’honore de son attention pour achever de me tourner la tête.

« Mais tout cela n’était pas nécessaire pour rendre justice à Voltaire ; une âme sensible et un cœur reconnaissant suffisaient ; il est bien juste que le public lui paie le plaisir qu’il en a reçu. Aucun auteur n’a jamais eu un goût aussi perfectionné que ce grand homme. La profane Grèce en aurait fait un dieu : on lui aurait élevé un temple. Nous ne lui érigeons qu’une statue, faible dédommagement de toutes les persécutions que l’envie lui a suscitées, mais récompense capable d’échauffer la jeunesse et de l’encourager à s’élever dans la carrière que ce grand génie a parcourue, et où d’autres génies peuvent trouver encore à glaner. J’ai aimé dès mon enfance les arts, les lettres et les sciences ; et lorsque je puis contribuer à leurs progrès, je m’y porte avec toute l’ardeur dont je suis capable, parce que, dans ce monde, il n’y a point de vrai bonheur sans elles. Vous autres qui vous trouvez à Paris dans le vestibule de leur temple, vous qui en êtes les desservants, vous pouvez jouir de ce bonheur inaltérable, pourvu que vous empêchiez l’envie et la cabale d’en approcher.

« Je vous remercie de la part que vous prenez à cet enfant qui nous est né. Je souhaite qu’il ait les qualités qu’il doit avoir, et que, loin d’être le fléau de l’humanité, il en devienne le bienfaiteur[7]. Sur ce, je prie Dieu qu’il vous ait en sa sainte et digne garde.

« Signé : Frédéric. »

— Sur la réponse de M. d’Alembert au roi de Prusse : Un écu, sire, et votre nom[8], Sa Majesté a fait payer deux cents écus d’Allemagne pour sa souscription. Le roi de la zone cimbrique, vulgairement dit le roi de Danemark, a depuis aussi fait payer deux cents louis pour la statue du grand patriarche ; ainsi cette entreprise devient royale et littéraire à la fois. Sa Majesté danoise n’a pas eu égard à cette dernière dénomination ; sans quoi elle aurait réduit sa souscription de cinq sixièmes ; car il s’agissait surtout de se rapprocher, par la modicité de la somme, de la condition de ceux avec qui on ne dédaigne pas de concourir à cette entreprise déjà devenue illustre. Actuellement il y a bien plus de fonds qu’elle n’en demande. On pourra employer le surplus à faire faire en plâtre, pour chaque souscripteur, un modèle réduit de la grande figure en marbre ; mais la cour des pairs écoute toutes ces propositions sans s’expliquer aucunement, ni sur la place de la statue, ni sur l’usage qu’elle fera du surplus des fonds de cette entreprise, et dont elle se réserve de rendre compte en temps et lieu aux intéressés ; elle n’a pas encore défendu au notaire de recevoir les souscriptions de ceux qui se présentent.

En attendant, le patriarche a reçu, en son château de Ferney, trois visites d’un caractère fort divers. M. Séguier, avocat général, après avoir publié son beau réquisitoire, et avoir caché autant qu’il a pu son bel exploit contre M. Thomas, a fait un voyage en Languedoc, et n’a pas voulu passer la distance de trente lieues du siège patriarcal sans y faire une station ; elle ne l’a pas préservé de l’attention d’être fourré dans l’Épître à l’empereur de la Chine. Le jour même de son départ de Ferney, M. d’Alembert y est arrivé le soir avec le marquis de Condorcet, géomètre, de l’Académie des sciences ; s’il était arrivé quelques heures plus tôt, il aurait pu embrasser son confrère Séguier. Et le jour du départ de M. d’Alembert, Mme Calas a couché au château de Ferney, dans l’asile de son généreux et infatigable défenseur, avec ses deux filles et son gendre, chapelain de la chapelle de Hollande à Paris. Le patriarche m’a écrit au sujet de cette visite la lettre suivante :


« Ferney, le 10 octobre 1770.

