Cours d’agriculture (Rozier)/AILE

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Hôtel Serpente (Tome premierp. 295-303).
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AILE. Ce mot a plusieurs significations relatives aux différentes parties du végétal. En général, c’est une espèce de membrane, plus ou moins épaisse, plus ou moins ferme, & plus ou moins saillante, qui enveloppe & surmonte les semences de certaines plantes, entr’autres celles de l’érable, comme on le voit fig. 4. (Pour la Planche, voyez le mot Anthère.) La forme de cette membrane lui a fait donner le nom d’aile, plutôt que sa destination.

Les Botanistes désignent aussi sous le nom d’aile, les deux pétales qui se trouvent placés entre ceux qu’on nomme papillon & carenne, qui entre eux quatre composent la fleur des plantes légumineuses, telles que celles des pois, des féves, &c. & que par cette raison on a appellées fleurs papilionacées, à cause de leur ressemblance avec un papillon. Voyez la forme de ces ailes dans les fleurs de cette classe. (Voyez Fleurs)

On dit encore d’un pétiole ou queue d’une feuille, qu’il est ailé, lorsqu’il est bordé de chaque côté d’une membrane courante & longitudinale, comme dans l’oranger ; qu’une tige est ailée, lorsqu’elle est garnie longitudinalement, par des membranes qui débordent sa superficie. Ces deux dernières espèces d’ailes ne sont que des productions des feuilles. On y trouve, comme dans l’aile de la semence, toutes les parties principales de la feuille, c’est-à-dire le réseau vasculeux, le tissu cellulaire ou parenchyme, qui est entre les mailles du réseau, & l’épiderme qui recouvre le tout. M. M.

Aile, est encore un terme de jardinage : il se dit des branches des arbres, ou des autres plantes qui poussent sur les côtés, & ont par conséquent la disposition des ailes des oiseaux. En parlant des artichaux qui poussent sur le côté de la mère tige, on dit qu’ils poussent des ailes.


Aile, Anatomie. C’est une partie du corps des oiseaux, de certains insectes, & de quelques autres animaux, comme la chauve-souris & l’écureuil volant, qui leur sert à voler, c’est-à-dire, à s’élever, se soutenir, & se transporter d’un endroit à un autre à travers l’air. Pour bien entendre l’action du vol, il est nécessaire d’avoir quelques notions préliminaires des parties qui concourent à le produire.

Tous les animaux bipèdes & quadrupèdes, outre les pieds de derrière, ont encore deux bras attachés aux épaules, qui, dans les quadrupèdes, leur tiennent lieu de pieds pour marcher, servent à l’homme pour prendre, serrer, enlever, &c. & à l’oiseau, pour voler. Dans tous, ces bras sont formés du même nombre de parties & d’os principaux, disposés de la même manière, d’une omoplate, d’un humérus, d’un cubitus, d’un radius, & d’un carpe.

Dans les oiseaux, (Borelli, de motu animalium, capite de volatu) l’omoplate est composée de deux os, formant entre eux un angle aigu, dont l’un, le plus élevé, adhère aux côtes dorsales, & tient à l’épine du dos par un grand nombre de muscles, & l’autre est attaché au sternum. Dans l’angle formé par les deux os de l’omoplate, est un trou qui est traversé par le tendon du muscle éleveur de l’aile. Cette aile est encore garnie d’un muscle pectoral abaisseur ; & comme son action est très-forte, l’omoplate & l’extrémité de la clavicule, pour pouvoir y résister, trouvent leur point d’appui sur le tranchant & la crête de l’os sternum. L’humérus s’articule avec l’omoplate dans l’angle de ses deux os ; & à l’extrémité de l’humérus, sont le cubitus & le radius : ils sont plus longs dans l’oiseau que l’humérus. Le tout est terminé par les os du carpe, qui forment la main dans l’homme, & l’extrémité des ailes, ou, comme Willughby l’appelle, l’aile secondaire : la longueur du carpe est moindre que celle de l’humérus.

