Cours d’agriculture (Rozier)/BOUILLON

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Hôtel Serpente (Tome secondp. 403-404).


BOUILLON, Nourriture & Médicament. On donne le nom de bouillon, aux sucs des différentes chairs des animaux, que l’on fait bouillir dans l’eau qui en retient la partie nourricière & adoucissante : on fait des bouillons de veau, de bœuf, de poulet, d’escargot, de vipère, de tortue, &c. Ces différens bouillons ont des vertus relatives aux genres & à l’espèce des maladies. Dans les différens articles, nous parlerons de l’espèce de bouillon qui convient à l’âge, au sexe, au tempérament, à la maladie & au degré de la maladie. M. B.


Bouillon, Jardinage. Mot nouveau, introduit par M. de Schabol. Il est pris de l’usage commun, & employé dans sa signification propre. On prend un bouillon pour s’humecter en même tems que pour se sustenter. Le bouillon dont il est question, est composé d’onctueux, d’humectans & de corroborans ; voici comment il se fait.

Prendre pour un seul bouillon plusieurs seaux d’eau, les verser dans un baquet, & y jeter ce qui suit : crottin de cheval, la valeur d’un demi-boisseau, lequel doit être mis en miettes avec les mains, & pulvérisé.... crottins de mouton, pulvérisés aussi, deux fois une pleine main.... bouse de vache, environ un demi-boisseau, laquelle doit être bien délayée avec les deux mains… terreau gras & vif de couche, un demi-boisseau.

Par terreau gras & vif, on entend celui qui n’a point été évaporé pour avoir été longtems à l’air, au hâle & délayé par les pluies ; mais nouvellement amoncelé & noirâtre quand on a brisé les vieilles couches. Dans le cas de disette de celui-là, on le prend tel qu’on le peut avoir ; mais on lève celui de la superficie, pour plonger & aller au fond. Il en est du terreau comme de quantité de nos alimens qui se passent étant gardés un certain tems, les uns plus, les autres moins.

Il faut, 1o. commencer par bien battre & mêler le tout ensemble, puis le jeter dans le baquet, & avec les mains le délayer.

2o. Faire un bassin autour d’un arbre, & non pas autour du tronc, dont la fonction principale n’est pas de pomper, mais de recevoir & contenir les sucs ; faire ce bassin en-deçà, environ à sept ou huit pouces du tronc, ôtant la terre jusqu’aux premières racines, & verser le tout dans la fosse ; & comme au fond du baquet il en reste toujours, le bien nettoyer avec les mains, & répandre le tout dans la fosse.

3o. Quand l’imbibition est faite, remettre la terre, afin que rien ne s’évapore, & faire ainsi à tout ce qui en a besoin, arbres, arbustes, plantes en caisses & en pots. Réitérer, si un premier bouillon ne suffit pas ; le même a lieu pour des orangers malades.

Le voilà, dit M. de Schabol, ce bouillon si souverain, si efficace, le voilà en petit pour un seul arbre ; mais en a-t-on besoin pour un certain nombre d’arbres, on augmente la dose de chaque ingrédient au prorata du nombre des arbres à médicamenter, le tout à vue de pays ; un peu plus, un peu moins n’est pas d’une grande consèquence ; alors on bat le tout ensemble avec divers outils.

C’est ainsi que dans la cure des maladies humaines, on compte les juleps, les cordiaux, les stomachiques, les bouillons pulmonaires, ceux faits avec les anti-scorbutiques, &c. Mais il est une observation des plus importantes ; savoir que de même que dans la médecine humaine, quand les parties nobles sont attaquées immédiatement, ces recettes ne peuvent rien : de même le bouillon ne produit aucun effet sur les arbres épuisés & ruinés.

On est assuré de guérir par le moyen de ce bouillon, une quantité de maladies des plantes & des arbres, telles que la jaunisse, le blanc, ou le meunier aux pêchers, les effets & les accidens causés par la cloque, par les vents roux, &c. Il y a encore un autre bouillon fait avec les lavures de cuisine.