Cours d’agriculture (Rozier)/ABEILLES (supplément)

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ABEILLES, (Économie rurale.) L’activité, l’industrie de ces précieux insectes, les riches produits de leur travail, tout concourt à appeler sur eux l’intérêt des naturalistes et des agriculteurs ; et cet intérêt a augmenté à mesure que l’on s’est plus familiarisé avec ce peuple, et qu’on a mieux connu les avantages que son éducation présente. Tel est aussi l’effet des ouvrages qui ont paru depuis vingt ans, sur cette matière ; en jetant un nouveau jour sur cette branche de l’économie rurale, ils ont amené de nouvelles découvertes ; le champ de l’expérience, incessamment cultivé, a fourni une moisson plus abondante d’observations et de faits.

Ainsi, la génération de ces insectes est mieux connue. Les moyens de les élever, de les nourrir, de les soigner dans leurs maladies, de recueillir leur jeune postérité, et de s’enrichir des trésors qu’elles ont amassés, ont été perfectionnés : on a remédié aux vices de leurs anciennes habitations qui sont remplacées par des logemens plus agréables et plus commodes ; on a mieux observé la substance propre dont se forment la cire et le miel ; on a simplifié leur fabrication, agrandi leurs produits, multiplié leurs objets d’emploi ; et ce sont là les découvertes qui, par leur utilité même, invoquent le supplément que nous entreprenons de donner à l’article Abeilles du Cours complet d’agriculture.

Génération Des Abeilles. Cet acte avoit semblé jusqu’ici couvert d’un voile impénétrable : on prêtoit aux abeilles une sorte de pudeur qui le rendoit invisible à tous les regards. Un groupe nombreux de neutres se rassembloit, disoit-on, autour de la reine, lorsqu’elle s’approchoit des bourdons, et formoit comme une espèce de rempart qui défendoit de tout œil indiscret le mystère intérieur de la fécondation : M. de Réaumur déclare même qu’il n’a jamais pu le découvrir, malgré les soins et l’attention avec lesquels il l’a constamment épié. D’autres, comparant la génération des abeilles à celle des poissons, assuroient qu’il n’y avoit pas d’accouplement, et que les œufs déposés dans les alvéoles par la reine étoient fécondés par une liqueur que les mâles alloient y répandre.

Ces diverses opinions ont été rectifiées en 1792 par M. Huber de Genève, qui a observé et reconnu que la fécondation de la reine, ou abeille femelle, s’opère dans l’air, comme celle de la plupart des insectes qui appartiennent à cette classe.

Une des femelles nouvellement écloses quitte la ruche vers le sixième jour de sa naissance ; elle va à la rencontre d’un mâle ou faux bourdon, et la fécondation a lieu. Cette première sortie a-t-elle été sans succès, la reine va de nouveau chercher fortune les jours suivans ; et, une fois fécondée, elle l’est pour deux ans, peut-être même pour toute sa vie.

M. Huber, à qui l’on doit cette découverte, a remarqué que la mère abeille gardoit dans son corps les organes de la génération du mâle, et les rapportoit à la ruche, de manière que ce dernier périt peu de temps après l’accouplement, et que pour lui la mort devient le prix de l’instant rapide d’un plaisir fugitif, et de l’acte auquel la reine devra bientôt une population immense de nouveaux sujets.

Pendant six mois de l’année, les œufs que pond la femelle ne donnent que des mulets ou des abeilles ouvrières ; les mâles proviennent des œufs pondus à une autre époque, qui est ordinairement en juin.

Les progrès de développement de l’insecte parfait varient selon le sexe : les femelles peuvent voler le seizième jour après leur sortie de l’œuf, les mulets le vingtième jour, et les mâles le vingt-quatrième.

Il paroît que les abeilles ouvrières ou les neutres sont des femelles chez qui les organes de la génération ne sont pas développés. Cette observation, d’abord faite par M. Schirach, a été depuis confirmée par M. Huber, ou plutôt par François Burnens, son domestique.

On doit à cet homme intelligent, qui dirige son maître aveugle depuis sa jeunesse, une remarque non moins intéressante, c’est que la pâtée ou la bouillie administrée aux larves des femelles est différente de celle qui sert à la nourriture des autres larves ; en sorte que les larves des neutres, qui se trouvent dans des cellules voisines de celle d’une femelle, deviennent plus grosses et donnent des ouvrières qui pondent quelquefois des œufs d’où proviennent des mâles. M. Huber a plus fait encore ; il est parvenu à changer des larves de femelles en neutres, des larves de neutres en femelles. Une autre observation l’a d’ailleurs pleinement confirmé. Qu’un accident fasse en effet périr les larves des femelles, que l’on prive une ruche de la mère, et qu’on force les abeilles neutres à y rester, on a reconnu qu’alors celles-ci agrandissent les cellules de deux ou trois larves de mulets, qu’elles leur donnent l’aliment destiné à développer leur sexe, et qu’elles ne tardent pas à en voir sortir des femelles dont une est adoptée pour reine, les autres étant ou vouées à la mort, ou réservées pour être mises à la tête des essaims qui partiront.

Éducation Des Abeilles. Les soins que cette éducation exige, aussi agréables qu’utiles en eux-mêmes, ont le double objet de pourvoir aux besoins, à la conservation des abeilles, et de tirer de leur précieux travail le plus grand parti possible. L’intérêt même des cultivateurs les a ainsi portés à perfectionner les pratiques jusqu’ici usitées, et doit leur faire accueillir celles que l’expérience a fait connoître, comme offrant le plus de simplicité et d’avantages.

Formation d’abreuvoirs artificiels. Le voisinage de l’eau est absolument nécessaire aux abeilles ; le propriétaire qui les cultive et qui manque d’eau risqueroit donc de les perdre, s’il ne leur en fournissoit ; mais il faut encore qu’en leur en procurant il évite de les exposer à se noyer. M. Lombard, membre de la Société d’Agriculture de Paris, conseille un procédé facile à suivre.

On façonne, avec un tonneau, deux baquets d’environ huit à dix pouces de profondeur, qu’on enfonce à fleur de terre près d’un puits, l’un à côté et sous la pente de l’autre. On met dans chaque baquet cinq à six pouces de terre ; on les remplit d’eau pure, et dans chacun on plante trois à quatre brins de cresson de fontaine, avec leurs racines.

Ce cresson couvrira bientôt les baquets ; sa végétation entretiendra l’eau dans sa pureté, et les abeilles iront y boire sans danger pour elles : il faut du reste avoir l’attention de tenir toujours les baquets pleins d’eau pendant l’été. On peut se servir, dans le ménage, du cresson qui y aura été planté ; et, à défaut de cresson, on emploîroit de la mousse qui auroit également l’avantage d’empêcher l’eau des baquets de se corrompre, et d’offrir aux abeilles un point d’appui qui les préserveroit du naufrage.

Manière de nourrir les abeilles. On reconnoît que les abeilles manquent de provisions, lorsqu’en frappant l’intérieur de la ruche avec la main, elles rendent un son foible et peu animé, et lorsqu’en la soulevant on la trouve légère. Il faut alors suppléer à l’insuffisance de leurs magasins ; et, des différens moyens employés ou proposés, le plus salutaire est celui dont nous allons donner la recette, d’après l’expérience qui a constaté son droit de prééminence.

On prend une livre de miel ou de mélasse, trois pintes de vin ou de cidre ; on fait bouillir le tout jusqu’à ce que la liqueur soit un peu épaissie : on en forme ainsi un sirop que l’on conserve dans des bouteilles ou dans des pots couverts, pour s’en servir au besoin.

A-t-on reconnu, d’après les indices que nous avons notés plus haut, la nécessité de fournir aux abeilles un supplément de nourriture, dans ce cas, on met sur le tablier ou plateau de la ruche des rayons, ou naturellement remplis de miel, ou que l’on garnit soit de cette substance, soit du sirop dont nous avons parlé. On peut encore, à défaut de rayons, mettre le miel ou le sirop dans des assiettes qu’on a soin de couvrir de brins de paille ou de papier piqué. Un autre moyen, également bon, consiste à enduire de sirop, à l’aide d’un pinceau ou d’un faisceau de plumes, le bas des rayons de la ruche. Les abeilles ne tardent pas à s’y porter, et elles enlèvent promptement cette petite provision. On continue à la leur administrer tous les jours pendant quelque temps, et l’on évite ainsi le pillage de la part des abeilles étrangères.

Remèdes pour la dyssenterie des abeilles. La dyssenterie des abeilles est occasionnée par une clôture ou par un froid trop prolongé. Le froid seul ne la produiroit pas, puisque les abeilles résistent et même prospèrent dans les forêts du nord de la Russie ; mais elle est le résultat presque inévitable de leur trop long séjour dans les ruches, qui arrête chez elles l’évacuation des matières fécales. Lorsqu’elle se déclare, on la reconnoît à des taches jaunes, larges comme des lentilles, qui paroissent sur le fond et à l’entrée des ruches. Il faut alors enfumer les abeilles à deux ou trois reprises, pour les faire monter en haut de la ruche dont on nettoie bien le tablier ou support ; on leur administre le sirop dont nous avons donné la recette, et de la manière décrite en l’article précédent. Si le papier est gâté par les excrémens des abeilles, on le renouvelle ; deux jours après on les visite, on les enfume de nouveau pour nettoyer la ruche et renouveler le sirop. Il est rare que leur guérison ne soit entière en peu de jours.