« Mon cher prophète, je suis le bonhomme Job ; mais j’ai eu des amis qui sont venus me consoler sur mon fumier, et qui valent mieux que les amis de cet Arabe. Il est très-peu de gens de ces temps-là, et même de ces temps-ci, qu’on puisse comparer à M. d’Alembert et à M. de Condorcet ; ils m’ont fait oublier tous mes maux. Je n’ai pu malheureusement les retenir plus longtemps. Les voilà partis, et je cherche ma consolation en vous écrivant autant que mon accablement peut me le permettre.

« Ils m’ont dit, et je savais sans eux, à quel point les Welches sont déchaînés contre la philosophie. Voici le temps de dire aux philosophes ce qu’on disait aux sergents, et ce que saint Jean disait aux chrétiens : Mes enfants, aimez-vous les uns les autres, car qui diable vous aimerait ?

« Ce maudit Système de la nature a fait un mal irréparable. On ne veut plus souffrir de cornes dans le pays, et les lièvres sont obligés de s’enfuir, de peur qu’on ne prenne leurs oreilles pour des cornes.

« On a beau dire avec discrétion qu’on ne fait point d’anguilles avec du blé ergoté, qu’il y a une intelligence dans la nature, et que Spinosa en était convaincu, on a beau être de l’avis de Virgile, le monde est rempli de Bavius et de Mævius.

« Embrassez pour moi, je vous prie, frère Platon[9], quand même il n’admettrait pas l’intelligence ainsi que Spinosa. Ne m’oubliez pas auprès de ma philosophe[10]. Le vieux malade ne l’oubliera jamais, et vous sera dévoué jusqu’au dernier moment. »

— Le patriarche a des griefs plus sérieux contre le Système de la nature ; il craint que ce système ne renverse le rituel de Ferney, et que le patriarcat ne s’en aille au diable avec lui. C’est là, je pense, le motif secret, mais véritable, de son humeur contre maudit ce Système. Il s’en est expliqué plus librement dans une lettre à Mme Necker, que je vais transcrire. Hypathie Necker passe sa vie avec des systématiques, mais elle est dévote à sa manière. Elle voudrait être sincèrement huguenote ou socinienne, ou déistique, ou plutôt, pour être quelque chose, elle prend le parti de ne se rendre compte sur rien. Le patriarche connaît ses dispositions, et les met à profit.


« Ferney, le 26 septembre 1770.

« Je vous crois actuellement à Paris, madame ; je me flatte que vous avez ramené M. Necker en parfaite santé[11]. Je lui présente mes très humbles obéissances, aussi bien qu’à monsieur son frère, et je les remercie tous deux de la petite correspondance qu’ils ont bien voulu avoir avec mon gendre, le mari de Mlle Corneille.

« J’ai actuellement chez moi M. d’Alembert, dont la santé s’est affermie, et dont l’esprit juste et l’imagination intarissable adoucissent tous les maux dont il m’a trouvé accablé. J’achève ma vie dans les souffrances et dans la langueur, sans autre perspective que de voir mes maux augmentés si ma vie se prolonge. Le seul remède est de se soumettre à la destinée.

« M. Thomas fait trop d’honneur à mes deux bras. Ce ne sont que deux fuseaux fort secs, ils ne touchent qu’à un temps fort court ; mais ils voudraient bien embrasser ce poëte philosophe qui sait penser et s’exprimer. Comme dans mon triste état ma sensibilité me reste encore, j’ai été vivement touché de l’honneur qu’il a fait aux lettres par son discours académique, et de l’extrême injustice qu’on a faite à ce discours en y entendant ce qu’il n’avait pas certainement voulu dire on l’a interprété comme les commentateurs font Homère. Ils supposent tous qu’il a pensé autre chose que ce qu’il a dit ; il y a longtemps que ces suppositions sont à la mode.

