Cours d’économie industrielle/1837/7

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SEPTIÈME LEÇON.


Séance du 19 décembre 1837.


Hôpitaux. — Hospices. — Bureaux de Bienfaisance. — Enfants trouvés. — Prisons.


Sommaire : La question du paupérisme est de tous les temps. — Paupérisme chez les Grecs. — Chez les Romains. — Sous le régime féodal. — Complication dues au christianisme, à Charles-Quint et à la réforme. — Édits pour encourager les mariages (en note).
Les premières tentative » de réforme, datent du XVIIIe siècle : les philosophes français en prennent l’initiative. — La stérilité des essais qui ont été tentés, est due à l’esprit de système. — Il a nui aux réformes de Targot, à celles de la Constituante, de la Convention et de l’Empire. — Une rigueur excessive pas plus qu’une générosité aveugle, ne peuvent résoudre la question de paupérisme.
hôpitaux, hospices, bureaux de bienfaisance.
Leur population, leurs revenus, en 1789 et en 1833. — Les Hospices envahissent tout ; nécessité de mettre un terme à leur multiplication. — Ceux qui les habitent ont moins de droits à la charité publique que les pauvres malades des hôpitaux. — Questions des revenus des hospices et hôpitaux. — Immobilisation des revenus qu’ils possèdent ; inconvénient qu’elle présente. — Leur gérance coûtent 22%. — Il ne rapportent que 2%. — Avantages de la conversion des biens fonds en rentes sur l’État.
enfants trouvés.
Histoire des enfants trouvés depuis 654 jusqu’en 1836 ; l’accroissement de leur nombre suit toujours les mesures prises pour assurer leur sort. — Réformes de 1833 : suppression des tours. — Éloignement des enfants. — Réduction des lits. — Secours accordés aux mères qui gardent leurs enfants.
prisons.
Population et dépenses des prisons. — Ce sont les économies faites sur l’instruction publique qui ont conduit les ignorants au vol. — Les ⅞ des condamnés ne savent pas lire. — Le dixième a moins de 20 ans, les ¾ de ceux-ci sont des enfants trouvés. — Éducation donnée aux enfants trouvée en France, dans le royaume de Naples, en Espagne et en Russie (en note).
conclusion.
Budget du paupérisme, il est le dixième du Budget général. — Son élévation a fait sentir la nécessité des réformes. — Pour rendre celles-ci complètes, il faut tout prendre par la base, par l’éducation.


La question du paupérisme est fort ancienne ; elle a occupé la sollicitude des magistrats de tous les pays et de tous les temps, qui, pour l’avoir mal comprise, ont aggravé le mal en voulant le guérir ; et, chose remarquable, l’expérience n’a pas eu d’enseignement pour nos pères car la question est venue depuis les Grecs et les Romains, dont nous allons dire quelques mots, jusqu’au 19e siècle, sans avancer d’un pas et plus embrouillée même par les mille essais auxquels on s’est livré, qu’elle ne l’était auparavant.

À Athènes, le trésor public était une espèce de bourse commune, non-seulement pour les besoins collectifs de la population mais encore pour les dépenses de chaque particulier. Tout citoyen était rentier de l’état depuis l’institution du théorique, sous Périclès, véritable jeton de présence accordé à la fainéantise patriotique et bavarde, et qui dégénéra bientôt en une taxe des pauvres. Dès-lors, le peuple athénien voulut être nourri et amusé aux dépens du trésor public, et il fallut inventer chaque jour des expédients nouveaux pour suffire aux consommations de ces discoureurs exigeants, qui délibéraient éternellement sans jamais rien produire. Le principe généralement admis était qu’aucun citoyen ne devait être dans le besoin et on accordait des secours à ceux que leurs infirmités corporelles rendaient incapables de pourvoir à leur subsistance. Le nombre des salariés était d’ailleurs fort considérable ; les orateurs se faisaient payer pour parler, le peuple pour entendre, les juges pour prononcer ; on accréditait deux, trois, et jusqu’à dix ambassadeurs auprès de chaque puissance. De là naquirent les menées perpétuelles des orateurs, qui avaient intérêt à flatter ce souverain aux vingt mille têtes qu’on appelait le peuple, et dont l’avidité ne pouvait être assouvie que par des impôts énormes[1] ; de là des tentatives heureuses de corruption[2] et l’avilissement du peuple. Dans l’Empire, le mépris du travail et la concurrence que les ouvriers esclaves font aux ouvriers libres, conduisent rapidement au paupérisme. L’oisiveté engendre les goûts fastueux ; il ne faut pas seulement au peuple du pain et des spectacles, panem et circenses ; on lui distribue, outre de la viande, du pain et de l’huile, des bains, des parfums, de l’encens, de l’ambre et de la pourpre. C’est avec ce système qu’on fit des Romains un peuple de mendiants, qui mit le pouvoir à l’enchère et le livra au plus offrant[3]. On cherchait alors dans le célibat un refuge contre la misère, et le mariage était devenu une corvée patriotique ainsi que l’indique ce passage d’une harangue du préteur Métellus :