Manière de recueillir les essaims. Les difficultés de cette opération sont en raison du lieu où se reposent les essaims. Ainsi, ceux qui vont se placer sur les branches d’un arbre, demandant plus de soins, ont particulièrement fixé l’attention des agriculteurs, et voici deux moyens qui ont été par eux employés avec le plus de succès.

Ier. Moyen. On attache au bout d’une perche assez longue un cercle qui y est fixé à pivot. La destination de ce cercle est de recevoir la ruche qui doit recueillir l’essaim. On place donc la ruche de manière que son ouverture soit en haut. Lorsque l’essaim s’est réfugié sur une branche d’arbre élevée, on lui présente la ruche ouverte, et, au moyen d’une autre perche armée de crochets, on saisit la branche, on l’agite ; l’essaim tombe ainsi dans la ruche qu’on descend doucement, qu’on recouvre aussitôt avec celle où l’on veut loger l’essaim, et l’on enveloppe ensuite ces deux ruches avec un linge, en ayant soin de laisser une issue par laquelle puissent entrer les abeilles qui sont ou tombées ou restées sur l’arbre. Cette dernière opération doit se faire vers le coucher du soleil

IIe. Moyen. On se sert d’une bascule qui consiste dans un cadre de fer, dont le fond est formé de plusieurs fils également de fer qui se croisent, de sorte que la ruche y entre à moitié ; le cadre a un manche d’une longueur indéterminée, mais dont le milieu entre dans une entaille faite au bout d’une perche qui sert de pied à la bascule, et dont la longueur est pareillement indéterminée. Sur ce pied, le manche de la bascule s’élève et joue comme le fléau d’une balance. À son autre extrémité est attachée une corde qu’on lâche pour faire baisser la bascule, et qu’on tire pour la faire monter à volonté. Il faut, s’il est possible, conduire la bascule jusqu’à ce que l’essaim se trouve sous l’ouverture de la ruche ; et quand on l’a fait tomber de la manière ci-dessus décrite, on lâche la corde pour baisser le cadre et la ruche qu’il contient ; puis on tire de côté le pied de la bascule, et l’on renverse la ruche pour la remettre dans sa position naturelle.

À défaut de bascule, on y supplée par un cadre d’osier ou de gros fil de fer, que l’on garnit d’une toile claire et taillée comme un filet de pêcheur. On l’élève au bout d’une perche jusqu’au dessous de l’essaim, que l’on contraint d’y entrer en le balayant et le secouant ; on ferme alors la toile par le moyen d’un nœud coulant, et l’on place enfin l’essaim dans la ruche préparée pour lui servir d’habitation.

Manière d’enfumer les abeilles. Quand on veut toucher à l’intérieur des ruches, il faut enfumer les abeilles, parce qu’au moindre mouvement elles descendent, couvrent les gâteaux, et rendent toute entreprise impossible.

On prend à cet effet un vase de terre ou de fer ; on y met des charbons bien allumés sur lesquels on jette de petits morceaux de linge blanc de lessive, et l’on appuie ce linge sur les charbons, afin qu’ils ne donnent point de flamme, et qu’ils ne produisent que de la fumée ; d’autres personnes emploient des fumerons de bouse de vache desséchée.

Quand la fumée commence à monter, on soulève la ruche pendant une demi minute ; les abeilles se retirent dans le haut, et laissent libre le travail qu’on veut entreprendre.

Cependant, comme la fumée introduite dans la ruche pourroit ne pas tenir les abeilles éloignées pendant tout le temps nécessaire, il faut avoir un rouleau de linge, en forme d’andouille, et bien serré, afin qu’il s’enflamme peu et donne beaucoup de fumée. On le présente allumé aux abeilles lorsqu’elles redescendent, ou bien l’on se sert de fumerons de bouse de vache, qui bientôt les forcent également à remonter.

Ruches. Offrir aux abeilles un logement sain, commode et agréable, faciliter au propriétaire les moyens de profiter, sans danger pour lui, ainsi que pour elles, d’une partie de leurs provisions, tel est le double but que l’on avoit dans la construction des ruches : c’est aussi sous ce double rapport que nous considérerons d’abord les anciennes ruches, et que nous ferons ensuite connoître celles dont l’usage a été nouvellement conseillé et établi.

Ruches faites avec des troncs d’arbres. On n’en connoît point d’autres dans plusieurs départemens où l’on a cru sans doute se rapprocher de la nature, en imitant les abeilles qui, dans les forêts, choisissent pour logemens des arbres creusés par le temps ; mais on n’a fait que rester dans l’enfance de l’art, et ces ruches sont sans doute celles qui présentent le plus d’inconvéniens sans aucun avantage. On ne peut ni les mouvoir, ni les transporter, ni reconnoître dans quel état y est la cire. Les fausses teignes s’y sont-elles mises ? nul moyen d’arrêter leurs ravages. On ne recueille la cire et le miel que par le haut, travail qui se fait péniblement et qui est toujours imparfait, parce qu’on ne peut enlever qu’une partie de la provision. Enfin, les abeilles, une fois établies dans ces ruches, le sont à jamais, et n’essaiment que très-rarement.

Ruches en cloche ou en cône. Plus généralement adoptées que les premières, celles-ci offrent en effet plus d’avantages en ce qu’elles sont portatives, qu’il est facile, en les renversant, de connoître l’état de la cire, de les préserver des fausses teignes, de nourrir les abeilles, de les changer de ruches, et de réunir plusieurs essaims ; mais on leur reproche aussi de graves inconvéniens. Leur forme empêche qu’on ne prenne partie seulement des provisions qu’elles renferment : il faut nécessairement enlever la totalité de la cire et du miel, d’où résulte qu’on est forcé de recourir au transvasement, opération difficile, désagréable, et très-souvent funeste aux abeilles.

Ruches à hausses. Ces ruches, formées de plusieurs hausses faites en paille ou en bois, ayant chacune trois, quatre, cinq ou six pouces de hauteur, un pied de diamètre, et qu’on place les unes au dessus des autres, ont été inventées pour éviter le transvasement, et se ménager la faculté, tant de ne prendre qu’une partie des provisions des abeilles, que de garder les essaims qui se trouvent réunis, en y ajoutant autant de hausses que les circonstances l’exigent. L’expérience y a fait remarquer toutefois des défauts que ne rachètent point les avantages qu’on y avoit trouvés.

On a reconnu que si, en enlevant une hausse, on ne prend qu’une partie de la cire, très-souvent aussi l’on s’empare de toutes les provisions de miel qui existent dans la ruche, et qu’alors les abeilles sont exposées à mourir, si la saison ne leur permet plus de réparer leur perte. La séparation de la hausse supérieure ne peut d’ailleurs se faire qu’à l’aide d’un fil de fer ou d’archal qu’on passe entre le bord inférieur de cette hausse et le bord supérieur de celle sur laquelle elle pose, et qui sert à diviser la continuité des rayons. Il arrive de là que toutes les abeilles qui se rencontrent dans le trajet du fil d’archal sont engluées ou écrasées ; que, s’il y a du couvain, les vers ou les nymphes périssent dans l’opération, et que, si la reine est atteinte au passage, la ruche est perdue.

Ruches à hausses perfectionnées. Le perfectionnement de ces ruches consiste en une planche que l’on cloue sur la partie supérieure de chaque hausse, et qui forme un fond percé dans son milieu d’une ouverture ronde ou carrée de deux ou trois pouces de diamètre. Il peut s’adapter aux anciennes ruches en cloche ou en cône, qu’il suffit de couper à quatre ou six pouces de hauteur. Ces ruches à hausses, ainsi perfectionnées, sont peu coûteuses et ont l’avantage d’offrir aux abeilles comme autant d’appartemens particuliers qu’il y a de hausses, en sorte qu’elles amassent dans chacun d’eux leur provision de cire et de miel, et qu’en séparant une hausse, séparation qui se fait par un simple mouvement en avant ou en arrière, ou de côté, on n’enlève que ce qu’elle contient, sans toucher au magasin qui est dans la ruche au dessous de celle qu’on retire.

Ruches à la Gélieu. Ces ruches, composées de deux boîtes ayant chacune un demi-pied en carré sur un pied de haut, que l’on ferme l’une au côté droit, l’autre à gauche par une planche très-mince, percée d’un trou rond ou carré de trois pouces de diamètre, et assujettie légèrement par quelques clous d’épingles afin de pouvoir l’ôter avec facilité, réunissent à tous les avantages des précédentes, celui de se prêter plus favorablement à la formation des essaims artificiels. Il suffit en effet, lorsqu’on veut recueillir ces essaims, de séparer les boîtes de quelques pouces, et les abeilles abandonnant d’elles-mêmes celle où il n’y a point de reine pour se rendre dans celle qu’elle habite, on s’empare aisément de leurs provisions ; mais on a remarqué que si la reine reste plusieurs années de suite dans le même côté, on ne peut alors le vider, que la cire et le miel y vieillissent, que les fausses teignes s’y mettent, et que le seul remède est de recourir au transvasement.

Ruches à tonneau. Ces ruches, qui ont la forme d’un tonneau posé horizontalement, sont ou en paille ou en osier, ou en terre cuite. On leur donne deux pieds de longueur sur un pied de diamètre. Elles sont fermées d’un côté par un fond fixe et percé d’une ouverture qui sert de porte aux abeilles, de l’autre par un fond mobile qui s’avance plus ou moins dans l’intérieur de la ruche, de manière que l’on en augmente ou l’on en diminue la capacité à volonté.

