Cours d’agriculture (Rozier)/BRYONE

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Hôtel Serpente (Tome secondp. 485-486).
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BRYONE, ou Coleuvrée, ou Vigne blanche. (Voyez Planche 15, pag. 423). M. Tournefort la place dans la sixième section de la première classe, qui comprend les herbes à fleur d’une seule pièce en forme de cloche, dont le pistil s’élève entre les filets des étamines réunies par le bas, & se change en un fruit à plusieurs loges, & il l’appelle bryonia aspera, sive alba, baccis rubris. M. von Linné la nomme bryonia alba, & la classe dans la monœcie syngénésie.

Fleur. Les fleurs mâles sont séparées des fleurs femelles sur le même pied. La tige A est représentée chargée de fleurs mâles, & la tige B de fleurs femelles. La fleur mâle C est plus grande que la femelle : on y voit les étamines attachées à la corolle ; & en D, la fleur est représentée par derrière, pour montrer la différence des calices ; celui de la fleur femelle E est posé sur l’ovaire. Dans ces deux fleurs la corolle est attachée & fait corps avec les parois du tube du calice. M. Miller dit que les jeunes bryones ne donnent que des fleurs mâles dans les premières années.

Fruit. Le pistil se change en un fruit F sphérique, ou baie à quatre loges G molles, pleines de suc, renfermant des semences H couvertes de mucilage.

Feuilles, alternativement placées sur les tiges, soutenues par de longs pétioles, palmées, en forme de cœur, calleuses, rudes au toucher.

Racine ; en forme de fuseau, & d’une grosseur étonnante, proportion gardée à celle de la tige. J’en ai vu une plus grosse que la cuisse, & de plus de quinze pouces de longueur.

Port. Tiges longues, grêles, grimpantes, cannelées, légérement velues, armées de vrilles comme la vigne ; les fleurs naissent plusieurs ensemble des aisselles des feuilles.

Lieu. Les haies, les buissons. Elle est vivace, & fleurit pendant tout l’été.

Propriétés. Le suc de la racine est âcre, désagréable, un peu amer, d’une odeur fétide ; le suc de la racine est nauséeux. Cette plante est purgative, hydragogue, vermifuge, emménagogue, incisive, diurétique.

La racine récente purge avec violence, & donne lieu à une évacuation abondante de sérosités. Il est peu prudent de se servir d’un tel purgatif ; il cause des coliques, le ténesme, & souvent l’inflammation des intestins ; desséchée, elle est moins active, parce qu’elle a perdu son eau de végétation dans laquelle réside son énergie. Elle est quelquefois indiquée dans l’hydropisie de poitrine & de matrice. Elle accroît les symptômes de la goutte, de l’épilepsie, des maladies du foie, de la rate, &c. Elle est essentiellement préjudiciable aux enfans, aux femmes enceintes, aux tempéramens bilieux & sanguins. Le mieux est de n’en faire aucun usage.

M. Morand, docteur en médecine, & de l’académie des sciences de Paris, compare avec raison la racine de bryone avec celle du manioque ou cassave, dont on nourrit les nègres dans toutes les îles de l’Amérique. Tant que ces deux plantes ne sont pas privées de leur eau de végétation, elles sont un poison très-actif, sur-tout l’eau du manioque ; & l’eau de la bryone le seroit également, ou agiroit comme les poisons, en corrodant, en enflammant, si on la donnoit à une dose un peu forte. La cassave bien desséchée, ensuite bien lavée & pilée, fournit une nourriture très-saine. Il en est ainsi de la bryone. Dans le tems de disette, comme le remarque l’ami du peuple, M. Parmentier, on pourroit y avoir recours, & M. Baumé voudroit que les amidoniers en fissent usage pour la poudre, à la place de la partie amilacée du blé. Elle serviroit encore à faire de la colle à l’usage des cordonniers, des tisserands, des relieurs de livres, & à une infinité d’autres artisans. On doit certainement applaudir aux vues économiques de ces savans ; & il seroit facile de multiplier cette plante le long des haies, dans les broussailles, parce qu’il lui faut des supports pour étendre ses tiges. Tous les deux ans on en feroit la récolte, & la grosseur de sa racine & la quantité d’amidon qu’elle contient, dédommageroient amplement des petits frais de main-d’œuvre.