« S’il était possible de perpétuer l’espèce humaine sans avoir de femmes, nous nous délivrerions d’un si grand mal ; mais comme la nature a établi qu’on ne pouvait guère vivre heureux avec elles ni subsister sans elles, il est du devoir de tout bon citoyen de sacrifier son repos au bien de l’état. »

Toutes ces distributions n’étaient cependant pas de la bienfaisance ; car ceux-là seuls y avaient une part, qui étaient assez forts pour la saisir. Aussi, Voltaire a-t-il eu raison de dire : « Quand un pauvre diable tombait malade à Rome sans avoir les moyens de se faire soigner, que devenait-il ? Il mourait. »

Au partage de l’Empire, nous assistons, non-seulement à une révolution politique, mais encore à une révolution sociale et économique. « Peu d’années s’écoulent après le règne de Constantin, et déjà (par suite de l’établissement du Christianisme), l’affranchissement des esclaves est permis, sur la simple attestation d’un évêque ; le concubinage est proscrit ; les biens des mineurs sont exempts de la confiscation ; les prisons sont visitées ; les pauvres sont secourus, la bienfaisance est découverte. Nous la raisonnerons plus tard ; en attendant on l’exerce[4]. »

Le Christianisme ne se borna pas à inventer la bienfaisance, il l’exagéra ; mais peut-être était-ce nécessaire à une époque où il y avait si peu de philantropie. Charles-Quint, ses guerres et ses monopoles ; Henri VIII, Élisabeth, les princes d’Allemagne et la Réforme, augmentèrent encore le nombre des pauvres, que le système féodal avait mis à la charge des seigneurs, le système religieux à celle des couvents, et que le protestantisme jeta dans les rues, sur les places, et dont il couvrit les routes et inonda les campagnes.

De ce moment, la question du paupérisme ne cessa d’acquérir chaque jour plus de gravité ; mais on ne trouva, pendant long-temps, d’autres moyens de la résoudre que les moyens de rigueur ; on persécuta les pauvres que l’on avait fait, et lorsqu’on vit que de cette manière leur nombre s’accroissait encore au lieu de diminuer, on prit le parti de leur faire un revenu avec celui de tous ; on les mit, comme en Angleterre, à la charge, des paroisses ; ou, comme en France à celle du budget[5]. Ce ne fut qu’au 18e siècle que l’on s’occupa de chercher à cette question une solution scientifique. Pour cette réforme, comme pour tant d’autres, ce furent les philosophes français qui donnèrent l’élan aux idées généreuses, que des écrivains d’aujourd’hui appelleraient humanitaires. Ils firent comprendre que la société devait être autre chose qu’un assemblage de quelques hommes heureux, sans autre occupation que celle de goûter à toutes les jouissances ; et d’une masse énorme de travailleurs pauvres, les uns actifs, les autres dans l’oisiveté. Ils voulurent du travail pour tous, et pour tous aussi ils demandèrent du bien-être en échange de leur labeur.

Les conseils et les vœux des philosophes, formulés dogmatiquement par les économistes, furent écoutés et successivement mis en pratique par Turgot, la Constituante et la Convention : Malthus et Godwin, Everett et Mirabeau Saint-Just et Robespierre étaient, quelques-uns sans le savoir, les disciples des philosophes et des économistes. Toutefois ; la plupart des essais tentés par ces hommes remarquables, à des titres bien différents d’ailleurs, échouèrent complètement, parce qu’ils tenaient à des systèmes absolus, construits à l’avance, qui n’admettaient pas ou ne tenaient pas un compte suffisant, des difficultés et des obstacles qui naissaient de l’ancienneté même des abus qu’il s’agissait de détruire.

En effet, nous l’avons vu dans une leçon précédente, Turgot fut obligé d’abandonner les plus importantes de ses réformes, avant même qu’elles n’eussent reçu un commencement d’exécution ; et bien, cependant, que le principe sur lequel elles reposaient fût excellent, plus tard il en advint de même et pour les mêmes causes, aux assemblées révolutionnaires et à l’Empire. C’est encore ce qui explique comment les systèmes différents des Malthus, Godwin, Sismondi, Morel de Vindé, Smith, Owen, Fourier et St-Simon n’ont pu être appliqués ou se sont bornés à de stériles essais. Presque tous renferment d’excellentes idées, tous, peut-être, pourraient convenir à une nation entièrement exempte de vices et de passions qui aurait un gouvernement parfait et composé d’homme absolument désintéressés. Malheureusement il n’en est point ainsi ; nous avons des intérêts, des vices, des passions, qui ne nous permettent ni d’appliquer le principe de la contrainte morale de Malthus, ni d’interdire le mariage aux pauvres, comme le propose M. de Sismondi. Nous ne pouvons, suivant le système de M. Morel de Vindé, diviser encore notre propriété foncière arrivée déjà à un état atomistique (Il y a des cotes foncières de 50 centimes), sans la réduire en grains de sable, ni fonder, comme Robert Owen, Fourier ou Saint-Simon, de vastes associations, ou le travail et les profits seraient mis en commun parce que si nous avons parmi nos travailleurs des hommes laborieux, nous en avons aussi qui sont paresseux et qui dévoreraient, la part des premiers.