L’abbé Bienaimé, d’Évreux, et l’abbé della Roca, de Syrie, les ont beaucoup vantées ; mais les éloges qu’ils leur ont donnés sont infirmés par l’expérience qui leur reproche, 1o. d’essaimer très-rarement, 2o. de rendre extrêmement difficile la récolte de la cire et du miel : difficulté qui provient de ce que les abeilles arrivent en foule dès que le premier rayon est détaché, et de ce que la fumée qu’on introduit dans la ruche ne sert qu’à les chasser d’un côté pour les faire revenir de l’autre ; difficulté enfin qui s’accroît encore lorsque les rayons sont posés obliquement ou transversalement, ce qui arrive assez souvent.

Ruches à livrets ou en feuillets, de M. Huber. Cette ruche est composée de douze petits châssis de sapin, ayant un pied en carré et environ quinze lignes d’épaisseur ou de vide, qu’on applique verticalement et parallèlement les uns aux autres comme les feuillets d’un livre. Les deux châssis extérieurs sont formés par deux planches en recouvrement qui figurent la couverture d’un livre. Tous sont retenus et joints ensemble par deux cordes qui les lient fortement. Chacun d’eux est, au bas, muni dans sa partie antérieure et inférieure d’une petite porte qu’on peut ouvrir ou fermer à volonté pour le passage des abeilles. On supplée à la porte au moyen d’une cale qu’on met sous le châssis.

Ces ruches très-minces rendroient toutefois fort pénible le travail des abeilles qui doivent construire dans chaque châssis un rayon perpendiculaire à l’horizon, et qui sont accoutumées à faire des gâteaux parallèles : il faut ainsi marquer d’avance la direction suivant laquelle elles doivent construire le rayon, et poser soi-même le fondement de leur édifice. On dispose à cet effet des morceaux de gâteaux avant de les loger ; on les place de manière que leur plan soit perpendiculaire à l’horizon, et que leurs deux surfaces soient des deux côtés à trois ou quatre pouces des verres de la ruche, afin se pouvoir observer les abeilles. On réussit à maintenir ces portions de gâteaux dans chaque feuillet, en mettant un liteau mobile à une certaine distance d’une des traverses du châssis, et en l’assujettissant avec quatre chevilles qui entrent dans les montans, deux de chaque côté. Au milieu de l’espace qui se trouve entre la traverse et le liteau, on place le morceau de gâteau qu’on fixe au moyen de huit chevilles, dont quatre entrent dans le liteau, deux de chaque côté, et quatre dans la traverse, deux également de chaque côté. Les abeilles ne tardent pas à prolonger le rayon et suivent précisément la direction indiquée, de manière que tous les cadres renferment chacun un rayon parfaitement distinct et isolé de tous les autres.

C’est la réunion de tous les feuillets, par le moyen des charnières, qui forme la ruche à laquelle ils donnent leur nom, et dont l’avantage est de permettre de visiter à tout instant les abeilles, de reconnoître leur état sans les troubler, et de faciliter la formation des essaims artificiels.

Les cultivateurs qui en ont fait usage lui font cependant plusieurs reproches.

La récolte en est difficile. A-t-on ouvert un cadre ? les abeilles affluent au point, que, malgré la fumée, on ne peut les éloigner. Souvent les rayons sont soudés les uns aux autres : on en trouve de courbés ou dans une situation oblique, ce qui force à faire des déchirures, et le miel se perd et englue les abeilles.

Ces inconvéniens peuvent toutefois provenir en partie de ce que l’on ne s’est point encore bien familiarisé avec ces ruches qui, si elles ne conviennent pas aux cultivateurs en général, sont infiniment commodes pour les amateurs et les curieux, en ce qu’elles permettent d’observer, de suivre les travaux des abeilles, et d’étudier leurs mœurs.

Ruche de M. Éloi. Cette ruche, quia été citée avec éloge dans le Dictionnaire d’Agriculture faisant partie de l’Encyclopédie Méthodique, est faite en paille et à hausses ; chaque hausse, excepté l’inférieure, a un fond de planches de chêne ou de sapin, qu’on perce de cinq trous d’environ cinq pouces de diamètre, à des distances égales, et de vingt-quatre petite autres trous d’un demi-pouce de diamètre. On pose ce fond sur chaque hausse, qu’il déborde de quelques lignes, et on le fixe à la paille avec un fil de fer. La ruche entière se forme de cinq, six, et quelquefois sept hausses de trois à quatre pouces de hauteur, et elle est surmontée d’un fond plein et sans trous sur lequel on place une pierre.

Mais ce qui la distingue particulièrement, c’est la forme de son plateau ou tablier. Il est en bois, rond, d’environ seize pouces de diamètre, et de deux pouces d’épaisseur sur les bords. On creuse la surface sur laquelle doit poser la ruche, de manière à lui donner une forme concave qui se termine en pente douce à une ouverture carrée de six à sept pouces. Ainsi, tout ce qui tombe de la ruche, abeilles mortes, morceaux de gâteaux, insectes, tout est entraîné en bas, et peut être jeté dehors quand on tire le guichet qui clôt l’ouverture.

Ce guichet consiste en un cadre auquel est attachée une plaque de fer-blanc battu et percé de petits trous, à peu près comme une râpe. Il entre à l’aise dans une feuillure, et s’assujettit par deux tourniquets de bois, qui tiennent au plateau au-delà de la feuillure. Le guichet étant ainsi mobile à volonté, on l’ouvre pour nettoyer la ruche, examiner son état, et donner de la nourriture aux abeilles. Est-il fermé ? il est tellement adhérent que tout passage est interdit aux souris et aux autres animaux nuisibles.

Le plateau est terminé en devant par un rebord en forme de bec, qui fait partie des planches dont il se compose. Ce rebord doit avoir trois à quatre pouces de longueur, et former dans son milieu une rigole propre à l’écoulement de l’eau, et à servir aux abeilles de sentier pour arriver à la ruche ; cette rigole est en effet la continuation et le supplément de la porte d’entrée, qu’à l’aide d’une coulisse on bouche à volonté. Dans toute la circonférence du plateau, à deux pouces de distance du bord, on pratique une élévation d’environ six à sept lignes de largeur, et de là partent deux glacis : 1°. l’un intérieur, qui va aboutir à la plaque de fer dont nous avons parlé ; 2°. l’autre extérieur, qui descend jusqu’au bord du plateau. Le premier sert au nettoiement de la ruche : la destination du second est de procurer l’écoulement de l’eau de la pluie et de la neige.

Ce plateau ou tablier contribue donc, par sa forme heureuse, et sa construction bien entendue, à la propreté de la ruche, ainsi qu’à sa salubrité, et, sous ce rapport, mérite d’être accueilli par les agriculteurs.

Ruche à ruchette. On a donné ce nom à une espèce de ruche à hausses qui figure une ruchette ou petite ruche. Elle se rapproche de celle de M. Lombard, dont nous donnerons ci-après la description ; ses avantages sont d’être simple, peu coûteuse, et commode pour la récolte.

Elle est faite avec des cordons de paille, ayant pour base un cercle de bois qui règle son diamètre. Le haut est terminé par un couvercle, aussi de paille, que l’on a percé de manière à recevoir une petite ruche de même matière, mais moins haute, et d’un moindre diamètre. Cette ruchette a un couvercle de paille plein qu’on ôte à volonté, et lorsque le moment est arrivé de recueillir la cire et le miel ; elle s’enlève pour être remplacée par une autre ruchette vide.

Ruche coupée. M. Serain, qui en est l’auteur, a voulu, par une disposition particulière, perfectionner les ruches à hausses et celles dites à la Gélieu, et cette disposition consiste à poser les hausses ou boîtes, non au dessus, mais derrière les unes des autres. Cette ruche est ainsi composée de plusieurs boîtes d’un pied en carré dont le dessus est couvert d’une planche, et qui, devant et derrière, sont percées d’une ouverture ronde ou carrée de deux ou trois pouces de diamètre, de manière que toutes les boîtes réunies offrent entr’elles une communication, et que chacune constitue une ruche à part.

L’auteur avoit entrevu, dans cette disposition nouvelle, l’avantage de rendre la récolte plus facile, ainsi que la formation des essaims artificiels, et l’expérience qu’il en a faite a répondu à son attente.

Ruche de M. Chabouillé. Jusqu’ici peu connue, cette ruche nous a paru cependant digne de l’être, à raison tant de la simplicité de sa construction, que de l’utilité dont elle peut être pour les cultivateurs qui emploient de préférence aux autres les ruches à hausses.

Celle-ci est également à hausses, et se fait en paille ; en voici la figure et la description :

Planche I, Figure 1. La ruche vue en dedans, posée sur son plateau.

Fig. 2. La ruche vue en dehors.

Fig. 3. La ruche revêtue de son surtout de paille.

Fig. 4. Moule de bois qui sert à la fabrication de la ruche.

Fig. 5. Alène propre à percer la paille pour y introduire le lien d’osier.

Fig. 6. Filière dont l’usage est de déterminer la grosseur des liens de paille.

Fig. 7. Ruche qu’une personne lève en l’air, pendant que deux autres placent une hausse pour l’empêcher de jeter.

Fig. 8. Ruche dans laquelle on vient de recevoir un essaim.

Fig. 9. Ruche que l’on vient de couper, et sur laquelle on va mettre un nouveau couvercle.

Fig. 10. Hausse de la ruche coupée, qu’on a posée sur une terrine destinée à recevoir le miel.

Fig. 11. Nouveau couvercle de ruche que l’on va poser sur la ruche qui vient d’être coupée.