« J’ai ouï conter qu’on avait fait le procès, dans un temps de famine, à un homme qui avait récité tout haut son Pater noster ; on le traita de séditieux, parce qu’il prononça un peu haut : Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien.

« Vous me parliez, madame, du Système de la nature, livre qui fait grand bruit parmi les ignorants, et qui indigne tous les gens sensés. Il est un peu honteux à notre nation que tant de gens aient embrassé si vite une opinion si ridicule. Il faut être bien fou pour ne pas admettre une grande intelligence quand on en a une si petite ; mais le comble de l’impertinence est d’avoir fondé un système tout entier sur une fausse expérience faite par un jésuite irlandais qu’on a pris pour un philosophe. Depuis l’aventure de ce Malcrais de La Vigne, qui se donna pour une jolie fille faisant des vers, on n’avait point vu d’arlequinade pareille[12]. Il était réservé à notre siècle d’établir un ennuyeux système d’athéisme sur une méprise. Les Français Voltaire laisse percer là un peu d’humeur. On se rappelle qu’il parut dans ont eu grand tort d’abandonner les belles-lettres pour ces profondes fadaises, et on a tort de les prendre sérieusement. À tout prendre, le siècle de Phèdre et du Misanthrope valait mieux.

« Je vous renouvelle, madame, mon respect, ma reconnaissance et mon attachement.  »

— François-Augustin Paradis de Moncrif, lecteur de feu la reine et de madame la dauphine, l’un des quarante de l’Académie française, s’est endormi du dernier sommeil le 12 novembre, âgé de quatre-vingt-trois ans. Nous avons de lui plusieurs chansons et romances dans le vieux langage naïf et tendre, d’un goût si délicat, si exquis, qu’on peut les regarder comme autant de chefs-d’œuvre. Il faut sans doute plus de génie pour faire l’Iliade que pour faire une chanson excellente ; mais la perfection, en quelque genre que ce soit, est sans prix, et je ne suis pas plus surpris de voir à un homme de goût la tête tournée d’un couplet plein de sentiment, de délicatesse et de naïveté, que de le voir dans l’enthousiasme de la prière de Priam à Achille. Si Moncrif n’avait jamais fait que ses chansons et ses romances, il eût été le premier dans son genre, et c’est toujours quelque chose que d’être le premier quelque part. Mais il a fait plusieurs autres ouvrages qui ont nui à sa réputation. Nous avons de lui beaucoup d’actes d’opéra français dans ce genre galant et fade qui n’est guère moins insipide à lire qu’en musique psalmodiante et mêlée d’airs à petites cabrioles. Il a fait un Essai sur les moyens de plaire qui est un mauvais essai, et dont les faiseurs de pointes disaient qu’il n’avait pas les moyens. Il a fait dans sa jeunesse une Histoire des chats que je n’ai pas vue, plaisanterie apparemment de société fort insipide, qui lui attira mille brocards et beaucoup d’épigrammes. Le poëte Roy en ayant fait une très-sanglante, Moncrif l’attendit au sortir du Palais-Royal, et lui donna des coups de bâton. Roy, qui était accoutumé à ces traitements, et qui n’avait guère moins de souplesse que de malignité, retourna la tête, et dit à Moncrif en tendant le dos au bâton : Patte de velours, Minon, patte de velours. Moncrif, abstraction faite de son talent de chansonnier tendre et galant, était un homme assez commun ; mais il était souple et courtisan, et il était parvenu à se donner une sorte de crédit à la cour ou plutôt dans le cercle de la feue reine. Il y faisait le dévot ; mais à Paris il était homme de plaisir, et il a poussé la passion pour la table et pour la créature, ou plutôt pour les créatures, jusqu’à l’extrême vieillesse. Il n’y a pas bien longtemps qu’il traversait encore, après l’opéra, l’aréopage des demoiselles de ce théâtre, en disant : « Si quelqu’une de ces demoiselles était tentée de souper avec un vieillard bien propre, il y aurait quatre-vingt-cinq marches à monter, un petit souper assez bon, et dix louis à gagner. »