Voyez les fautes que l’esprit exclusif de système a fait commettre aux hommes les mieux intentionnés.

Lorsque l’assemblée constituante, frappée de l’inégalité de la répartition des charges publiques, voulut réformer l’assiette de l’impôt et dégrever les classes pauvres, elle prononça la suppression des taxes indirectes qui pesaient plus directement sur ces dernières ; il en résulta immédiatement une insuffisance de ressources, que ne put faire disparaître ni la vente des biens confisqués sur les émigrés, ni ceux des communautés religieuses qui avaient été abolies, ni même le remède héroïque des assignats et de la banqueroute. L’abandon des impôts indirects laissa donc vides les coffres de l’état, en présence de l’Europe en armes levée contre la France ; et si l’enthousiasme patriotique n’eût escompté la victoire en expectative, pour remplir de gloire les estomacs vides de pain, et couvrir avec des débris de drapeaux conquis les membres nus de nos soldats la faiblesse de la faim eût laissé les armées étrangères s’établir en vainqueur jusque dans la capitale[6].

Malgré les décrets philanthropiques de l’Assemblée, la misère exerçait ses ravages aussi bien dans le peuple que dans les rangs de l’armée ; vainement avait-on levé la main-morte qui existait sur les propriétés et facilité, leur morcellement ; aboli les jurandes et les maîtrises qui gênaient le travail ; essayé de tout, même de la liberté commerciale ; vainement les sciences et l’industrie avaient-elles fait d’immenses progrès, la plaie du paupérisme était toujours vive et saignante.

La Convention vint à son tour avec la ferme volonté de la guérir ; elle ouvrit, par un décret du 22 floréal an II, une liste civile des pauvres au grand livre de la bienfaisance Nationale ; comme Périclès à Athènes, elle fit payer un salaire (2 francs) aux citoyens qui suivaient ses séances et celles des sections ; elle ordonna la réunion au domaine public de tous les biens des hôpitaux, à la charge de secourir tous les nécessiteux.

En reconnaissant ainsi aux masses les droits d’exiger de la société une espèce de pension alimentaire, la Convention augmenta, dans une énorme proportion, le nombre des pauvres ; bientôt elle ne put plus suffire aux demandes chaque jour croissantes qui lui étaient faites. Aussi, fut-elle obligée de rendre aux hôpitaux les attributions et les revenus qu’elle leur avait enlevés. Le décret de l’an V, par lequel elle ordonnait cette restitution, portait ainsi l’aveu de son impuissance à résoudre la question du paupérisme ; elle y donnait sa démission de réformatrice.

Après elle, un homme qui valait bien à lui seul une assemblée ; Napoléon, crut pouvoir faire par une loi ce que plusieurs siècles et des milliers d’édits, de décrets, d’ordonnances et de règlements n’avaient pu faire. Par son décret du 19 janvier 1811, il ouvrit, au nom des maisons d’enfants trouvés, un crédit de quatre millions au grand livre du trésor, et il autorisa les départements et les communes à s’imposer dans le même but. Il espérait ainsi soulager la misère il ne fit qu’encourager la débauche. Par cela seul qu’il avait décrété une liste civile de quatre millions en faveur des enfants trouvés, leur nombre doubla en quelques années.

Quand nous voyons toutes ces mesures si diverses, les unes d’une sévérité draconienne, les autres d’une générosité abusive, donner d’aussi tristes résultats, bien que quelques-unes aient été soutenues par la hache et d’autres par l’épée ; nous sommes naturellement conduits à penser que l’enthousiasme, en matière de bienfaisance doit être modéré par les enseignements de l’observation et soumis aux règles du raisonnement.

Mais, nous demandera-t-on, voulez-vous donc combattre avec Malthus contre la charité, et défendre aux hommes de mettre en pratique ce divin précepte que l’Évangile place dans la bouche du fils de Dieu : Laissez venir à moi les petits enfants ? Y a-t-il donc trop de générosité dans le cœur de l’homme, pour que vous en réprimiez ainsi les élans ? L’égoïsme n’a-t-il pas assez des sophismes que lui fournit un esprit froid et sec, pour que vous couvriez du manteau de la science les excuses qu’il se forge avec tant d’adresse ? Non, ces reproches ne sont pas fondés ; non, nous ne nous constituons pas les avocats de l’égoïsme et de l’indifférence, parce que nous cherchons à prémunir la société contre les abus qui résultent de sa générosité imprévoyante ; nous remplissons à son égard le rôle de conseil, et nous lui adressons les mêmes avertissements qu’à un homme qui dépenserait tout son bien en aumônes faites aux premiers venus, et se mettrait par là dans l’impossibilité de soulager des malheurs véritables, en se plaçant lui-même dans la misère. Au reste, Messieurs, vous allez juger, pièces en main, quelle est la plus utile et la plus louable, de la générosité qui calcule, ou de la bienfaisance aveugle.


hôpitaux, hospices, bureaux de bienfaisance.


En 1789, il y avait en France, d’après M. de Necker (Administrat. des finances de la France), 800 hôpitaux, disposant d’un revenu de 18 à 20 millions de francs.