Fig. 12. Couteau qui a servi à couper la ruche.

Fig. 13. Petite planche percée de plusieurs trous qui servent d’entrée aux abeilles, et qu’on enlève lorsqu’on veut couper une ruche, pour la remplacer par une planche pleine qu’on laisse durant tout le temps de l’opération.

Fig. 14. Plan et coupe de la matrice ou moule de la ruche et du plateau.

Fig. 15. Couvercle de ruche vu de face.

Fig. 16. Gâteaux qu’on a récoltés, posés sur de petites claies que supportent deux billots de bois, avec une terrine qui reçoit le miel.

Cette ruche, dont la composition est peu compliquée, et dont la forme est également commode et pour les abeilles et pour le cultivateur, reproduit cependant un inconvénient ; c’est que, pour la couper, il faut se servir d’un couteau. Or, cette méthode est, ainsi que celle qui consiste à passer un fil de fer entre deux hausses, périlleuse et nuisible. En effet, des portions de gâteaux coupés se détachent, tombent dans la ruche et engluent les abeilles : on risque d’écraser le couvain. Malheur aux abeilles qui se trouvent dans la direction du couteau ou du fil de fer ! et si par hasard la reine s’y rencontre, tout est perdu.

Ces dangers sont communs, comme nous l’avons fait remarquer, aux ruches à hausses ; la ruche de M. Lombard, dont il nous reste à parler, les prévient, y obvie, et présente une réunion d’avantages qui l’a fait regarder comme le meilleur modèle à suivre.

Ruche villageoise de M. Lombard. Laissons M. Lombard tracer lui-même dans ses détails les motifs qui ont déterminé le choix des matériaux de la ruche dont il est auteur, décrire la forme et l’usage de toutes ses parties, et développer les avantages que l’on en peut retirer.

L’osier ne lui a pas paru offrir aux abeilles un abri suffisant contre les ardeurs de l’été et les froidures des hivers, et les ruches qui en sont formées sont facilement réduites en poussière, par la piqûre d’un ver nommé artison. Les ruches faites en planches sont coûteuses, difficiles à construire, elles se déjettent au soleil, se déforment par l’humidité ; elles s’échauffent et refroidissent trop promptement. Il faut, pour construire les unes et les autres, des ouvriers intelligens, et l’homme habitué seulement aux travaux rustiques, ne sauroit former un logement commode pour les abeilles. Sachant qu’à la campagne la première richesse est dans une économie sévère, il a cherché un genre de construction qui pût être exécuté par les cultivateurs eux-mêmes, pendant les longues soirées des hivers, ou dans ces instans où des froidures ou des pluies continuelles leur interdisent les travaux agricoles. Il a trouvé dans la paille la matière la plus commune, la moins coûteuse, la plus facile à manier, et dans ses tissus, un abri suffisant contre toutes les intempéries des saisons.

« Après avoir examiné, comparé et pratiqué différentes ruches, je suis convaincu, dit M. Lombard, que la ruche que je propose, et que j’ai nommée ruche villageoise, mérite la préférence ; en voici la description :

» La ruche villageoise est en deux parties : le corps de la ruche A, et le couvercle B. (Pl. II, fig. 1 et 2) Le corps de la ruche a quinze pouces d’élévation, composés de dix-sept à dix-neuf rouleaux de paille de neuf à dix lignes de grosseur chacun, tournés en forme de vis ou spirale, liés de pouce en pouce par un lien plat, inclinés du haut en bas de gauche à droite, ou de droite à gauche, suivant la main de l’ouvrier.

» Le diamètre intérieur de la ruche ou dans œuvre est d’un pied ; le diamètre, l’épaisseur des rouleaux comprise, est d’environ quatorze pouces.

» Le haut de la ruche, à fleur ou au niveau du dernier rouleau, est fermé par un plancher CC, fait avec des rouleaux de paille de cinq à six lignes de grosseur, liés circulairement, au milieu duquel on laisse une ouverture d’environ un pouce de diamètre.

» Sur les bords circulaires du plancher il y a dix fentes, dont cinq de trois à quatre pouces de longueur, sur cinq à six lignes d’ouverture, et cinq autres moins grandes.

» Sous le plancher, traverse une baguette plate de quatre lignes d’épaisseur sur huit lignes de largeur, saillante de dix-huit lignes. (Voyez DD.) Elle sert, d’un côté, à soulever la ruche avec les deux mains, et, de l’autre, donne la facilité d’attacher le couvercle sur la ruche, ce couvercle ayant également une baguette en saillie, qui correspond à celle de la ruche, comme on le voit dans la figure.

» Au bas de la ruche, sont deux ouvertures opposées, d’environ deux pouces de longueur chacune, sur six lignes de hauteur, dont une apparente ; l’autre est ordinairement fermée, et ne sert que lorsqu’on retourne la ruche, comme nous le dirons.

» On voit le plancher détaché et vu de face. (Pl. II, fig. 3.)

» Les trois premiers rouleaux du couvercle B, faisant environ trois pouces, sont du même diamètre que celui de la ruche, le quatrième rouleau rentrant insensiblement, ainsi que les suivans, de manière qu’il est bombé dans son élévation, qui est d’environ cinq pouces. Au sommet, on laisse une ouverture de quinze à dix-huit lignes de diamètre, pour y placer le manche E, d’un pied de longueur, diminuant insensiblement dans sa hauteur apparente, qui n’est que de dix pouces. Le surplus se trouve engagé dans le couvercle, par deux baguettes croisées, comme on le voit fig. 4. Comme on s’est appercu qu’une de ces ruches avoit été mouillée intérieurement par l’eau de la pluie, qui avoit suivi la pente du manche E, on a remédié à cet inconvénient, en faisant un peu moins grosse la partie du manche qui entre dans le couvercle ; cela opère un petit recouvrement de quelques lignes qui pose sur le sommet du couvercle, et empêche la pluie d’y pénétrer.

» La base du couvercle, à la distance d’environ huit lignes des bords, est traversée par une baguette moins forte que celle de la ruche, et saillante des deux côtés d’environ un pouce (FF.) On en a indiqué l’usage plus haut

» On met dans l’intérieur de la ruche deux ou trois baguettes ; on les place à environ trois pouces l’une au dessus de l’autre, et on les croise pour soutenir les rayons de cire et de miel. Il faut qu’elles soient saillantes de quelques lignes d’un bout, afin de pouvoir les retirer avec des tenailles lorsqu’il s’agira de dépouiller la ruche.

» Outre les ruches de quinte pouces de haut, destinées pour les premiers et les gros essaims, il en faut du même diamètre, mais d’un pied d’élévation, pour les essaims foibles, ou qui ne viennent qu’après le 10 ou le 15 juin.

» Du tablier de la ruche. On nomme tablier, la planche, la pierre ou le plâtre coulé sur lequel pose la ruche, fig. 5, G ; comme la pierre ou le plâtre sont trop chauds en été, et trop froids en hiver, on doit préférer le bois. Le meilleur tablier est un morceau de planche de chêne de deux pouces d’épaisseur, coupé en octogone, de dix-huit pouces de longueur sur quinze pouces de largeur. S’il est d’une seule pièce, il sera moins sujet à travailler ; s’il est en deux parties, il faudra qu’elles soient bien jointes, au moyen d’une bonne rainure et de deux forts clous. De chaque côté du tablier, et dans son épaisseur, on met, si l’on veut, des tire-fonds à vis, fig. 2, HH. Pour plus de solidité contre les vents, on clouera les tabliers sur leurs pieux.

» Des pieux ou supports du tablier. Les pieux ou supports sur lesquels pose le tablier, sont nécessaires pour l’hiver, afin de garantir les ruches de l’humidité et de la fraîcheur de la terre ; ils doivent être d’environ deux pieds et demi de longueur, et de trois pouces en carré. Ils seront enfoncés en terre de dix-huit pouces, afin que la ruche soit à un pied d’élévation. Les pieux seront mis en triangle, comme ils sont tracés sur la fig. 5, de manière que le tablier puisse déborder de tous les côtés de trois à quatre pouces, afin que les souris et mulots, qui ne peuvent marcher renversés, ne puissent monter sur le tablier pendant l’hiver, temps où les abeilles, sans vigueur ou engourdies, ne pourroient se défendre, si ces animaux s’introduisaient dans la ruche.

» Sur cette fig. 5, on a tracé l’endroit où doit être placée la ruche.

» Du pourget ou enduit. Avec une spatule de bois, on mêle deux parties de bouse de vache avec une de cendre de lessive ou autre ; pour bien faire ce mélange, on y ajoute un peu d’eau ordinaire, ou mieux, de l’eau de chaux si on en a.

» On nomme cet enduit pourget ; on s’en sert pour enduire extérieurement et bien uniment les ruches et leurs couvercles, afin de les préserver des injures du temps ; on s’en sert aussi pour luter les ruches sur les tabliers, et les couvercles sur les ruches.

» Avantages de la ruche villageoise. La ruche villageoise est avantageuse du côté de la matière avec laquelle elle est faite, en ce que cette matière est commune, la moins coûteuse, la plus facile à manier, la moins sujette aux impressions de l’air. Il y a cependant une grande différence dans le prix de la main-d’œuvre ; un vannier fera six ruches en osier dans sa journée, tandis qu’un homme ne fera qu’une ruche en paille avec son couvercle ; mais une ruche en paille durera six fois plus de temps que la ruche des vanniers ; d’ailleurs le villageois ne pourroit faire la ruche du vannier, tandis que, pendant les soirées d’hiver, il fera lui-même celle en paille.