La proportion des os des ailes & des plumes, avec la longueur du corps, n’est pas uniforme dans tous les oiseaux ; l’autruche, par exemple, a de très-petites ailes relativement à son corps, aussi lui servent-elles moins à voler qu’à accélérer sa course. Les poules & les oiseaux qui volent peu, & ne s’éloignent guère de la terre, les ont un peu plus longues : les pigeons qui s’élèvent & soutiennent davantage leur vol, les ont assez étendues ; mais les oiseaux de proie, les hirondelles, les cygnes, l’aigle, & tous les oiseaux, dont la demeure ordinaire est, pour ainsi dire, les airs, ont des ailes très-longues, qui se croisent souvent au dessus de la queue, & ont presque le triple de longueur du corps, lorsqu’elles sont développées.

Une observation intéressante, & qui annonce la sagacité admirable de la nature dans les plus petits détails, c’est la structure même des os que les oiseaux font agir en volant : les os du bras, les clavicules, les os de la poitrine, les vertèbres, les os des îles, & dans plusieurs espèces, les os de la cuisse, sont tout-à-fait creux, sans moelle, & reçoivent, dans leur cavité, par la respiration, l’air, qui par ce moyen les rend plus légers & plus capables de s’élever. Cette observation avoit d’abord été faite par Galilée, ensuite par Borelli, enfin par M. Camper, qui, ayant disséqué plusieurs oiseaux, a trouvé l’os du bras gauche d’une orfraie, celui d’une cicogne, d’un hibou, l’os du bras droit d’une poule, d’un dindon, percés d’un petit trou à la partie supérieure, par lequel il y avoit une communication réciproque avec la poitrine pour l’air. Dans les cuisses de l’orfraie, de la cicogne, du coq de bruyère, de l’aigle, &c, le trou aérien se trouve placé sous le trochanter. Les oiseaux qui volent peu n’ont que les os des ailes perforés ; ceux qui volent beaucoup & long-tems, ont de plus les os des cuisses creux & percés.

Les os des bras, ou des ailes des oiseaux, sont garnis de muscles extenseurs & fléchisseurs forts & vigoureux, à peu près les mêmes que ceux des autres animaux ; ils en diffèrent par la grandeur & la position. Les muscles pectoraux fléchisseurs de l’humérus de l’homme, sont petits & peu charnus ; à peine égalent-ils la cinquantième ou soixantième partie de tous les muscles : au contraire, les mêmes dans l’oiseau, non-seulement égalent, mais ils surpassent encore tous les autres muscles pris ensemble. D’après cela on peut déjà conclure quelle force prodigieuse il faut pour mouvoir les ailes. Dans l’homme, le muscle extenseur du bras est le grand pectoral, placé à la partie antérieure de la poitrine ; il prend son origine de la moitié de la clavicule, du côté qu’elle regarde le sternum, & de la partie latérale & moyenne de ce même os, des dernières côtes vraies & des premières fausses ; couvrant une partie du thorax, il va s’insérer par un tendon fort & court à la partie supérieure & antérieure de l’humérus, quatre doigts environ au dessous de sa tête, Dans l’oiseau, l’os sternum est vaste, dur & pesant, semblable à un bouclier ; il forme un angle saillant au milieu. C’est à cet angle, & aux deux côtés de cet os, que sont attachés les fibres des grands pectoraux de l’oiseau ; ces fibres se réunissent, forment un tendon charnu qui va s’attacher à la tête même de l’humérus, tandis que dans l’homme ce n’est qu’au dessous. Ainsi la distance de la direction des muscles pectoraux, au centre du mouvement de l’aile, est très-petite : égale au demi-diamètre de la tête de l’humérus, qui tourne dans le sinus de l’omoplate, elle est sept à huit fois moindre que la longueur de l’humérus, dix-huit fois moindre que l’os du bras, & près de quarante fois moindre que l’aile totale avec ses plumes. Dans l’homme, le muscle deltoïde sert à élever le bras : dans l’oiseau, ce muscle manque ; mais à sa place, est un muscle oblong, rond, dont le tissu est très-serré, attaché, d’une part, à la tête de l’humérus, du côté opposé au grand pectoral, passant à travers le trou formé au point de réunion des deux os de l’omoplate ; il revient s’attacher dans l’angle de la poitrine, formé par la partie saillante du sternum : le trou que ce tendon traverse, est comme une poulie, autour de laquelle il se meut ; de façon qu’en se contractant il tire à lui l’humérus qu’il élève par conséquent vers le dos & la tête, tandis que le pectoral, son antagoniste, l’abaisse & le ramène vers le sternum. Cette position singulière & particulière du muscle éleveur du bras, annonce l’admirable prévoyance de la nature ; elle ne pouvoit l’attacher à l’os supérieur de l’omoplate, trop petit & trop foible pour résister à son effort ; de plus, par cette position, il détermine à la poitrine le centre de gravité de l’oiseau, de façon que les ailes se trouvent placées non-seulement à l’endroit le plus commode du corps, mais encore à l’endroit le seul propre à comporter un centre de gravité fixe & invariable.