En 1833 le nombre des hôpitaux et hospices était de 1329 ; ils ont reçu 579 000 personnes et dépensé une somme de 53 millions de francs. Pendant la même année, des secours ont été distribués à 695 632 personnes, par 6 275 bureaux de bienfaisance, qui ont disposé d’une somme de 10 millions 315 746 francs !

Cette première question des hôpitaux et des hospices soulève d’assez grandes difficultés. Chaque année, le nombre des demandes d’admission dans les hospices augmente, et les dépenses de ces sortes d’établissements absorbent plus de la moitié (33 millions de francs) des ressources que la charité publique affecte au soulagement du malheur. Or, vous savez quelle est la différence qui existe entre les hôpitaux et les hospices : les premiers sont des lieux sacrés, où n’habite que la souffrance, où l’ouvrier laborieux, blessé dans ses travaux, ou sa compagne épuisée par une tâche au-dessus de ses forces, vont chercher un adoucissement à des maux trop cuisants : l’hospice, au contraire, est le port où l’imprévoyance, l’inconduite vont chercher un refuge ; c’est là où l’homme qui n’a jamais su s’imposer une privation pour s’assurer un morceau de pain, où la femme dont la vie s’est passée dans les plaisirs et l’insouciance, viennent recevoir une solde de retraite que des services plus consciencieux devraient seuls mériter. On a pénétré dans ces asiles, on y a porté les lumières de l’analyse ; on a dressé, en quelque sorte, une biographie de chacun de leurs habitants et un historique des causes qui les y ont conduits, et on a trouvé que si un certain nombre d’entr’eux étaient dignes des secours que la société leur donnait, il s’en trouvait d’autres qui l’étaient beaucoup moins.

Frappés de cette différence entre les droits des pensionnaires des hospices et des hôtes passagers des hôpitaux, l’administration et les hommes qui s’occupent de ces matières se sont demandés s’il ne serait pas nécessaire, sinon de réduire le nombre des hospices ou des lits qu’ils renferment, de poser tout au moins des limites à leur multiplication et à leur envahissement. Certes, Messieurs, si, par des circonstances qu’il n’est donné à personne de prévoir, mais dont, du moins, on peut admettre un instant la possibilité, nous étions conduits à l’obligation de faire un choix entre les hôpitaux et les hospices, notre détermination, la mienne, du moins, serait bientôt prise, et je n’hésiterais pas un instant à me prononcer faveur des premiers.

Telle est la première difficulté que soulève la question des hospices. Il est vrai que jusqu’ici on ne lui a prêté qu’une légère attention mais ce n’est qu’un sursis ; car on sera obligé d’y revenir. La seconde difficulté, bien qu’elle n’ait point encore été tranchée a occupé plus longuement le conseil des hospices elle est relative à l’administration des biens-fonds appartenant à ces établissements en vertu de legs, donations, etc., dûement approuvés par ordonnance du roi et avis approbatif du conseil-d’état.

Les revenus fixes, particuliers aux hospices, s’élèvent ainsi que nous l’avons vu plus haut à 33 millions de francs, somme égale à celle du revenu des immeubles productifs des communes.

De toutes les propriétés, celles qui devraient être les mieux gérées ce sont celles du pauvre, auquel on ne peut faire tort de quelques centimes, sans qu’il n’y ait quelque part des misères que cet obole eût pu soulager ; eh bien ! il faut le dire, les propriétés des hospices sont les plus mal administrées de toutes, elles rapportent 2 pour cent au plus, c’est-à-dire beaucoup moins que celles des particuliers. Leur conservation et leur gérance qui plus que toute autre devraient être économiques, j’ai presque dit gratuites, coûtent plus de 20 pour cent ce qui rend insuffisantes d’aussi énormes ressources, auxquelles on est obligé de suppléer par des subventions locales et départementales (octrois et centimes) qui montent à 18 millions de francs, sacrifice considérable à ajouter à des charges déjà si lourdes, et qui a l’inconvénient de perpétuer les erreurs d’un mauvais système en en réparant les suites.

Les donations aux hospices qui se sont montées à 51,672,929 francs pour le temps écoulé entre 1814 et 1825, et à 23,397,534 francs aux bureaux de bienfaisance pendant la même période ; se composent en grande partie, d’immeubles. Supposons qu’il y en ait les deux tiers, et voyez quelle quantité de terres sont immobilisées et frappées de main-morte, combien de forces productives sont perdues par ce mauvais emploi d’un capital aussi considérable.