L’appartement qu’il occupait au château des Tuileries était effectivement un peu élevé ; du reste, il s’acquittait toujours parfaitement bien, dans ces parties, du rôle qu’il s’était imposé. Moncrif jouissait d’une fortune assez considérable par la réunion de plusieurs places que lui avait obtenues la souplesse de son caractère. On dit qu’il était noble et généreux dans sa dépense. Dans ses manières il était recherché et minutieux, et, comme auteur, fort susceptible. Je me souviens que Marmontel, désirant une place à l’Académie, prit le parti de louer, dans sa Poétique française, presque tous les académiciens vivants dont il comptait se concilier la bienveillance et obtenir la voix pour la première place vacante. Il se fit presque autant de tracasseries qu’il avait fait d’éloges ; personne ne se trouva assez loué, ni loué à son gré. Il avait cité de Moncrif un couplet avec les plus grands éloges ; Moncrif prétendit qu’il fallait citer et transcrire la chanson tout entière, ou ne s’en point mêler. J’avoue que je ne puis m’affliger de voir toute cette dépense d’éloges si peu sincères et prodigués dans une vue d’intérêt personnel, non-seulement perdue, mais presque produire un effet contraire. Moncrif passa donc sa vie à être saint homme et fort dévot dans l’antichambre et dans le cabinet de la reine, et libertin à Paris. Une de ses plus jolies pièces de poésie est le Rajeunissement inutile, ou l’Histoire de Titon et de l’Aurore ; il la fit retrancher de tous les exemplaires de son Choix de chansons qu’il donnait à la cour. Sa vieillesse était devenue un sujet de plaisanterie à la cour. On le disait beaucoup plus vieux qu’il n’était, parce que M. le comte de Maurepas, ancien ministre d’État, aimait à dire que Moncrif avait été prévôt de salle lorsque son père y faisait des armes, ce qui, par une supputation fort aisée, donnait à Moncrif près de cent ans ; mais c’était une plaisanterie. Moncrif était né d’une honnête famille de Paris, et même avec quelque bien. Il avait eu dans sa jeunesse la passion des armes ; il fréquentait beaucoup les salles, où l’on est en usage d’appeler les plus habiles les prévôts de salle ; mais il n’en a jamais fait les fonctions par état. Il avait été l’ami et le courtisan du comte d’Argenson, ministre de la guerre. Le roi, qui aime à s’entretenir d’âge, dit un jour à Moncrif qu’on lui donnait plus de quatre-vingt-dix ans. Je ne les prends pas, sire, répondit Moncrif ; et, si l’on peut s’en rapporter au témoignage de ces demoiselles, il n’en eut jamais les symptômes.

— En vous parlant de l’Analyse de Bayle, publiée par M. Robinet[13], je ne m’étais pas aperçu que les quatre premiers volumes ne contenaient que l’Analyse imprimée il y a une quinzaine d’années par l’abbé de Marsy, et qu’il eut défense de continuer. Il n’y a ici que les quatre derniers volumes qui soient l’ouvrage de M. Robinet ; mais je crois le travail de M. Robinet supérieur au travail de l’abbé de Marsy.