Les deux muscles, dont nous venons de donner la description, ne sont pas les seuls employés au mouvement des ailes ; le cubitus & le carpe en sont pourvus de plusieurs petits qui opèrent le développement de l’aile & son resserrement ; enfin, le tout est enveloppé d’une peau forte & membraneuse, dans laquelle sont implantées les plumes.

L’art le plus merveilleux, & la sagesse la mieux raisonnée, ont concouru à la construction de chaque plume, & à leur disposition entre elles. Nous ne pouvons en donner une meilleure description, qu’en employant celle de M. Formey, secrétaire de l’académie royale de Berlin.

« Un art incomparable brille dans la construction de chaque plume : le tuyau en est extrêmement roide & creux par le bas, ce qui le rend en même tems fort & léger ; vers le haut, il n’est pas moins dur, & il est rempli d’une espèce de parenchyme, ou de moelle, ce qui contribue aussi beaucoup à sa force & à sa légéreté : la barbe des plumes est rangée réguliérement des deux côtés, large d’un côté & étroite de l’autre. On ne sauroit assez admirer l’exactitude du sage auteur de la nature, dans le soin qu’il a pris d’une partie aussi peu considérable que le paroît cette barbe des plumes qui sont aux ailes : on y peut observer entre autres ces deux choses ; 1o. que les bords des filets extérieurs & étroits de la barbe, se courbent en bas, au lieu que ceux des intérieurs & plus larges se courbent en haut : par ce moyen, les filets tiennent fortement ensemble ; ils sont clos & serrés, lorsque l’aile est étendue, de sorte qu’aucune plume ne perd rien de la force ou de l’impression qu’elle fait sur l’air : 2o. on peut remarquer une adresse & une exactitude qui ne sont pas moins grandes, dans la manière dont les plumes sont coupées à leur bord : les intérieures vont en se rétrécissant, & se terminent en pointe vers la partie supérieure de l’aile : les extérieures se rétrécissent dans le sens contraire de la partie supérieure de l’aile, vers le corps, du moins en beaucoup d’oiseaux : celles du milieu de l’aile ayant une barbe partout égale, ne sont guère coupées de biais ; de sorte que l’aile, soit étendue, soit resserrée, est toujours façonnée & taillée aussi exactement que si elle avoit été coupée avec des ciseaux. Mais pour revenir à la tissure même de cette barbe, dont nous avons entrepris l’examen, elle est composée de filets si artistement travaillés, entrelacés d’une manière si curieuse, que la vue n’en peut qu’exciter l’admiration, surtout lorsqu’on les regarde avec des microscopes. Cette barbe ne consiste pas dans une seule membrane continue ; car alors cette membrane étant une fois rompue, ne se remettroit en ordre qu’avec beaucoup de peine ; mais elle est composée de quantité de petites lames ou de filets minces & roides, qui tiennent un peu de la nature d’un petit tuyau de plume : vers la tige ou le tuyau, surtout dans les grosses plumes de l’aile, ces petites lames sont plus larges & creusées dans leur largeur en demi-cercle ; ce qui contribue beaucoup à leur force, & à serrer davantage ces lames les unes sur les autres, lorsque l’aile fait ses battemens sur l’air. Vers le bord ou la partie extérieure de la plume, ces lames deviennent très-minces, & se terminent presque en pointe ; en dessous elles sont minces & polies, mais en dessus, leur extrémité se divise en deux parties, garnies de petits poils, chaque côté ayant une différente sorte de poils : ces poils sont larges à leur base ; leur moitié supérieure est plus menue & barbue.