C’est en examinant cette question avec la logique des chiffres, qu’on a été conduit à désirer une autre organisation des ressources qui alimentent les dépenses des hospices ; à proposer, par exemple, de vendre toutes leurs propriétés et d’en convertir le prix en rentes 4 pour cent, qui ne coûteraient aucun frais d’entretien et doubleraient les revenus. Cette proposition fort simple et très convenable lorsqu’on la considère avec un parfait désintéressement, devient très-délicate par suite des préjugés qu’elle froisse, des anciennes habitudes qu’elle prétend changer. Les représentants de ces idées vieillies, en vertu desquelles tant de capitaux sont refusés à l’industrie parce qu’ils restent enfouis dans la terre qu’ils ne fécondent même pas se sont opposés à l’aliénation des biens des hospices et à leur conversion en rentes 4 pour cent, ils ont évoqué le souvenir d’une banqueroute d’État (qui ne serait plus possible aujourd’hui), pour soutenir qu’on ne pouvait enlever aux indigents et aux malheureux la sécurité de la propriété foncière, pour leur donner en échange l’incertitude et l’éventualité de la perte du fonds et des revenus. Cette question n’a pas été résolue encore ; mais je pense qu’elle le sera bientôt ; nous touchons maintenant à celle des enfants trouvés.

Enfants trouvés.

Si l’on s’en rapporte à quelques légendes et aux capitulaires de Charlemagne, il paraîtrait que dans le moyen âge il existait en France des asiles pour les enfants trouvés. On cite, d’après la vie de Saint-Marbœuf la maison qu’il aurait fait bâtir à cet effet à Angers en 654 ; ainsi que l’hôpital du Saint-Esprit fondé à Montpellier en 1180, d’autres disent en 1204, par le comte Guido qui le dota d’une partie de ses revenus. Mais ces hospices particuliers et peu nombreux d’ailleurs, ne présentaient ni l’ensemble ni la stabilité qu’un gouvernement seul peut donner, à de semblables institutions[7].

Jusque vers la fin du 17e siècle, aucun, établissement n’existait en France pour recevoir les femmes en couches et les enfants abandonnés. L’opinion même semblait repousser une pareille mesure ; nous voyons en effet dans les recherches de M. Benoiston de Châteauneuf, que sous Charles VII en 1445, un procureur du roi au Chatelet de Paris ayant essayé de faire recevoir à l’hôpital du St.-Esprit les enfants au maillot, « trouvés les uns par la ville, les autres apportés aux huis du dit lieu, ou jetés nuitamment à val les rues, » il ne put y réussir ; et on lit dans les lettres patentes que le roi donna quelque temps après, (4 août 1445) en faveur de cette maison, ce passage remarquable : « Si l’on obligeait, dit ce prince l’hôpital du Saint-Esprit à recevoir les enfants trouvés, concurremment avec les orphelins, il y aurait bientôt une grande quantité des premiers, parce que moult gens feraient moins de difficultés de eux abandonner à pécher, quand ils verraient que tels enfants bâtards seraient nourris, et qu’ils n’en auraient point la charge première ni sollicitude. »

Plus tard en 1536 François 1er  fonda au marais sur l’emplacement occupé aujourd’hui par le marché et la rue des enfants rouges, un hospice dit des Enfants rouges pour les enfants légitimes des pauvres morts à l’Hôtel-Dieu ; comme dans l’hospice du Saint-Esprit, les bâtards en étaient exclus.

Chaque ville, chaque seigneur, se conduisait à l’égard des enfants trouvés d’après les inspirations de sa charité, ou la richesse de ses revenus ; un ancien arrêt du parlement de Paris, de l’année 1667, ordonne aux seigneurs de nourrir les enfants déposés sur leur territoire ; aujourd’hui même en Autriche les propriétaires sont tenus de payer douze florins à l’hôpital qui reçoit les enfants abandonnés dans l’étendue de leurs domaines.

À Paris on déposait les enfants dans une coquille de marbre placée pour cet usage à la porte des églises[8]. Les marguilliers les recueillaient et s’occupaient ensuite du soin de trouver quelqu’un qui voulût les nourrir. Ces simples mesures suffisaient au petit nombre d’infortunés qu’elles concernaient, et qui ne s’élevait pas alors à plus de deux ou trois cents par an.

Cependant vers 1636, ils trouvèrent un asile et des soins particuliers dans une maison de la capitale, que la voix publique désignait sous le nom de Maison de la couche ; mais des abus s’y étant introduits on fut obligé de la fermer. Quatre ans après, le sort des enfants abandonnés toucha de nouveau l’âme d’un ecclésiastique de la Provence, Vincent de Paule, que l’église a mis au rang des saints. Aidé de Mme Legras, nièce du garde des sceaux de Marillac, d’Élisabeth L’Huillier femme du chancelier d’Aligre, et de ce magistrat lui-même, il parvînt à réunir des fonds suffisants pour couvrir les dépenses d’une maison qu’il ouvrit dans le faubourg St. Victor. En 1642, le roi Louis XIII ajouta quelques secours réguliers à ceux que Vincent de Paule avait obtenus de la charité-particulière ; Anne d’Autriche, régente du royaume après la mort de Louis XIII les augmenta encore. Jusqu’en 1670 l’établissement ouvert pour recevoir les enfants trouvés n’eut aucun caractère officiel, fondé par des particuliers il resta sous leur direction, et ce ne fut qu’au mois de Juin de cette année que Louis XIV rendit sur la proposition de Colbert, des lettres patentes qui reconnurent aux maisons dites de la marguerite et du faubourg St. Antoine, le titre d’hôpitaux de Paris, et les autorisèrent à agir en cette qualité.