» L’épaisseur de la ruche, qui est de neuf à dix lignes, maintient la température la plus uniforme dans l’intérieur de la ruche, et met les abeilles le plus constamment à l’abri des grandes chaleurs et des froids du printemps, qui ont tant d’influence sur la prospérité des essaims. Cela est si vrai, qu’en 1802, le froid du mois de mai, qui a été si fatal aux essaims, a eu moins de prise sur les ruches en paille. Quarante ruches en paille nous ont donné quatorze essaims, tandis qu’une famille, à quinze lieues de Paris, qui a trois cents ruches en osier, n’a eu que dix essaims : la différence est énorme.

» Elle est avantageuse du côté de son diamètre resserré, en ce qu’elle met le couvain, germe précieux de la multiplication des abeilles, et les gâteaux qui le couvrent, à l’abri de l’ignorance et de l’avidité, la hauteur de la ruche ne permettant pas de l’atteindre par le bas, puisqu’il en est éloigné, ni de le toucher par le haut, puisqu’il est couvert par le plancher.

» Ce plancher est avantageux, en ce qu’il donne des points de suspension pour les gâteaux inférieurs qui contiennent le couvain, suspension qui ne peut être altérée par l’enlèvement des couvercles.

» Au moyen du plancher, les gâteaux des couvercles font très-rarement partie de ceux de dessous le plancher, de manière qu’on enlève les couvercles sans efforts, sans rien déranger ni rompre, sans faire périr une seule abeille, quoiqu’il y en ait quelquefois un grand nombre entre les rayons qu’elles quittent d’elles-mêmes pour aller joindre leur reine. Cet enlèvement est si facile, qu’avec de la douceur et du silence, on peut le faire à visage découvert, et les mains nues, sans être piqué ; la colère des abeilles n’ayant plus lieu, dès l’instant qu’elles sont séparées de leur reine et du couvain, qui sont pour ainsi dire étrangers à ces couvercles. Et, comme en les enlevant on n’a rien, ou presque rien brisé, si on ne trouve pas les couvercles suffisamment pleins, ou si on n’a eu l’intention que de prendre un ou plusieurs rayons, on choisit, et on replace les couvercles sur les ruches, pour les enlever plus tard, ou reprendre encore des rayons à sa volonté.

» L’emplacement des fentes dans le plancher n’est pas une chose indifférente ; il faut les pratiquer sur les bords circulaires, près des parois de la ruche, par plusieurs raisons.

» La première c’est que le couvain, étant toujours placé dans un centre, la reine est naturellement détournée d’aller chercher ces passages éloignés, pour placer du couvain dans les couvercles. Il est cependant une circonstance où la reine place du couvain dans le couvercle ; c’est lorsque, prenant son essor, elle est tellement pressée de pondre, qu’elle place ses premiers cents dans les alvéoles qui se commencent toujours dans la partie la plus élevée de la ruche, qui est le couvercle ; mais cela n’a lieu que momentanément ; car, aussitôt que les gâteaux se construisent sous le plancher, le couvain y est placé ; et, à mesure que celui du couvercle prend son vol, les alvéoles sont nettoyés par les abeilles ouvrières et remplis de miel, ce que l’on reconnoît en enlevant les couvercles. Dans ceux où il y a eu du couvain, les gâteaux sont ternes, tandis que les autres sont d’un jaune clair, tirant sur le blanc.

» La seconde raison c’est que, si on pratiquoit des fentes au centre, elles se trouveroient au dessus du couvain, qui ne peut être trop à l’abri, et qui cependant seroit éventé, lorsque l’on mettroit un couvercle vide à la place du couvercle plein. La troisième, c’est afin que les abeilles ouvrières passent à leur volonté, sans obstacles ni retards, du dessous du plancher dans le couvercle, et qu’elles ne soient point obligées de percer la foule des abeilles qui se trouvent toujours près du couvain. Ce mouvement, d’ailleurs, tourmenteroit le couvain par les allées et venues continuelles des abeilles qui montent sur le plancher et qui en descendent.

» C’est afin que la reine, qui est presque toujours au centre, ne se trouve pas dans le couvercle, lorsqu’on l’enlèvera.

» Lors des grands dégels, les parois intérieures des couvercles et des ruches, imprégnées des vapeurs qui s’exhalent du grand peuple qui les habite, l’eau en découle depuis le haut et dans toute la circonférence ; le centre seulement se conserve sec par le groupe des abeilles, qui, avec le plancher, couvre entièrement le couvain. Il faut donc que les fentes soient pratiquées près de ces parois, afin que les eaux du couvercle descendent sans obstacle ; autrement, en séjournant sur le plancher, elles y causeroient de la moisissure ; ou bien l’eau, s’échappant à travers les fentes qui seroient pratiquées près du centre, inonderoit le couvain et les abeilles qui se trouveroient le long de sa chute.

» Elle donne bien de la facilité pour recueillir les essaims, en ce qu’on les reçoit dans le couvercle seulement.

» La ruche villageoise est avantageuse enfin, parce que, n’étant point sujette à se rompre ni à se déformer, elle peut se transporter, sans danger pour les abeilles.

» Moyens d’obtenir l’uniformité entre les ruches villageoises et leurs couvercles. Déjà nous avons fait sentir suffisamment la nécessité de cette uniformité, pour les soins que nous devons donner aux abeilles ; nous ajoutons que de cette uniformité il résultera bientôt un langage commun, une communication facile et naturelle entre les propriétaires d’abeilles ; et de là des observations plus précises, des préceptes plus rapprochés et plus sûrs, pour l’éducation et la conservation de ces précieux insectes.

» Un métier simple est nécessaire pour former les tissus de paille ; on pourra facilement l’exécuter d’après sa description.

 » On prend un morceau de planche de bois de noyer, d’environ deux pouces d’épaisseur, et de quatorze pouces de diamètre ; on l’arrondit sur le tour, et on le réduit à treize pouces huit lignes. (Pl. II. fig. 6.) On creuse la planche d’un pouce, en laissant au pourtour un bord de dix lignes, ce qui donne un diamètre d’un pied d’un bord à l’autre.

» On évide le bord à sa surface, de manière que dans le milieu, il y ait environ une ligne et demie de profondeur. On fait un quart de cercle en dedans et en dehors du bord. (Voy. le profil, fig. 7.) Au défaut du quart de cercle, on marque quarante-deux espaces, qui donneront entr’eux un pouce fort. À chaque espace marqué, on fait, avec, une vrille fine, un trou en biais de gauche à droite ; et comme le lien que l’on emploie pour faire le premier tour sur ce métier, est plat, on fait passer dans chaque trou, un petit fer rouge plat, de deux lignes de largeur ; alors le métier guide pour commencer les ruches.

» Manière de faire la ruche villageoise. La ruche villageoise doit se faire plutôt avec de la paille de seigle qu’avec celle de blé, parce qu’elle est plus longue, moins grosse et plus flexible. Les rouleaux de paille qui forment la ruche, doivent être de neuf à dix lignes de grosseur. Pour lier ces rouleaux, et les assujettir en les montant en vis ou spirale les uns au dessus des autres, on se sert d’écorces de ronces, ou de noisetiers, ou de tilleuls, ou d’osier fendu, tel que celui qu’emploient les tonneliers, avec l’attention d’en enlever préalablement la moelle. L’osier craquant ne vaut rien pour faire les ruches.

» Dans des gerbes de paille de seigle, on en choisit qui soit saine ; on prend à deux mains une poignée de cette paille du côté du gros bout, on la bat sur la rondeur d’un tonneau mis sur le côté ; alors, les grains des plus grands épis sortent sans que la paille soit brisée ; on prend cette paille sous les plus grands épis, on la secoue pour faire tomber la plus courte, qui est réservée pour être battue au fléau ; il ne reste dans les mains que la grande paille que l’on emploie.

» Quand on veut faire une ruche, on met tremper l’osier ou les autres liens la veille, afin de les rendre flexibles ; on prend la paille dont on retranche les épis avec une serpe, on la bat avec un morceau de bois rond, afin de la rendre souple sans la briser ; et on la passe entre les dents d’un râteau, ou dans un peigne fait avec des dents de fer, (pl. II, fig. 8) en la tenant du côté des épis pour la démêler et en enlever les fanes.

 » On commence la ruche sur le bord du métier, en liant peu de paille d’abord, et en l’augmentant successivement jusqu’à la septième ou huitième maille, qui doit être de la grosseur du rouleau. Le lien doit s’insinuer dans les trous du côté intérieur du métier, de manière qu’en lui faisant faire le cercle pour l’insinuer dans le trou suivant, l’écorce du lien se trouve extérieurement à la partie supérieure de la maille, ce qui permet de le tirer fortement à soi. (Fig. 9)

» En commençant le second tour, qui se monte en spirale sur le premier, on insinue un poinçon dans la paille du premier tour, de manière que le fer du poinçon fait X avec les liens des premières mailles, et par ce moyen les mailles des rouleaux supérieurs et inférieurs se croisent et se lient fortement en X ; ou bien on prend un osier, on en ôte la moelle, on le rend souple en le rétrécissant, s’il est trop large, en coupant les nœuds, en taillant le plus gros bout un peu en pointe.