— Si vous voulez vous amuser de l’imbécillité et de la fatuité d’un barbouilleur de papier, il faut lire les Observations sur Boileau, sur Racine, sur Crébillon, sur M. de Voltaire et sur la langue française en général, par M. d’Açarq, des Académies d’Arras et de La Rochelle[14]. Cela est vraiment précieux par l’extrême impertinence du style et des prétentions de l’auteur. Ce d’Açarq est un ancien maître de pension, assez mauvais sujet, moitié bête et moitié fou. Il se prétend surtout profond grammairien et élève de Dumarsais. Il dit que le rapport mutuel et précis des mots fait les ressorts divins d’une langue ; que M. de Voltaire sacrifie aux agréments matériels l’active précision qui est d’un ordre supérieur : que le style grammatical du quatrième acte de Mérope est assez pur, et qu’il y a des beautés dans le style personnel ; que la verve spiritueuse de M. de Voltaire est inépuisable en éclats sulfureux et retentissants ; que Racine a l’allure tendre, Crébillon l’allure terrible, et que M. de Voltaire va en tous sens, va toujours, et n’a point d’allure certaine ; et moi je dis que M. d’Açarq a l’allure certaine des petites-maisons.

  1. Le Kain qui, sans avoir aucun des avantages extérieurs de Dufresne, ou plutôt ayant figure, voix, tout contre lui, a cependant surpassé Dufresne dans le rôle d’Orosmane. Ce grand acteur se trouva au début de Le Kain, et avoua qu’il lui avait fait voir dans ce rôle des nuances et des détails dont il ne s’était pas douté. Mais c’est, je crois, que notre philosophe n’a jamais vu jouer Le Kain, pas plus que Mlle Clairon, au moins depuis sa grande célébrité ; il ne parle de celle-ci que d’après la voix publique, et d’après son instinct qui lui fait presque toujours deviner juste. Quant à Dufresne et Montménil, c’est autre chose. Lorsque ces acteurs étaient au théâtre, il était assidu au spectacle ; mais, depuis environ vingt ans, il n’y a été qu’en passant, pour voir de temps en temps quelque nouvelle pièce, par courtoisie pour l’auteur. (Grimm.)
  2. Auteur du Comédien, 1747, in-8°.
  3. Auteur de la Réformation du théâtre, 1743, in-12.
  4. Je ne sais si Riccoboni était aussi grand acteur que son adversaire Rémond de Sainte-Albine était médiocre littérateur ; mais je me rappelle qu’ils ont écrit tous deux des choses fort communes sur cette question. Quant au philosophe, il n’aurait pas encore fini s’il avait su le fait que je vais rapporter ici. C’est que Mlle Arnould, cette Sophie si touchante au théâtre, si folle à souper, si redoutable dans la coulisse par ses épigrammes, emploie ordinairement les moments les plus pathétiques, les moments où elle fait pleurer ou frémir toute la salle, à dire tout bas des folies aux acteurs qui se trouvent avec elle en scène ; et lorsqu’il lui arrive de tomber gémissante, évanouie, entre les bras d’un amant au désespoir, et tandis que le parterre crie et s’extasie, elle ne manque guère de dire au héros éperdu qui la tient Ah ! mon cher Pillot, que tu es laid ! Quel parti notre philosophe aurait tiré de cette anecdote ! J’aurais pu remarquer que les acteurs de l’Opéra-Italien sont en usage de se dire de pareilles folies pendant leur jeu muet, mais on m’aurait répondu peut-être qu’ils jouent avec assez peu de chaleur et de vérité pour pouvoir se livrer à ces sortes d’extravagances ; ce qu’on ne pourra pas dire des facéties de Melpomène Arnould : non-seulement son jeu n’en souffre point, mais il est impossible qu’un spectateur qui la voit dans ces moments décisifs suppose qu’elle soit assez peu affectée pour dire des billevesées. Au reste, ces idées mériteraient d’être plus approfondies ; elles tiennent à une théorie des arts d’imitation qui n’est pas encore bien éclaircie. Ces arts sont toujours fondés sur une hypothèse ; ce n’est pas le vrai qui nous charme dans les ouvrages de l’art, c’est le mensonge approchant de la vérité le plus près possible : mais le mensonge surfait toujours, le fantôme de l’imagination est toujours plus grand que l’image de la nature. Qu’est-ce qui fait donc l’essence du grand acteur, du comédien de génie ? Ce n’est pas la sensibilité ; à cet égard, je suis parfaitement d’accord avec notre philosophe ; mais ce n’est pas non plus la volonté contraire : j’ai connu des hommes de pierre, ayant d’ailleurs une extrême finesse dans l’esprit, hors d’état de jouer médiocrement une scène de comédie. Le grand comédien est celui qui est né avec le talent de jouer supérieurement la comédie, et qui a perfectionné ce talent par l’étude. Je sais bien que cette définition n’apprend rien, mais c’est le cas de toutes les définitions exactes ; contentez-vous-en ; ou si vous les généralisez, vous n’aurez plus que des mots vagues, et les esprits peu justes croiront que vous leur avez appris des vérités importantes, quand vous n’aurez fait que bavarder. Ce qui fait qu’un homme est grand acteur, grand poëte, grand artiste, ne tient pas à des qualités générales, mais à des modifications si fines que nous avons à peine assez d’yeux pour les apercevoir, et encore moins des termes pour les exprimer, mais qu’il suffit d’une ligne de plus ou de moins pour ôter le talent, ou pour le porter à son comble. La sensibilité est donc une qualité neutre et étrangère au talent d’un grand comédien, elle peut se trouver ou ne pas se trouver dans le sujet qui possède ce talent éminent ; cela ne fait rien à la chose : le caractère moral, et le génie ou le talent, sont deux composés de qualités très-indépendantes les unes des autres, de sorte que le génie peut se rencontrer indistinctement avec l’âme la plus sensible ou la plus insensible. On trouve de tout dans ce monde, et la variété des combinaisons est inépuisable. (Grimm.)
  5. David.
  6. Cette tragédie était Maillard, ou Paris sauvé. Voltaire écrivait à ce sujet à M. d’Argental, le 26 septembre 1770 : « On m’a parlé d’une tragédie en prose qui, dit-on, aura du succès. Voilà le coup de grâce donné aux beaux-arts.