Il est constant que dans tous les oiseaux qui ont le plus d’occasion de voler, les ailes sont placées à l’endroit le plus propre à balancer le corps dans l’air, & à lui donner un mouvement progressif aussi rapide que les ailes & le corps sont capables d’en recevoir ; sans cela nous verrions les oiseaux chanceler à tous momens, & voler d’une manière inconstante & peu ferme, comme cela arrive lorsqu’on trouble l’équilibre de leurs corps, en coupant le bout d’une de leurs ailes, ou en suspendant un poids à une des extrémités du corps. Quant à ceux qui nagent & qui volent, les ailes, pour cet effet, sont attachées au corps, hors du centre de gravité ; & pour ceux qui se plongent plus souvent qu’ils ne volent, leurs jambes sont plus reculées vers le derrière, & leurs ailes sont plus avancées vers le devant du corps. La manière dont les plumes sont rangées dans chaque aile, est bien admirable ; elles sont placées dans un ordre qui s’accorde exactement avec la longueur & la force de chaque plume : les grosses servent d’appui aux moindres ; elles sont si bien bordées, couvertes & défendue par les plus petites, que l’air ne sauroit passer à travers ; par-là, leurs impulsions sur ce fluide sont rendues très-fortes. »

Après avoir donné le détail de toutes les parties qui composent l’aile, & qui concourent à exécuter le vol, voyons comment il est produit, comment il s’entretient, comment il varie, & comment il cesse.

Tous les oiseaux ne commencent pas leur vol, ou plutôt tous ne s’élancent pas dans les airs de la même manière. Les uns s’élèvent tout droit de terre, dans l’endroit où ils étoient posés ; d’autres sont obligés de prendre leur course auparavant ; d’autres enfin cherchent des hauteurs d’où ils s’élancent : mais tous suivent à peu près le même méchanisme pour le départ. Tant qu’ils sont en repos, leurs ailes demeurent fermées & appliquées sur leur flanc : veulent-ils commencer leur vol ? d’abord ils se baissent vers la terre en pliant les cuisses, & s’élèvent par un premier saut ; ils étendent ensuite les ailes de façon qu’elles forment un plan horizontal parallèle à la terre ; enfin, élevant les deux ailes en même tems, & les abaissant tout à coup, ils frappent l’air avec violence. Cette première vibration étant très-vive & très-prompte, l’air contenu entre l’aile de l’oiseau & la terre, & subitement comprimé, n’a pas le tems de s’échapper latéralement ; il réagit alors avec autant de force qu’il a été pressé ; son élasticité naturelle lui fait repousser en haut ces mêmes ailes qui l’avoient frappé : cette réaction soulève le corps de l’oiseau ; c’est le premier instant du vol. Le second & les suivans sont produits par le même jeu ; l’oiseau continuant de frapper l’air de ses ailes, & l’air comprimé de nouveau continuant de se rétablir en repoussant le corps entier. L’extension, l’élévation & l’abaissement de l’aile sont dûs aux deux muscles, dont nous avons donné la description plus haut ; & quelque pesant que soit le corps par lui-même, la force de ces muscles est plus que suffisante pour le mouvoir, puisque, suivant Borelli, ils sont dix mille fois plus forts qu’il ne faut pour produire cet effet.

