Cours d’agriculture (Rozier)/AIR (supplément)

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Marchant (Tome onzièmep. 116-118).


AIR, (Physique.) L’air n’est point invisible par lui-même. Quelle que soit sa transparence, il intercepte sensiblement la lumière, il la réfléchit comme tous les autres corps. Mais les particules qui le composent, étant extrêmement petites, et très-écartées les unes des autres, on ne peut les appercevoir que lorsqu’elles sont réunies en grande masse. Alors la multitude des rayons lumineux qu’elles nous renvoient produit sur nos yeux une impression sensible, et nous voyons que leur couleur est bleue. En effet, l’air donne une teinte bleuâtre aux objets entre lesquels il s’interpose ; cette teinte colore très-sensiblement les montagnes éloignées, et elle est d’autant plus forte, qu’elles sont plus distantes de nous : aussi, pour rendre les objets éloignés, faut-il diminuer leur éclat, ou, suivant l’expression reçue, les éteindre et affoiblir leurs couleurs propres, par une teinte générale de bleu plus ou moins foncé. C’est encore la couleur propre de l’air qui forme l’azur céleste, cette voûte bleue qui paroît nous environner de toutes parts, que le vulgaire appelle le ciel, et à laquelle tous les astres nous paraissent attachés. À mesure que l’on s’élève dans l’atmosphère, cette couleur bleue diminue avec la densité de l’air qui la réfléchit ; et sur le sommet des hautes montagnes, ou dans un aérostat, le ciel paroît presque noir.

L’air est donc autour de la terre comme une sorte de voile brillant qui multiplie et propage la lumière par une infinité de répercussions.

On disoit aussi autrefois que l’air n’est peut-être pas pesant par lui-même, mais seulement à cause des matières hétérogènes qu’il contient. Cette objection est tout à fait sans fondement ; on sait aujourd’hui que l’air atmosphérique, tel que nous le respirons, est un mélange de deux airs ou fluides aériformes d’espèce différente, et qui sont pesans tous les deux. Aucun fait physique ne nous montre ce prétendu air élémentaire et sans pesanteur dont il est question. Nous n’avons donc aucun sujet de croire qu’il existe.

Tout ce que l’on savoit à la même époque sur l’influence de l’air dans la végétation, est fort incertain. On sait qu’il y est utile et nécessaire ; mais on ignore en quoi et comment. Par exemple, il n’est pas du tout certain que ce soit son poids qui pousse les sucs dans les racines et dans les tiges. Ces racines et ces tiges, sont des tuyaux très-fins et capillaires ; on sait que les fluides s’élèvent dans des tuyaux de ce genre, même quand on les place sous un récipient où l’on fait le vide. D’ailleurs, il paroît, par un grand nombre d’expériences, que la nourriture des végétaux se fait par une action vitale qui leur est propre. Les nombreuses découvertes que l’on a faites sur la physique végétale permettent maintenant de substituer un doute réfléchi à des assertions hasardées.

Un fait très-curieux, et qui est une découverte moderne, c’est que la chaleur animale est produite et entretenue par la respiration. C’est l’air qui l’abandonne en se combinant avec le sang dans les poumons ; mais cette combinaison se fait peu à peu, et le sang entraînant cet air avec lui dans les canaux où il circule, y porte aussi le germe de la chaleur et de la vie. (I. B.)

Air, (Chimie.) Avant les découvertes de Priestley et de Lavoisier, on avoit des idées si inexactes sur la nature de l’air, sur la manière dont il agit dans la végétation, que l’on regardoit comme des principes semblables la substance absorbée par les plantes, celle qu’elles dégagent sous l’eau, et même tous les gaz qu’on obtenoit de la destruction de leur tissu par le calorique. L’air est ce fluide pesant, élastique, inodore, qui environne la terre de toutes parts, devient le séjour des météores, et qui concourt à la formation et au développement de tout ce qui existe sur le globe. Il est, d’après les belles expériences de Lavoisier, une combinaison de vingt-sept parties d’oxigène sur soixante-treize d’azote, et d’un centième d’acide carbonique.

Tous les corps combustibles, et tous les animaux, en brûlant, font l’analyse de l’air, dont ils absorbent l’oxigène, tandis que les végétaux, agissant d’une manière inverse, s’emparent de l’azote. Hales découvrit le premier l’influence de l’air dans la végétation ; Priestley fit voir que les plantes ont la propriété de se purifier, en absorbant les gaz nuisibles à la combustion et à la respiration, qu’elles remplacent par du gaz oxigène ; Inghenouse, en répétant les expériences de Priestley, trouva que le dégagement de ce gaz par les plantes placées sous l’eau étoit d’autant plus actif, que la lumière étoit plus intense, et que cette action se trouvoit suspendue à l’obscurité, et pendant la nuit. Malgré toutes ces recherches, celles de Sennebier, de Saussure, les faits qu’on a obtenus nous font juger combien il sera difficile d’avoir sur la végétation des résultats bien exacts, à cause du nombre de substances qui agissent dans cette opération ; car, quoique l’air soit essentiellement nécessaire aux plantes, cependant il ne peut contribuer seul à leur développement ; elles ont toutes besoin, pour croître, et se conserver dans l’état de santé, du concours de l’eau, de la lumière, de la chaleur, de la terre, et de l’acide carbonique. L’activité de la germination, augmentée par l’oxigène, l’absorption de ce principe par les terres, leur fécondation par la neige et la rosée, sont du petit nombre de faits dont s’est enrichie la physiologie végétale. Mais que d’incertitudes et d’obscurité, dans tout ce qui tient aux principaux phénomènes ! Si la nature nous laisse quelquefois soulever le voile qui nous cachoit d’importantes vérités, elle semble en quelque sorte nous en punir, en éloignant encore le but que nous nous proposions d’atteindre. Nous ferons connoître par la suite d’une manière plus étendue, tout ce qui a rapport à l’air, en traitant de la combustion et de la respiration. (J. L. R.)