Un motif tout philanthropique avait porté à la création des hôpitaux d’enfants trouvés ; les vices, la débauche, l’égoïsme, en profitèrent pour se décharger sur elles du soin d’élever les enfants auxquels les premiers donnaient naissance, et que le dernier abandonnait.

« Lorsqu’on sut dans les provinces (dit le rapport présenté à l’Académie des sciences par MM. Duméril et Coqueret Monbret, sur le mémoire de M. de Châteauneuf dont nous venons de citer quelques fragments), qu’il y avait à Paris un hôpital où les enfants abandonnés étaient reçus sans aucune formalité, on envoya de toutes parts à cette maison. Les seigneurs hauts-justiciers le faisaient eux-mêmes pour se décharger de l’obligation qui leur était imposée de prendre soin des enfants exposés dans leurs terres, et les hospices des villes de provinces pour être soulagés d’autant. »

Sous l’empire de cette organisation, le nombre des enfants admis dans les maisons de la capitale et des villes de province s’accrut de la manière suivante :

En 1638 il était de 12,
en 1670 200 à 300,
en 1700 1 738,
en 1750 3 789,
en 1784 40 000.

Quels arguments pourraient avoir la force de ces chiffres ? Voyez-vous la débauche et la séduction augmenter leurs produits, du moment où la charité publique leur offre un placement dans les hospices qu’elle fonde dans toutes les grandes villes de fabrique et de garnison ; quelque grande que soit la générosité, elle se trouve dépassée encore par les progrès du mal.

En 1793 la Convention rendit un décret qui constitua l’état civil des enfants trouvés, et déclara que la patrie qui les adoptait leur donnait un état ; voyons quels résultats cette loi, d’ailleurs si philanthropique, produisit :

 En 1784 le nombre des enfants trouvés était avons-nous dit de 40 000,
 En 1798 il atteignit le chiffre de 51 000,
et en 1809 celui de 69 000.

En 25 ans l’augmentation avait été de 29 sur 40, près des trois quarts !

Au lieu de s’arrêter dans un système si mauvais, Napoléon l’exagéra encore, en accordant aux enfants trouvés, par un décret de janvier 1811 une liste civile de quatre millions, qui s’augmentait encore des subventions locales et du produit des centimes spéciaux, que le même décret autorisait les communes et les départements à voter pour ce service. Sous l’empire de cette législation, le nombre des enfants s’accrut dans une proportion vraiment effrayante.

Nous l’avons vu, en   1809, être de 69 000.
Il fut, en   1815, de 84 500.
en   1816, de 87 700.
en   1817, de 92 200.
en   1818, de 96 000.
en   1819, de 98 000.
en   1821, de 105 700.
en   1822, de 138 500.

Sous le régime de la Convention, il avait augmenté, en 25 ans dans le rapport de 3 : 4 ; sous celui de l’Empire il s’accrut, en 13 ans, dans celui de 7 : 14 ; c’est-à-dire du double !

Les choses restèrent dans cet état jusqu’à ce que les conseil généraux et les préfets, alarmés des progrès effrayants que cette institution faisait chaque jour, se dirent, comme M. de ChâteauNeuf dans son mémoire : « La charité qui recueille les enfants abandonnés, sans exception, par cela seul qu’ils vont périr si elle ne leur ouvre son sein, a, sans doute, quelque chose de généreux, de touchant ; celle qui se prescrit des bornes qu’elle ne veut pas franchir, a quelque chose de plus sévère, mais aussi de plus moral. »

La question d’ailleurs, était devenue financière ; car les quatre millions fixés par l’empereur en 1811 s’étaient successivement augmentés jusqu’au chiffre de 10 250 000 fr. ; bien que la dépense de chaque enfant ne fût que de 80 fr. 30 centimes, en moyenne.

La réforme des abus vraiment scandaleux qui s’étaient introduits dans les maisons d’enfants trouvés, (on vit souvent des femmes mariées apporter leur enfant, la nuit, et se représenter ensuite le lendemain pour le reprendre comme nourrice, afin de recevoir l’indemnité de 8 francs par mois qui est allouée à celles-ci), ayant été abandonnée aux administrations locales, on fit différents essais, dont les résultats sont fort intéressants.

Les uns supprimèrent les tours et exigèrent des déclarations signées ; d’autres éloignèrent les enfants à quelque distance ; ils les envoyèrent même dans des départements voisins. Dans quelques-uns, on réduisit le plus grand nombre des lits, et on affecta l’économie que produisit cette réduction à des secours qui furent délivrés aux mères qui gardaient leurs enfants. Ces secours se composaient de linge, de bois, de vivres, de layettes et d’argent ; ils duraient pendant les quatre premiers mois après l’accouchement.

Trente départements adoptèrent ces différents systèmes, dont les résultats pendant quatre ans furent une économie de 1 086 500 francs, la fermeture de 67 tours, le retrait par les parents de 16 000 enfants, et la réduction du chiffre total de ces derniers, de 33 000 !

Dans les départements qui conservèrent l’ancienne organisation impériale, le nombre des infanticides fut plus considérable que dans les autres.