L’observation de Galilée, de Borelli & de Camper, sur le creux des principaux os des oiseaux, jette encore un très-grand jour sur le méchanisme du vol & sur cette force extraordinaire des ailes. Le corps de l’oiseau se dilate en se remplissant d’air, & devient beaucoup plus léger ; il est exactement alors dans l’air ce que le poisson est dans l’eau, quand sa vessie se dilate. Cet air passe dans tous les os creux des bras, des cuisses, de la poitrine, & les rend plus légers ; ce qui fait que ces ailes acquièrent une pesanteur spécifique bien moindre. Ainsi la réunion de la force étonnante des muscles & de la légéreté du corps, donne l’explication du vol : le même mouvement qui l’a produit l’entretient.

Si la vîtesse avec laquelle l’oiseau frappe l’air de ses ailes, égale précisément la vîtesse avec laquelle l’air frappé cède en lui résistant, alors l’oiseau se soutiendra en l’air sans monter ni descendre : en effet, il ne s’est élevé la première fois, que parce que l’air renfermé entre l’aile & la terre, ne pouvant céder, a réagi contre le corps entier, & l’a poussé en haut ; ici l’air cède, & ne fait que céder sans réagir. Mais si cette vîtesse de percussion dans l’aile surpasse celle avec laquelle l’air frappé cède, alors le corps s’élèvera, parce que l’air n’ayant pas le tems de céder, servira de point d’appui & de base pour les nouveaux élans de l’oiseau, qui s’élèvera par conséquent avec une vîtesse égale à la différence avec laquelle l’air cédera ; c’est-à-dire, que moins l’air cédera vite, & plus l’oiseau s’élèvera, & vice versâ.

Le vol horizontal de l’oiseau n’est pas aussi facile à expliquer qu’on le penseroit d’abord. Quelques auteurs, comparant le corps de l’oiseau à un navire, regardent ses ailes comme les rames, & sa queue comme le gouvernail ; & prêtant aux ailes le mouvement de la rame, de la tête vers la queue parallèlement à l’horizon, ils font avancer le corps dans l’air exactement comme le navire sur les eaux. Mais ils n’ont pas fait attention que les ailes déployées dans un plan horizontal, sont le seul moyen qui soutient l’oiseau ; & que dès qu’elles le quitteroient pour en prendre un perpendiculaire, l’oiseau tomberoit. Le navire soutenu par la densité de l’eau, n’a besoin des rames que pour avancer ; & si l’oiseau se sert de ses ailes pour ce mouvement, il ne les tourne pas comme des rames. Au contraire, la percussion perpendiculaire est absolument nécessaire pour faire avancer l’oiseau : & voici comment Borelli l’explique. Les ailes, outre le mouvement de bas en haut & de haut en bas, en ont encore un assez fort de rotation sur elles-mêmes, à l’articulation de l’humérus avec l’omoplate, non pas qu’elles puissent décrire un cercle ou un demi-cercle entier, mais près d’un quart, en se rapprochant l’une contre l’autre par l’extrémité des plumes dont elles sont garnies ; de façon qu’elles peuvent former au-dessus du dos une espèce de coin, dont le tranchant ou l’angle est du côté de la queue, & la base vers le col. Ces ailes ainsi disposées se rabattent tout d’un coup, & frappent l’air de biais, qui repousse le corps de l’oiseau dans le même sens. Ce mouvement se trouve par-là composé de deux mouvemens, qui se croisent comme les lignes que forment les deux ailes : le corps de l’oiseau, pour obéir également à ces deux forces, est obligé de prendre une direction moyenne qui tient de toutes les deux, & qui est la ligne horizontale partant de l’angle formé par les deux ailes. Ainsi l’oiseau se meut en avant.

