Cours d’agriculture (Rozier)/CHARBON ou ANTHRAX (supplément)

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CHARBON ou ANTHRAX, (Maladie des animaux.) Le charbon est une mortification ordinairement très-rapide, qui a son siège soit à l’extérieur, soit à l’intérieur, et qui est susceptible de se communiquer par le contact. Celle maladie reçoit des noms divers et même bisarres, dans quelques pays. Quand le charbon est à la langue, on l’appelle glossanthrax, ampoule, boufle, chancre à la langue, mayée, etc. ; aux autres parties de la tête, araignée, miche, pirèche ; au poitrail, anticœur ; ancœur, avant-courroux, etc. ; à la cuisse, noire cuisse, trousse-galant, etc. ; à des parties indéterminées, aulmalsang, garmaduro, louvet, peste rouge, blanche, violette ; dans les parties intérieures, boyaux violets, dérigny, grippe, grosse rate, peste, venin souflé, etc.

Nous distinguerons le charbon en extérieur et en intérieur.

Le charbon extérieur est une tumeur, le plus souvent unique, qui vient surtout aux parties flasques, se développe et se gangrène très-rapidement, et conduit bientôt la plupart des animaux à la mort. Il y a quelques variétés dans la nature de ces tumeurs et dans leurs aspects.

Dans le cheval, la tumeur charbonneuse est ordinairement plus chaude que dans le bœuf, et sur-tout beaucoup plus douloureuse, ce qu’on apperçoit aisément, pour peu qu’on la touche ou qu’on la comprime. Elle se développe ordinairement, dans le cheval, en vingt-quatre ou trente-six heures, tandis qu’elle a souvent acquis tout son volume en six ou huit heures dans les bêtes à cornes. Dans le bœuf, elle est le plus souvent perforée dans son centre ; les lieux où elle se manifeste le plus ordinairement, dans le bœuf comme dans le cheval, sont l’encolure, le poitrail, les reins, le dessous du ventre, le fourreau, le scrotum, la face interne des cuisses, les glandes inguinales, et toute la jambe qui devient d’un volume énorme. La tumeur est de la grosseur d’une tête d’homme dans le bœuf ; souvent elle est aplatie et plus étendue, au lieu d’être saillante. Si on l’ouvre dans l’animal vivant, après qu’elle est entièrement formée, on voit que les parties affectées, et celles qui les avoisinent, sont infiltrées de sang dans leur tissu, noires et gangrenées ; quelquefois même les os participent à cette insulte ; on a vu de ces tumeurs s’ouvrir spontanément, épancher au dehors une matière sanieuse, gangréneuse, se terminer par une cicatrice, à la suite de quoi les animaux ont été sauvés ; mais ces cas favorables sont rares.

Le charbon est assez commun dans la bouche ; le gros de la langue en est le siège le plus ordinaire ; il se montre dans cet endroit sous forme de vessies blanchâtres, livides ou noires, qui le plus souvent s’ouvrent aussitôt après leur formation, fournissent une humeur sanieuse, et présentent un ou plusieurs ulcères enflammés, noirs ou livides, dont la langue est rongée, et qui la font quelquefois tomber en lambeaux : on a vu de ces ulcères percer en peu de temps la voûte du palais, ainsi que la membrane pituitaire ; la langue est tuméfiée au point de remplir toute la bouche ; elle sort même au dehors de trois ou quatre travers de doigt, et il en découle une humeur glaireuse et jaunâtre ; l’ulcère est quelquefois à la base de la langue ou aux parties environnantes du larynx, ce qu’on distingue par une haleine très-fétide.

Les poules et les dindons sont sujets aussi au charbon dans le bec, etc. ; on l’a observé au pied dans les oies, à la membrane des digitations.

Le charbon n’est pas toujours une tumeur très proéminente, souvent il consiste dans des infiltrations qui ont l’apparence d’œdèmes ; la peau est soulevée au loin, et quelquefois détachée et crépitante ; si l’on y fait des incisions, elles découvrent une masse d’un jaune-brun, quelquefois mêlée de stries de sang ; ou bien c’est une sérosité roussâtre, une gelée ou épanchement lymphatique dans le tissu cellulaire et dans celui des muscles, qui se propage dans les points contigus où le tissu cellulaire est lâche ; alors, c’est ce qu’on appelle le charbon blanc. Il y en a qui se reconnoissent seulement par une dureté ronde, enfoncée, que le tact distingue, en passant la main sur l’épine, les côtes, le ventre ; ou bien encore, il n’y a point de dureté, mais un simple enfoncement résultant de la détérioration des chairs à l’endroit où il y a crépitation.