Ces faits me semblent concluants et prouvent que la raison est plus souvent d’accord avec la morale, que les sentiments les plus généreux lorsqu’ils se manifestent aveuglément. Sans doute, la réduction du nombre des enfants est due à l’augmentation du bien-être général, à l’amélioration morale des masses ; mais elle est due aussi aux mesures judicieuses qui ont, pour ainsi dire, mis en demeure l’amour maternel et l’ont forcé de se produire. On a réveillé des sentiments à demi éteints, en menaçant de rompre par l’éloignement, et pour toujours, les liens qui unissaient encore les parents à leurs enfants, tant qu’ils n’étaient séparés que par de légères distances.

Je quitte la question des enfants trouvés, que je n’avais pas à examiner ici d’une manière complète, et dont je voulais seulement établir les rapports avec les charges publiques et les règles de la science, et je passe à une autre face de la question du paupérisme : celle des prisons.


PRISONS.


C’est une extrémité bien dure pour une société dont le but est toujours d’assurer aux hommes les avantages et les bénéfices de l’association, d’être obligé de suspendre les droits et la liberté d’une partie de ses membres, et d’augmenter les charges de ceux qui sont restés dans les limites tracées par la loi, parce qu’il s’en est trouvé qui les ont dépassées. Car, dans cette question, comme dans celles des hôpitaux, des hospices, des enfants trouvés, la question d’argent se trouve toujours à côté de la question de morale ou de philosophie.

En France, les prisons de toute, espèce renferment 108 000 individus, et coûtent, année moyenne, 13 000 000 de francs. Supposez que depuis 10 ans on ait pu trouver les moyens d’opérer une réforme morale qui eût diminué de moitié le nombre des détenus, et que, les dépenses se bornant à 8 000 000, on eût économisé 5 000 000 par an soit 50 000 000 pendant 10 ans, voyez quelle masse de travaux utiles eût été entreprise combien d’honnêtes gens qui sont restées sans ouvrage eussent pu être occupées ? Cette question, envisagée ainsi est de la plus haute importance, et son examen nous revenait de droit, car elle est toute économique. La parcimonieuse lésinerie qui a présidé long-temps et préside même encore aujourd’hui aux dépenses qui concernent l’instruction publique (800 000 francs sous la Restauration et 3 millions maintenant), est responsable des énormes sacrifices que nous imposent nos prisons. Les sept huitièmes des condamnés ne savent pas lire ou ne le savent qu’imparfaitement. Ils sont 108 000, et il y en a parmi eux 10 500 qui n’ont pas 20 ans ; les trois quarts de ceux-ci sont des enfants trouvés ou abandonnés élevés par les hospices, et qui ont à peine reçu les éléments de l’instruction la plus commune[9].

CONCLUSION.


La réunion des chiffres qui composent le budget du paupérisme est effrayante puisque, sans parler des dépenses de justice et de police, des aumônes particulières des fonds des salles d’asile et des écoles gratuites, etc., elle présente un total de près de 90 millions de francs qui se subdivise ainsi :

Hopitaux et Hospices, 53 000 000
Bureaux de bienfaisance, 10 316 000
Enfants trouvés, 10 250 000
Prisons, 13 000 000
 
  Ensemble, 86 566 000 fr.

Presque le dixième du budget de l’état !

Si ces chiffres épouvantent, ils ont rendu du moins un grand service ; ce sont eux qui ont fait sentir la nécessité des réformes. Nous avons vu où ils avaient conduit quelques conseils généraux, dans la question des enfants trouvés ; ils produisent les mêmes effets dans celle des prisons. On ne s’occupe un peu sérieusement de celle-ci que depuis que les nécessités financières ont conduit à chercher des économies partout. On s’est aperçu seulement alors que les prisons étaient onéreuses, non seulement parce qu’elles coûtaient directement, mais encore par la concurrence qu’elles élevaient contre certaines fabriques, par le travail qu’elles enlevaient aux ouvriers honnêtes, et par la dîme que leurs hôtes libérés mais non corrigés, levaient sur les revenus privés.

Les beaux travaux de MM. Béranger, de Beaumont et de Tocqueville, Demetz et Blouet, ont eu pour objet l’étude d’un système pénitentiaire qui améliorât le moral des détenus, mit la société à l’abri de leurs tentatives coupables, et les producteurs réguliers de leur concurrence ruineuse. C’est une question d’économie qui a commencé nous l’avons vu, la réforme des hospices d’enfants trouvés ; c’en est une de même nature qui a porté à peser les droits respectifs des hôpitaux et des hospices aux secours de la bienfaisance publique, et à séparer les pauvres vicieux des pauvres légitimes.

Mais, dans toutes ces tentatives, tous ces essais de réforme, ce qu’il importe et ce que l’on oublie trop, c’est de tout reprendre par la base par l’éducation et par l’enfance. Toutes les autres améliorations ne peuvent être que corollaires ; leur succès dépend de l’adoption d’un système général bien conçu et bien coordonné. Tout est là, et le grand mérite de Robert Owen est d’avoir proclamé ce principe et d’avoir insisté sur son application. Nous consacrerons notre prochaine leçon à l’examen de ses travaux et de ceux de Fourier et Saint-Simon.