Si la queue, par sa disposition seule & son mouvement, ne sert pas à l’oiseau de gouvernail pour tourner à droite ou à gauche, comme nous l’avons déjà dit, il l’emploie pour s’élever ou descendre. En effet, lorsqu’il élève la queue en volant toujours horizontalement, alors son corps tourne sur son centre de gravité, & la tête monte tandis que la queue descend : ce mouvement joint au coup d’ailes fait élever l’oiseau. Le contraire aura lieu, si l’oiseau baisse la queue.

Veut-on faire tourner à droite ou à gauche un bateau sur une rivière ? il suffit de faire mouvoir la rame du côté opposé à celui où il doit aller ; ainsi en ramant à droite, le bateau tournera à gauche ; & ramant à gauche, il se dirigera vers la droite. Tel est exactement le méchanisme du vol d’un oiseau à droit ou à gauche. Veut-il se porter vers la droite ? alors il frappe l’air obliquement de l’aile gauche, en le repoussant un peu vers la queue : le contraire arrivera, s’il fait ce même mouvement de l’aile droite. On peut remarquer très-facilement ce jeu des ailes dans les pigeons : pour tourner à droite, on les voit distinctement élever l’aile droite plus haut que l’aile gauche, en frapper vivement l’air dans une direction oblique, tandis que l’aile gauche se meut à peine.

Très-souvent on voit les oiseaux, surtout les oiseaux de proie, parcourir un grand espace sans mouvoir aucunement les ailes. Ce mouvement rapide & uniforme est produit par un violent coup d’aile. Ce n’est que la suite & l’effet d’une première impulsion, comme un bateau se meut long-temps après un coup de rame. Mais l’oiseau & le bateau cesseront de se mouvoir sitôt que l’effet de leur gravité égalera ou l’emportera sur l’impulsion qu’ils avoient reçue ; & pour les faire avancer de nouveau, il faudra un nouveau coup d’ailes & de rames.

Il est bien étonnant que, malgré l’impétuosité prodigieuse avec laquelle les oiseaux volent, ils puissent s’abattre & terminer leur vol avec autant de facilité. Ne devroit-on pas craindre qu’un aigle, par exemple, qui se précipite de la région des nuages, ne se brisât contre la terre dans sa chute ? Non, la sage Nature lui a appris l’art de composer son vol, de manière qu’il se ralentit insensiblement, & que lorsqu’il approche de la terre, il s’y repose plutôt qu’il n’y tombe. L’oiseau qui veut prendre terre étend ses ailes & sa queue en forme de voûte perpendiculaire à la direction de son mouvement. La surface que présentent les ailes & la queue, semblables à des voiles de navire, retarde d’abord l’impétuosité du vol, qui diminue encore davantage, lorsque l’oiseau en frappe l’air en avant ; il produit alors un mouvement contraire à celui qu’il avoit auparavant ; ce qui le détruit insensiblement. Enfin, sur le point de prendre terre, il étend les pattes de façon qu’elles la touchent petit à petit en pliant les articulations, cédant au coup, & se redressant de la même manière. Ainsi l’oiseau parvient à se reposer après avoir perdu presque tout le mouvement qu’il avoit.

Tel est tout le parti que l’oiseau peut tirer de ses ailes, & le méchanisme étonnant de son vol. On ne peut assez admirer l’auteur de tout cet appareil industrieux par lequel des êtres, d’un poids quelquefois énorme, peuvent se rendre presqu’aussi légers qu’un pareil volume d’air, s’élever dans l’atmosphère, se perdre dans les nues, se précipiter, remonter avec une vîtesse prodigieuse, tourner sur eux-mêmes ; tantôt décrire une ligne droite, tantôt former des cercles de différens diamètres ; puis, malgré toute leur impétuosité, venir se reposer tranquillement à terre ou sur une foible branche que leur poids fait courber. Quel art ! quelle sagesse ! Que de beautés, que de richesses dans l’ouvrage ! que de grandeurs & de puissance dans l’ouvrier !

Pour la description de l’aile de l’insecte, voyez le mot Insecte. M. M.