On voit des charbons disparoître d’une partie, sur-tout des extrémités, pour se montrer dans une autre. Quand le charbon règne, on observe aussi qu’il se déclare souvent aux endroits où les animaux viennent d’éprouver quelques blessures qui, par cette raison, peuvent devenir funestes, si ce lieu est impropre au développement d’une tumeur, et surrtout si le sujet a éprouvé depuis quelque temps une indisposition maladive.

Outre les symptômes locaux que nous venons de décrire, il existe aussi, pendant la durée de la maladie, des phénomènes qui marquent ses progrès : les urines sont rares ou supprimées, l’animal est constipé, les extrémités, les oreilles, les cornes, la peau sont froides ; il survient un frisson, suivi de la chaleur de toutes les parties de la surface ; l’éruption des tumeurs paroît quelquefois soulager l’animal ; autrement les yeux sont ardens, deviennent hagards, le pouls s’accélère au point de devenir trois ou quatre fois plus vite que dans l’état de santé ; (Voyez Pouls) puis il devient lent et intermittent ; les forces diminuent et s’anéantissent, les yeux sont mourans et annoncent un affaissement général ; mais, quelque temps après, les forces se raniment pour un instant, l’animal éprouve des convulsions ; quelques chevaux entrent dans une agitation extrême, mordent la terre, l’ange, et périssent, comme dans des accès de rage, vingts quatre ou trente-six heures après l’invasion.

La mort n’est quelquefois pas aussi prompte, sur-tout dans le charbon blanc ; il en est qui mangent comme de coutume ; les flancs du cheval se creusent ; le bœuf ne rumine plus ; (Voyez Rumination) si on lui comprime l’épine aux lombes avec les doigts, il y témoigne une douleur qui le fait fléchir presque jusqu’à terre, ses flancs, se soulèvent par mémorisation ; la foiblesse, l’abattement se déclarent, la bête ne mange plus, elle exhale une odeur infecte, pousse des cris plaintifs, lâche des excrémens noirs et fétides : d’autres périssent sans gonflement, ni diarrhée, au bout du huitième, du douzième, ou du vingtième jour.

À l’ouverture du cadavre, ou trouve encore des désordres intérieurs divers : ce sont des taches ou points gangréneux sur le médiastin, ou sur le poumon, sur le cœur, le diaphragme, le foie, le pancréas, l’estomac, les intestins, les reins, la matrice, la vessie, etc. ; des tuméfactions noires et gangréneuses dans l’épaisseur du mésentère, dans les glandes mésentériques, dans la graisse qui enveloppe les reins, entre le péritoine et les muscles abdominaux ; des épanchemens de sang ou de sérosité dans la poitrine, dans la matrice, dans le bas-ventre. On a vu les nerfs lombaires noirs et charbonnés dans l’épizootie des bêtes à cornes, en 1797 ; les viscères sont infiltrés et en décomposition ; les cadavres, au moment de la mort, exhalent une odeur infecte.

Le charbon intérieur est aussi nommé fièvre charbonneuse. La mort des animaux qui en sont affectés n’est, le plus souvent, annoncée par aucuns symptômes ; il en est cependant en qui la maladie dure une heure ou deux : l’animal paroît d’abord étourdi, égaré ; il lève et baisse la tête, se secoue, se tourmente, se plaint, mugit ou hennit fréquemment ; les yeux sortent pour, ainsi dire de l’orbite, il chancèle, tombe, et meurt dans des convulsions violentes. Les victimes sont les animaux les plus jeunes les plus forts ; et la mort est d’autant plus prompte qu’ils sont plus vigoureux. Pour l’ordinaire, on ne voit le charbon intérieur bien caractérisé que par l’ouverture des cadavres : le sang est noir et charbonné dans les gros vaisseaux, surtout dans les grosses artères ; les poumons sont gorgés d’un sang noir et épais qu’on trouve aussi épanché quelquefois en grande quantité dans la poitrine ; la plèvre, le médiastin, le péricarde sont gorgés de sang ; il y a des tumeurs noires sur le mésentère, dans l’épaisseur de la rate, du foie, du pancréas ; des ecchymoses dans le cerveau, au poumon, sur le cœur, on aux parois intérieures des ventricules de ce dernier organe.