» Avec le poinçon, on perce le rouleau inférieur au quart de son épaisseur ; ou prend le brin d’osier à plat, on l’insinue intérieurement dans le rouleau, à côté de la lame du poinçon ; l’osier ainsi placé, on le tire à soi dans sa longueur, à douze à quinze lignes près, on l’engage et le cache entre les deux rouleaux. On passe le poinçon dans la maille suivante ; et faisant faire le cercle au brin d’osier, on insinue sa pointe dans le rouleau et on le tire extérieurement, de manière que la maille se trouve liée, ayant l’écorce de l’osier en dessus, et puis on fait de même la maille suivante.

» Il faut à chaque maille insinuer le poinçon en droite ligne ; si on le faisoit en plongeant ou en élevant la pointe, on ne conserveroit pas le diamètre uniforme que doit avoir la ruche ; on doit espacer bien également ses mailles.

» On couche entre les rouleaux de paille les extrémités des liens que l’on emploie ; et chaque fois que l’on voit que le rouleau diminue de grosseur, on écarte un peu la paille liée pour y en insinuer douze ou quinze brins. Celui qui fera la ruche aura sous sa main un petit bâton de la longueur du diamètre intérieur de la ruche, pour mesurer à chaque tour, afin de se maintenir dans le diamètre convenu.

» Quand on est au quatrième ou cinquième tour, on coupe les liens qui unissent la ruche au métier ; on ôte un à un tous les liens coupés, de manière que la ruche commencée se trouve entièrement séparée du métier ; alors on rattache ce premier tour en le liant avec le second, et mettant dessus le rouleau quelques brins de paille pour le rendre uni ; on retourne la ruche, et on la continue jusqu’à ce que l’on soit arrivé à douze ou quinze pouces de hauteur ; au dernier tour on fait les deux entrées opposées, on diminue la paille en approchant de la fin, et on arrive en mourant à une hauteur uniforme.

» On se souviendra que le rouleau de paille par lequel on a commencé la ruche sur le métier est toujours le haut, où se fait le plancher.

» Manière de faire le plancher. Quoique l’expérience m’ait démontré les avantages d’un plancher fait en bois, voici la manière de le faire en tissu de paille.

» Je distingue, le rouleau du plancher, les mailles de la ruche, le petit rouleau.

» Le rouleau supérieur du corps de la ruche, se nomme le rouleau du plancher, parce que c’est sur l’intérieur de ce rouleau que le plancher doit être adhérent par cinq doubles attaches.

» On nomme mailles de la ruche, les liens qui assujettissent le contour du rouleau du plancher ; ces mailles sont au nombre de quarante-deux.

» Comme c’est aussi avec un rouleau de paille que ce plancher se fait, et que ce rouleau est moins gros que celui de la ruche, on l’appelle le petit rouleau.

» Cela posé, voici comment il faut placer et faire le plancher :

» On réunit de la paille pour former le petit rouleau de la grosseur du doigt, on coupe en sifflet l’extrémité de cette paille réunie. Avec le lien pareil à celui qui a formé les mailles de la ruche, on fixe cette extrémité du petit rouleau contre une maille à fleur ou au niveau intérieur du rouleau du plancher ; à un pouce de distance, on passe une seconde fois le lien contre une autre maille, de manière que cette première double attache est prise, et fait corps avec deux mailles du rouleau du plancher et les couvre intérieurement.

» Le commencement du petit rouleau ainsi fixé, on continue en tournant seulement le lien autour de ce petit rouleau pour l’affermir dans une longueur d’environ cinq pouces, et on le fixe une seconde fois contre les dixième et onzième mailles du rouleau du plancher, en partant de celle par où l’on a commencé, de manière qu’entre les deux premières doubles attaches du petit rouleau, contre celui du plancher, il se trouve une première fente d’environ cinq pouces de long, que l’on maintient à quatre à cinq lignes de largeur dans le milieu, en mettant la deuxième attache.

» On insinue de la paille dans le petit rouleau, quand cela est nécessaire pour le conserver dans une grosseur uniforme ; on l’affermit avec le lien dans une longueur d’environ six pouces, et on le fixe contre les dix-huit et dix-neuvième mailles du rouleau du plancher ; cela forme la seconde fente.

» On continue le petit rouleau que l’on fixe aux vingt-sept et vingt-huitième mailles du rouleau du plancher, ce qui fait la troisième fente.

» On maintient le petit rouleau que l’on fixe contre les trente-quatrième et trente-cinquième mailles du rouleau du plancher, ce qui fait la quatrième fente ; enfin, le petit rouleau continué s’attache près du point où il a été commencé ; ce qui forme les cinq fentes désignées devoir être contre les parois du corps de la ruche. (Voy. pl. II, fig. 3.)

» Le premier tour fait, on continue le petit rouleau pour faire le second tour en le liant avec les mailles du premier, et laissant cinq autres petites ouvertures de forme triangulaire, vis-à-vis des cinq premiers points d’attache au rouleau du plancher ; par ce moyen le petit rouleau, devenu circulaire, se continue circulairement jusqu’à ce que dans le milieu il n’y ait plus qu’une ouverture d’environ un pouce de diamètre. (Voy. pl. II, fig. 3.)

» Passons à la fabrication des couvercles.

» On commence le couvercle sur le métier, comme on a commencé la ruche ; on fait trois tours uniformes ; plongeant ensuite un peu son poinçon, on rentre en commençant le quatrième d’environ quatre lignes ; en suivant cette direction, le couvercle, dont les rouleaux, pour être maniables, diminuent de grosseur au septième ou huitième tour, se trouve bombé, donnant une profondeur de quatre à cinq pouces. En finissant au douzième tour environ, on laisse une ouverture de douze à quinze lignes de diamètre, pour placer la poignée E. (Fig. 4, pl. II.) À cette poignée on fait une marque ineffaçable, pour en connoître le devant, afin de pouvoir remettre le couvercle comme il étoit, si, lorsqu’on aura voulu l’enlever, on ne le trouve pas suffisamment plein.

» On place les baguettes dans la ruche et dans le couvercle, et on enduit l’une et l’autre de pourget.

» Comme les couvercles sont d’un plus fréquent usage que le corps des ruches, il faut avoir le double des couvercles, c’est-à-dire que, si on a vingt ruches, il faut avoir quarante couvercles. Pour compléter les ruches enduites de pourget, lorsqu’elles seront en place, il faut les affubler avec le surtout K.

» On prend successivement cinq à six poignées de paille de seigle, dont on remonte les épis au dessus de la main. On bat chaque poignée au dessous des épis, dans la longueur, de six à huit pouces ; on lie fortement les poignées ensemble au dessous des épis, avec un fil de fer d’une ligne de grosseur, que l’on tord, d’un côté, en en joignant les deux bouts, que l’on tord encore de l’autre avec le manche de la tenaille, comme on fait d’une corde que l’on tord avec un bâton. Au milieu de cette paille liée, on insinue une espèce d’étui à tête, (pl. II, fig. 11) creusé de cinq à six pouces, suivant que l’exigent les pointes des couvercles. On met un second fil de fer, de manière que la tête de l’étui se trouvant engagée entre les deux liens, la paille puisse glisser. On retranche la moitié de la longueur des épis ; on coupe l’autre extrémité de la paille à environ deux pieds et demi, à partir du second lien ; on ouvre le surtout, et on le fixe sur la pointe des couvercles, au moyen de l’étui dans lequel cette pointe entre de la longueur de cinq pouces. On tient la paille assujettie dans le pourtour du surtout avec deux cerceaux attachés l’un sur l’autre ; puis on coiffe le surtout avec. un pot de jardin, dont on bouche les trous, (voy. pl. II, fig. 10) ou avec un pot en forme de bonnet et sans trous. Ces surtouts résistent aux plus grands vents, sont impénétrables par la pluie, et durent quatre fois plus que les premiers, dont la paille se mêle et se brise chaque fois qu’on est obligé de les ôter et de les remettre sur les couvercles. »

Comment transvaser les ruches villageoises. Le procédé généralement suivi pour le transvasement consiste à aboucher une ruche vide sur une pleine, et, par le bruit et la fumée, à faire passer les abeilles de la ruche pleine dans la vide ; mais il est toujours pénible et souvent infructueux.

Les ruches villageoises offrent un moyen plus simple.

Lorsqu’on veut transvaser une ruche pleine dans une ruche vide, on enlève le couvercle de la première, on bouche les ouvertures du plancher avec une planche de même diamètre qui doit y être lutée de manière que les abeilles ne puissent passer ; on met sur la ruche un couvercle vide, afin de replacer le surtout comme de coutume ; on enlève ensuite la ruche pleine de dessus son support, on met à sa place une ruche vide sans couvercle, sur laquelle on pose et lute la ruche pleine dont on bouche l’entrée.

Les abeilles n’ayant plus d’issue que par la ruche nouvelle, s’y habituent aussitôt. Resserrées par le plancher de l’ancienne, dont les ouvertures sont fermées ; pressées par l’accroissement de population résultant de la naissance du couvain, et poussées au travail par leur instinct naturel, elles ne demandent qu’à quitter leur première habitation, devenue pour elles trop incommode et trop étroite, et elles s’établissent dans la nouvelle ruche dès que leur reine s’y est installée.

On laisse les deux ruches dans cet état pendant trois mois environ, afin que les édifices se construisent dans la nouvelle, et que le couvain de l’ancienne ait le temps de se développer et de prendre son essor.

De la taille des ruches villageoises. On commence par sonder les couvercles en frappant avec le doigt plié ; on laisse ceux qui rendent un son creux ; on marque ceux que l’on juge pleins.