    Traître, tu me gardais ce trait pour le dernier !

    « J’ai vu une comédie où il n’était question que de la manière de faire des portes et des serrures. Je doute encore si je dors ou si je veille. » Ce dépit de Voltaire, qui le rendait injuste même envers la Gageure imprévue, influa sur l’esprit de Le Kain, et porta cet acteur à déclarer qu’il ne prostituerait pas son talent à faire valoir de la prose. La défense, faite par l’autorité, de représenter et même d’imprimer cette pièce mit fin à tous les débats. « Elle n’aurait dû être défendue, dit La Harpe, que par la police du Parnasse. » Cependant elle fut jouée à Stockholm et à Pétersbourg par l’ordre même des souverains de Suède et de Russie, et fut publiée en 1788. Sedaine fit représenter, en septembre 1789, Raymond V, ou le Troubadour, comédie remplie de traits contre le duc de Duras pour se venger de ce que ce seigneur avait mis empêchement à la représentation de Maillard. (T.)

  7. Cet enfant, né dans la famille de Prusse, et pour l’avenir duquel Frédéric II forme ici ces vœux, est le roi Frédéric-Guillaume III, né le 3 août 1770, petit-neveu du grand Frédéric, mort en 1840.
  8. Lettre de d’Alembert à Frédéric, du 12 août 1770.
  9. Diderot.
  10. Mme d’Épinay.
  11. De Spa.
  12. le Mercure des pièces fugitives sous le nom de Mlle Malcrais de La Vigne, et que plusieurs lecteurs de ce journal, séduits par le talent de la jeune muse, lui adressèrent des déclarations et des hommages. Voltaire fut de ce nombre, et son épître qui commence par

    Toi dont la voix brillante a volé sur nos rives, etc.


    était à l’adresse de la beauté-poëte, qui n’était autre que Desforges-Maillard. Cette aventure a fourni à Piron le sujet de la Métromanie. (T.)

  13. Voir précédemment page 131, notes 1 et 2.
  14. 1770, in-8°.