Ad. B. (des V.)

  1. Ce passage est extrait de l’histoire de l’économie politique, par M. Blanqui ainé, tome Ier, chap. II.
  2. À la mort de Pertinax (163), les soldats mettent le trône à l’enchère : Flavins Sulpicianus, beau-père de Pertinax, se présente, il a pour concurrent Didius-Julianus, dont les immenses richesses assurent le succès ; celui-ci est reconnus par le sénat qui l’abandonne ensuite, et le fait mettre à mort à l’approche de Septime Sévère proclamé Auguste par l’armée d’Illyrie.
  3. « Suivant Théophraste, Périclès envoyait chaque année dix talents (plus de 49 000 fr. de notre monnaie) à Sparte ; avec lesquels il gagnait et adoucissait ceux qui avaient la principale autorité ; et par ce moyen il éloignait la guerre. » (Plutarque. Vie de Périclès) Blanqui.
    Notes du R.-Ad. B. (des V.)
  4. Blanqui aîné : Histoire de l’économie politique, tome 1er page 112.
  5. En France, on poussa l’oubli des lois économiques jusqu’à encourager les mariages et leur fécondité par des édits qui exemptaient des charges publiques ceux qui se mariaient avant 20, et accordaient des pensions de 300, 1 000, et 2 000 fr. aux nobles et bourgeois non sujets à la taille, qui seraient pères de 10 ou 12 enfants, vivants ou mort au service de l’état.

    On comprend facilement comment cet édit de 1689, qui faisait ainsi de la paternité une industrie exercée aux dépens de la femme, était contraire aux lois d’une saine économie politique, en encourageant une augmentation de population, qui se correspondait pas à un accroissement égal de travail offert et de revenus disponibles. Les préambules de cet édit semblent indiquer que la France était à cette époque dans une position semblable, quant au mariage, à celle qui motivait la harangue du préteur Métellus dont un passage est inséré dans le texte de cette leçon ; on trouve en effet dans ces considérants, les lignes suivants :

    Louis, etc. bien que les mariages soient les sources fécondes d’où dérivent la force et la grandeur des états, et que les lois saintes et profanes ayent également concourru pour en honorer la fertilité, et la favoriser de leurs grâces ; nécessaire, nous avons trouvé que par la Licence des temps, aux privilèges étaient anéantis, et la dignité des mariages déprimée. Dans le dessein que nous avons d’en relever les avantages, etc.

    Note du R.-Ad. B. (desV.)
  6. On se rappelle que ce fut avec des promesses, que Bonaparte entraîna l’armée des Alpes qui n’avait ni vivres, ni habits, ni chaussures, à ouvrir la campagne dont la conquête de l’Italie fut le prix.
    Note du R.-Ad. B. (des V.)
  7. Benoiston de Châteauneuf : Considérations sur les enfants trouvés et suivant.
  8. M. Victor Hugo, rapporte cette coutume dans l’un des premiers chapitres de son ouvrage Notre-Dame de Paris.
    Note du R.-Ad. B. (des V.)
  9. « Avant la révolution, » dit M. Benoiston de Chateauneuf, « Ils (les enfants) étaient ouvriers ou soldats ; sous la terreur, ils devinrent les enfants de la patrie, et l’on pense bien que tous ceux qui avaient l’âge furent aussitôt appelés à défendre leur mère. Plus tard, un décret du gouvernement impérial les répartit dans les différents corps de la garde, ou les envoya sur les vaisseaux : c’était abuser de leur malheur. La restauration leur a rendu la liberté de choisir un état, mais du reste, on ne va point au-delà : l’éducation la plus commune est donnée à tous indistinctement. » Nous sommes, sous ce rapport, bien au-dessous de plusieurs pays tels que la Russie, le Royaume de Naples, l’Espagne, que nous sommes accoutumés à ne considérer presque qu’avec mépris. « À Moscou, dit encore M. Benoiston, chaque âge reçoit une éducation convenable. L’enseignement embrasse tout ce qu’un citoyen doit savoir. Pour celui que la nature a traité peu favorablement, les simples éléments du calcul et du dessins, l’apprentissage des arts mécaniques, celui du jardinage, le rendent propre à travailler dans une manufacture, une fabrique, ou bien chez le particulier. Des connaissances plus élevées, les mathématiques, la géographie, la tenue des livres en partie double, la science du commerce, sont le partage de ceux dont les heureuses dispositions méritent qu’on les envoie à l’université de Moscou ou à l’académie des arts de Pétersbourg. Le reste est distribué dans les ateliers de l’hospice, qui entretiennent près de cinq mille ouvriers, presque tous enfants trouvés.

    À Madrid, les enfants abandonnées ne sont point privés d’éducation libérale. Le plus grand nombre d’entr’eux se livrent aux études théologiques, et l’Espagne en compte quelques-uns parmi ses plus habiles docteurs.

    Dans l’hospice de Naples, l’Albergo dei Poveri, on apprend aux jeunes orphelins à lire, à écrire, ainsi que les principaux éléments du dessins et de l’arithmétique. On y joint aussi l’étude de la musique. »

    (Note du R.—Ad. B. des V.)