On détache la ficelle qui unit les couvercles aux ruches, on ôte l’enduit avec la pointe d’un couteau, et comme, de leur côté, les abeilles ont luté avec la propolis la fente qui se trouve en dedans entre le couvercle et la ruche, on se tient derrière la ruche, on tire à soi le manche du couvercle avec la force seulement nécessaire pour le décoller. S’il arrive que les gâteaux du couvercle tiennent au plancher de la ruche par quelques soudures en cire, ce que l’on reconnoît à la résistance que fait le couvercle, alors il faut passer un fil de laiton entre la ruche et le couvercle pour couper les soudures qui sont peu nombreuses, et qu’une simple secousse suffit souvent pour rompre. Cette opération faite, on laisse les couvercles, pour donner aux abeilles le temps de se calmer.

Sur les dix à onze heures du matin, par un beau temps, et lorsqu’un grand nombre d’abeilles sont sorties, on frappe légèrement avec une baguette deux ou trois petits coups sur le corps de la ruche, pour y attirer la reine, qui ne manque pas de se rendre aussitôt à l’endroit où elle entend du bruit. Un instant après on enlève d’une main le couvercle plein, sans s’inquiéter des abeilles qui y seroient encore, et de l’autre main on le remplace par un couvercle vide. On emporte le couvercle plein dans un endroit peu éclairé, et dans lequel on a ménagé un passage qui facilite la sortie des abeilles. En moins d’une heure on est débarrassé des abeilles qui quittent le couvercle pour aller rejoindre leur reine. S’il en est qui l’abandonnent avec peine, et qui sortent d’entre les rayons pour se réunir sur lui, alors, avec une plume, on les fait tomber dans un vase, et on les porte auprès de leur ruche, où elles entrent aussitôt.

Quand les couvercles sont ainsi devenus libres, on les retire pour les mettre dans un lieu qu’on a soin de fermer, afin que les abeilles ne puissent s’y introduire.

Les nouveaux couvercles qui remplacent ceux-ci doivent ensuite être lutes avec le pourget, et les abeilles ne tardent pas à s’y porter pour travailler.

On voit ainsi que les ruches villageoises ont sur-tout cet avantage précieux, qu’avec elles on est sûr de recueillir le meilleur miel, et de ne pas endommager le couvain qui, toujours placé au centre, se trouve conséquemment dans le corps de la ruche.

Cire Et Miel. Cire : son origine. On avoit, jusqu’à présent, regardé la poussière que les abeilles recueillent sur le sommet des étamines des fleurs, comme la matière première de la cire, ou même comme une sorte de cire brute, à laquelle manquoit seulement cette viscosité qui constitue la véritable cire, et l’on avoit cru qu’elle acquéroit cette viscosité par l’élaboration qu’elle subit dans l’estomac des abeilles ; M. Huber a fait depuis peu de nouvelles observations qui présentent les résultats suivans :

1°. La cire vient du miel ;

2°. C’est la partie sucrée du miel qui met les abeilles en état de produire de la cire ;

3°. La poussière des étamines ne contient donc pas les principes de la cire ;

4°. Cette poussière ne sert pas à la nourriture des abeilles adultes, et ce n’est pas non plus pour leur usage qu’elles en font la récolte ;

5°. Cette poussière leur fournit le seul aliment qui convienne à leurs larves ; mais il faut qu’elle ait été préalablement élaborée, à cet effet, dans leur estomac ;

6°. Le miel est, pour les abeilles, un aliment de première nécessité ;

7°. Les fleurs n’ont pas toujours du miel, comme on l’avoit pensé : cette sécrétion est soumise aux variations de l’atmosphère, et les jours où elle est abondante, sont très-rares dans nos climats ;

8°. La cassonade produit plus de cire que le miel et que le sucre raffiné.

Cette opinion n’est pas toutefois encore généralement admise. M. Proust, célèbre chimiste de Madrid, a fait connoître dans le Journal de Physique, (année 1802, tome 55, page 76) qu’il regarde la cire comme un produit de la végétation, et non des abeilles qui la séparent seulement de la glutine dont elle est accompagnée dans la poussière des étamines. Il annonce avoir découvert de la cire dans la fécule de certaines plantes, telles que la joubarbe, le chou, etc. La cire, ajoute-t-il, est le vernis que la végétation étend sur les plantes pour les garantir des effets de l’humidité. C’est elle qui constitue ce qu’on appelle la fleur des fruits, particulièrement remarquable sur les pommes, le raisin, sur les feuilles de chou, etc. La fécule de l’opium contient un suif qui est tout près de la cire ; la soie crue renferme un enduit de cire que l’alcool lui enlève.

Lequel, de M. Proust ou de M. Huber, a deviné le secret de l’Auteur de la nature ? Il seroit sans doute téméraire de vouloir le décider, et l’usage que nous faisons de ses dons est souvent heureusement indépendant des théories par lesquelles on cherche à en expliquer les principes et les causes.

Nouvelle presse propre à la fabrication de la cire. La simplicité toujours si désirable dans la construction des instrumens qui servent aux manipulations, se fait sur-tout remarquer dans la nouvelle presse que nous indiquons ici pour la fabrication de la cire.

Elle est composée :

1°. D’une auge en bois, de seize à dix-huit pouces d’équarrissage et de trois pieds de longueur ; la partie creuse a un pied de profondeur, autant de largeur, et vingt pouces de longueur ;

2°. D’un billot bombé en dessus, qui puisse entrer à l’aise dans l’auge, avec poignées fixées sur la partie bombée pour pouvoir le retirer.

Le fond de l’auge doit être taillé un peu en pointe avec des rainures, et percé d’une ouverture, pour faciliter l’écoulement de la cire.

On y place une planche mobile criblée de trous, et élevée de cinq à six lignes au dessus du fond, au moyen de plusieurs petites baguettes. C’est sur cette planche que l’on met le sac qui contient la cire, et sur ce sac se pose le billot dont nous avons parlé.

L’auge est portée par quatre forts pieds de bois. À chaque bout de l’auge sont fixés deux forts anneaux de fer, l’un un peu à droite, l’autre un peu à gauche, de manière que les deux leviers qui entrent dans chacun des anneaux ne se rencontrent pas, mais passent à côté l’un de l’autre sur le billot. Deux personnes pèsent sur l’extrémité des leviers ; le billot reposant sur le sac plein de cire s’enfonce également, en exprimant la cire qui sera reçue dans un baquet placé au dessous de l’ouverture pratiquée au fond de l’auge.

Nouveaux produits que l’on retire des gâteaux. La récolte de la cire et du miel ne sera plus désormais le seul objet de l’éducation des abeilles, le seul produit de leur travail. M. Lombard a trouvé le moyen de faire du vinaigre avec les rayons dépouillés du miel, et de l’eau-de-vie avec les eaux qui ont servi à fondre les gâteaux de cire, sans que les quantités de miel et de cire en soient diminuées. Dès l’an 11, (1803) il a présenté à la Société d’Agriculture deux bouteilles de vinaigre provenant du premier essai par lui fait. En l’an 12, (1804) ses expériences étoient déjà perfectionnées, agrandies : le vinaigre qu’il a de nouveau présenté étoit plus limpide, et il a ajouté à cette montre deux bouteilles d’eau-de-vie, dont l’une à dix-huit degrés et demi, et l’autre à vingt-deux degrés, qui, toutes deux, ont été trouvées très bonnes. Voici les procédés qu’emploie M. Lombard :

Pour le vinaigre. Lorsqu’on a dépouillé de miel les rayons, on les met dans l’eau, et le peu de miel dont les gâteaux restent imprégnés, procure bientôt une fermentation. L’eau ainsi miellée prend, exposée au soleil, de l’acidité ; et se convertit en un vinaigre, assez foible à la vérité, mais dont on peut augmenter la force en l’exposant à la gelée pour le concentrer. La partie aqueuse gèle, et on la sépare.

La proportion que l’on doit suivre est d’une partie de marc de gâteaux exprimés, sur deux parties d’eau, c’est-à-dire que, si on a cinquante livres de marc, on emploie cent livres d’eau.

On met le tout dans un baquet qu’on tient au soleil s’il a encore de la force, ou, dans le cas contraire, dans un lieu chaud, et qu’on recouvre avec un linge. La fermentation ne tarde pas à s’établir, et dure huit à douze jours, selon la température ; on remue alors de temps en temps la matière, en appuyant les mains sur elle pour qu’elle trempe bien, et, lorsque la fermentation a cessé, on la met égoutter sur des tamis. On lave ensuite le baquet, au fond duquel se trouvera une lie jaune qu’il faut jeter ; après quoi, l’on y remet l’eau dégagée des matières, et qui, dès-lors, commence à avoir de l’acidité. On recouvre le baquet avec le linge, on le tient dans une douce température, et, sur sa surface, se forme une peau sous laquelle l’eau achève de se convertir en un vinaigre qui, prenant chaque jour de la force, se trouve déjà piquant au bout d’un mois. Quelque temps après on met ce vinaigre dans un tonneau dont on laisse la bonde ouverte, et on en fait usage comme de tout autre vinaigre. Le marc des gâteaux qui a servi à la confection est mis ensuite dans la chaudière pour la fonte, et produit d’aussi bonne cire que s’il n’eût pas subi cette première préparation.