Il est important d’observer un symptôme qui précède toute espèce de charbon, soit extérieur, soit intérieur : c’est le hérissement et le changement de teinte du poil ; il est sec et rude, ainsi que la peau, qui ne fournit aucune matière transpiratoire. Cette altération des poils s’étend depuis le milieu du dos jusqu’au commencement de la croupe, et comprend les lianes des deux côtés.

L’épine, en cet endroit, est tellement sensible, que la bête fléchit presque jusqu’à terre, quand on la presse avec la main, ou bien cette partie est d’une roideur, d’une inflexibilité étranges.

On peut juger par ces symptômes que les animaux ne tarderont pas à être affectés.

Causes du charbon tant intérieur qu’extérieure. Les tumeurs charbonneuses, et particulièrement le charbon à la langue, sont habituelles ou enzootiques dans les terrains bas, marécageux, surtout dans les années où des brouillards épais produisent la rouille des feins et des pailles ; la maladie suit la direction qu’on remarque à ces brouillards. On voit encore le glossanlhrax dans certains endroits des pâturages où des insectes de diverses espèces se sont établis, où quelques uns ont déposé de nombreux filamens, et où ils ont obtenu une multiplication rapide. Il est quelquefois l’effet de l’irritation produite par les barbes des épis de l’orge des murs, de la folle avoine, etc.

Le charbon à la langue, ainsi que les autres tumeurs charbonneuses, viennent cependant ainsi dans les autres endroits, par les causes générales des charbons.

Ces causes sont, lorsqu’au printemps et dans une partie de l’été une sécheresse opiniâtre brûle les pâturages et cause la disette d’alimens, dessèche les marres, les ruisseaux, les rivières ; on ne peut plus alors abreuver les animaux que d’eaux bourbeuses et croupissantes, que d’eaux de puits froides et crues, ou bien il faut en aller chercher à plusieurs lieues. Ou tâche d’abord de suppléer au défaut d’alimens verts, par tout ce qu’on peut en avoir de secs ; puis on fait manger du trèfle en vert pour toute nourriture, dès qu’on peut en faucher ; on donne des foins et des grains, dès qu’on peut les récolter, et avant qu’ils aient jeté leur feu.

Les animaux sont mal nourris ; cependant les travaux sont ordinairement plus pénibles dans cette saison, et la sécheresse en augmente les dangers. L’intensité de ces causes est encore plus active dans les endroits élevés, et dans ceux où l’évaporation de l’eau a mis a sec des bourbiers, des étangs, des marais qui deviennent infects.

Les longues sécheresses sont le plus souvent terminées par des pluies abondantes et subites, ou elles surviennent quelquefois pendant la récolte des foins qu’elles lavent, et dont elles enlèvent les sucs nourriciers. Les eaux débordées, non seulement macèrent les plantes, mais les couvrent d’un limon qui s’y attache, et reste encore quand on donne le fourrage aux animaux.

Quelques foins mis en tas étant imparfaitement secs, se moisissent ; les insectes nombreux, dont la sécheresse avoit favorisé la multiplication, s’y pourrissent et ajoutent à leurs mauvaises qualités. Les pluies qui surviennent avant la récolte des fromens, des avoines, etc., versent surtout les blés, principalement si elles sont accompagnées de vent ; outre que le grain s’altère par cette circonstance, les pailles se détériorent à la manière des foins, et peuvent donner lieu aux mêmes accidens.

Après la récolte et les pluies, il pousse en abondance des herbes dans les lieux submergés ; les animaux ayant souffert de la disette, les cultivateurs s’empressent de les mettre au pâturage ; et c’est alors que les vapeurs qui s’élèvent de la terre, et qu’on désigne sous le nom de miasmes des marais, jointes au changement brusque opéré dans l’atmosphère et dans les alimens, produisent, dans l’économie animale, après divers changemens successifs, les altérations qui caractérisent le charbon.