Pour l’eau-de-vie. On met dans un baquet les eaux qui ont servi à la première fonte de la cire : comme elles restent encore imprégnées de miel quelques jours, elles fermentent, ce que l’on reconnoît aux bulles d’air qui s’élèvent sur leur surface. On les jette alors dans un alambic, et l’on en extrait de l’eau-de-vie. Trois cents pintes d’eau de cire ont donné à M. Lombard, cinquante pintes d’eau-de-vie à dix-huit degrés et demi ; et quarante pintes de cette eau-de-vie ayant été rectifiées, en ont produit dix à vingt-trois degrés. Ainsi les eaux brunes et sales que l’on jetoit, utilisées par le simple procédé que nous venons d’indiquer, ont donné leur sixième en eau-de-vie à dix-huit degrés et demi, laquelle à son tour, distillée de nouveau, a fourni son quart en une eau-de-vie très-limpide à vingt-trois degrés.

Miel. De sa manipulation. Une forte cuiller suffit pour vider les couvercles, briser les rayons et les faire tomber dans un des paniers placés sur les baquets ; mais quand, on veut dépouiller une ruche, on arrache avec une tenaille les baguettes qui soutiennent les rayons, et l’on se souvient qu’à cet effet elles doivent être un peu saillantes. On a une espèce de couteau qui ressemble à une petite bêche coupant de tous les côtés ; (planche II, figure 13) il sert à détacher les rayons du fond, que l’on retire intacts avec un crochet à deux griffes, (planche II, figure 14) lequel doit être de la même longueur que le couteau. À mesure que l’on vide les ruches, on brise sur les paniers les rayons remplis de miel, on met à part ceux qui sont vides ou remplis de couvain, et l’on donne aux abeilles ceux qui sont peu fournis de miel.

Pour faire du miel de choix, on a soin de mettre égoutter ensemble les plus beaux rayons, et toujours il faut rejeter les abeilles mortes et le couvain.

On laisse ainsi couler le miel pendant deux à trois jours ; ensuite on retire les paniers et l’on met les rayons qu’ils contiennent dans les baquets pour faire le second miel.

Ce second miel s’exprime des rayons brisés, du premier, qu’il suffit de pétrir un peu, s’ils sont mollets et si le temps est chaud, ou bien si la quantité en est petite, que l’on met dans un linge fort et clair que tordent deux personnes. Ces rayons sont-ils au contraire en certain nombre ? on les met dans des sacs de toile pareillement forts et clairs que l’on fait passer successivement sous la presse. Sont-ils secs et le temps est-il froid ? on les met dans un chaudron sur un feu doux et sans flamme ; on les remue continuellement avec les mains pour les amollir, en détruire les durillons, leur faire prendre une chaleur égale ; et quand le tout est bien chaud, pas assez cependant pour faire fondre la cire, on met la matière dans les sacs que l’on fait passer sous la presse.

Il faut du reste avoir l’attention de retirer des sacs le marc pendant qu’il est encore chaud, parce qu’une fois refroidi, il seroit difficile de l’en ôter, la cire le retenant alors fortement collé à la toile ; et comme ce second miel jette beaucoup d’écume, il faut, avant de le mettre dans les tonneaux, le bien purifier en le faisant passer sur des tamis fins.

Moyen de donner du parfum au miel. Le miel retient facilement toutes les odeurs qu’on veut lui communiquer ; mais ce n’est que dans le moment où il a un degré de chaleur suffisant pour être séparé de la cire.

Il suffira de mettre au fond du tamis, avant de commencer à écraser les rayons, une légère couche de la plante ou des fleurs dont on veut communiquer l’odeur au miel. Cette couche seule suffit, lorsque l’odeur est forte : mais si elle est foible, après avoir recouvert de rayons brisés cette première couche de fleurs, on en met une seconde, une troisième, etc. selon le degré d’odeur qu’on désire donner au miel qui la conserve plusieurs années sans altération.

C’est ainsi qu’on peut se procurer du miel ambré, musqué, à la fleur d’orange, à la rose, etc.

Moyens d’employer le miel comme sucre. Le miel a toutes les propriétés du sucre ; des chimistes renommés le regardent comme le véritable sucre ; mais le goût qui lui est particulier ne permettoit pas de l’employer comme tel. On doit à M. Lowitz la découverte d’une préparation qui, si elle ne donne pas au miel la forme du sucre, lui en procure toutefois tous les avantages, et le rend propre à en faire l’office dans les différens besoins de la vie domestique. Voici son procédé :

Mettez, dans un chaudron large et de peu de profondeur, quatre livres de miel ordinaire, et autant de pintes d’eau, mesure de Paris ; ajoutez-y une demi-livre de charbon pilé et purgé de cendre, ainsi que de toute autre matière hétérogène ; exposez le chaudron à une chaleur modérée, jusqu’à ébullition ; écumez avec soin les impuretés, et mettez-les à part, pour les raffiner ensuite séparément. Après vingt ou trente minutes d’ébullition, on enlève la liqueur et on la filtre à travers un sac de flanelle. Il n’est pas absolument nécessaire que la liqueur passe bien claire à travers le sac. Le résidu du miel et de charbon qui reste sur le filtre, est remis dans le chaudron, et l’on ajoute deux pintes d’eau ; on fait de nouveau bouillir ce mélange, et on passe encore, jusqu’à ce qu’il ne reste plus sur le filtre de miel combiné avec le charbon.

La totalité du miel et de l’eau qui aura passé sera mêlée une seconde fois avec de nouveau charbon pilé ; on fera bouillir ce mélange jusqu’à la consistance d’un sirop : on y ajoute alors de l’eau fraîche, et on laisse reposer le tout pendant une nuit dans le chaudron. Le lendemain, on fait encore bouillir jusqu’à ce que la quantité de liqueur soit réduite à deux pintes : on les passe alors à travers le filtre ; le résidu charbonneux sera encore une fois lavé avec deux pintes d’eau fraîche.

La dernière opération consiste à ajouter de nouveau à ce mélange de miel et d’eau un quarteron de charbon pilé, et à réduire, par l’ébullition, la liqueur à une pinte ; on les passe à travers le filtre, et on a soin de ne laisser passer que ce qui est parfaitement clair. Le miel obtenu par ce moyen est totalement débarrassé de la saveur qui lui est propre ; on l’évapore dans une casserole, à un feu doux, jusqu’à la consistance d’un sirop épais. On peut aussi employer le procédé suivi dans les sucreries, c’est-à-dire, le chauffer au bain-marie, pour l’empêcher de changer de couleur, et d’acquérir une odeur qu’il auroit inévitablement, si on vouloit le chauffer à un feu nu.

Pour déterminer le degré de concentration à donner au sirop, on en laissera tomber quelques gouttes sur une soucoupe froide, jusqu’à ce qu’on s’aperçoive que le miel devient pressé, sans cependant devenir solide, ni perdre la saveur du sucre ou de la cassonade.

On obtiendra donc ainsi environ quatre livres de miel purifié de quatre livres de miel commun, si toutefois on a eu soin de bien dégager le sucre du charbon employé pour le purifier : en effet, il n’y aura de déchet que l’écume, et le peu de sirop qui aura pu s’attacher au filtre.

Ce sirop de miel peut être employé fort utilement en remplacement du sucre pour le café, le thé, et dans tous les assaisonnemens. Il est à remarquer que ce sirop, dès qu’on en a préparé une quantité considérable, au lieu d’être renfermé dans des bouteilles ou vases à goulots étroits, exige des vases larges et bien ouverts, autrement il acquerra, en un mois, d’autres propriétés : il éprouvera une espèce de cristallisation, deviendra grenu, épais, et aura assez de consistance pour être coupé au couteau.

Si l’on vouloit éviter que le sirop de miel ne donnât une couleur brune au thé ou au punch, il faudroit purifier de nouveau ce miel, en y ajoutant, par livre, deux pintes d’eau et quatre onces de charbon pilé, en faisant bouillir la liqueur et en la filtrant à travers un linge. La matière charbonneuse qui reste sur le filtre, est ensuite délayée dans deux pintes d’eau fraîche ; on l’ajoute à celle qui a été passée, et l’on mêle avec le tout deux onces de charbon pilé. Il faut sur-tout avoir soin que ce qui a été délayé, après avoir été préalablement pressé dans le filtre, soit passé, quand on l’ajoute, à la liqueur la plus pure. On fait bouillir ce mélange jusqu’à ce qu’il soit réduit à deux pintes et demie ; alors on filtre pour la dernière fois, et l’opération est terminée. Le miel qui reste sur le filtre peut être lavé avec deux pintes ou deux pintes et demie d’eau ; il passe ainsi à travers et on peut l’ajouter au premier.

On observera que la dernière préparation qu’on donne pour empêcher que le thé et le punch ne contractent avec le sirop de miel une couleur brune, n’est pas aussi bonne que la première, parce qu’on ne peut alors garder le sirop que pendant quelques jours, et qu’on seroit obligé de recommencer l’opération cinq à six fois par mois, tandis que, par le premier procédé, le sirop se conserve fort long-temps et n’a pas moins de qualité. Ce sirop peut également être employé par les nonnes ménagères, à la confection des confitures de cerises, de prunes, d’abricots et de coings. La proportion est d’une livre de sirop, ou seulement trois quarterons, pour une livre de fruits. Ces confitures doivent, pour se conserver, être beaucoup plus cuites que celles au sucre. On ne peut employer le miel pour les gelées de fruits : celle de groseille perdroit son acidité. On doit priver le plus possible d’humidité, en les séchant, les fruits, écorces ou racines, dont on voudroit faire des confitures sèches au miel. Les proportions pour les ratafias de fleurs d’orange, de noyaux, sont d’une livre de miel par pinte d’eau-de-vie ; les procédés sont les mêmes qu’en employant le sucre. (Cotte.)