Si ces causes n’ont pas, dans cette année, toute l’activité que nous avons supposée, la maladie est quelquefois moins répandue, ou bien elle ne se manifeste que trois, six ou huit mois après, lorsqu’on a fait consommer par les animaux les fourrages macérés, poudreux, moins capables de nourrir que de nuire, par le peu de bonté, et par toutes leurs mauvaises qualités. L’intensité du mal est bien plus grande encore, si de nouvelles intempéries viennent à l’augmenter.

Cette réunion de circonstances est une véritable calamité : le charbon attaque tout un pays, devient épizootique ; la perte d’un nombre prodigieux d’animaux fait la désolation sur-tout des campagnes.

Ces causes atteignent, par leur influence, les diverses espèces d’animaux, et quelquefois l’homme lui-même ; la contagion propage ce fléau ; la cohabitation d’animaux sains avec des animaux de même espèce sur-tout, et le contact d’une partie saine avec une partie charbonnée, suffisent pour communiquer la maladie.

En 1784, à Montauban, il périt des chiens qui n’avoient fait que lécher le sang, d’animaux charbonneux saignés pour les préserver ; il périt aussi des poules qui avoient seulement avalé des graviers teints du même sang.

Ailleurs, des mèges sont morts du charbon, parce qu’ils avoient vidé le rectum en fouillant avec la main ; des vétérinaires, parce qu’ils avoient touché du sang d’animaux charbonneux à quelques plaies ou à quelques boutons qu’ils avoient au bras, ou ailleurs : un berger mourut au bout de huit heures, parce qu’il avoit simplement ôté le cuir d’un œuf mort de la maladie ; d’autres ont été attaqués de gonflemens dangereux à diverses parties, pour avoir été atteints par du sang d’animaux charbonneux, ou pour s’être blessés avec l’instrument qui leur avoit servi à opérer, et ne sont parvenus à se sauver que par le traitement le plus méthodique et le mieux suivi.

Moyens curatifs du charbon. D’abord, nous allons exposer le traitement du charbon extérieur, en le rapportant à plusieurs indications.

Dès le début, on doit, 1°. tâcher de prolonger la vie, 2°. favoriser l’éruption de la tumeur et son développement, en excitant l’énergie vitale ; ou en la modérant, suivant qu’il est nécessaire.

On consultera d’abord le pouls ; s’il est plein et dur, si l’animal est vif, une pléthore sanguine pourroit conduire la maladie à une terminaison brusque et fâcheuse ; pour l’éviter, on fera, à la jugulaire, une saignée suffisante, et on la renouvellera, s’il en est besoin. (Voyez Saignée.)

Si au contraire le pouls est petit, foible et très-accéléré, ce qui est plus ordinaire, on se gardera de faire des saignées, on excitera plutôt l’éruption par une infusion de fleurs de sureau ou de feuilles de sauge, de sabine ou de rue, que l’on fera boire à la dose d’un litre, et dans laquelle on ajoutera, assa fétida, quatre gros ; vinaigre, quatre onces, et miel aussi quatre onces, ou quatre à six gros d’huile empyreumatique animale, distillée sur l’essence de térébenthine. (V. Huile empyreumatique.) Ce breuvage sera administré pendant quatre à cinq jours. On doit avoir pour seconde intention de fixer la tumeur, d’empêcher qu’elle ne s’étende aux parties voisines, et sur-tout à l’intérieur. On atteindra ce but en la cernant d’une raie de cautérisation, entre le mort et le vif, après avoir rasé le poil, en faisant, à la peau, des incisions verticales à deux pouces de distance l’une de l’autre, en disséquant la peau, en saisissant la tumeur avec un crochet de fer, et en l’extirpant toute entière. Si elle adhère à quelques parties profondes, sur lesquelles il y ait du danger d’inciser, on en détruira une partie, et on changera la nature du reste par l’application d’un cautère à bouton, puis on pansera avec de l’onguent vésicatoire.

Si la tumeur est étendue, il y auroit trop de délabrement à opérer par l’extirpation, et la nature ne pourroit jamais fournir à faire suppurer, et a faire cicatriser une surface aussi considérable. On peut cerner de même la tumeur, par une raie de cautérisation, passer un ou plusieurs sétons, faire des scarifications assez profondes aux endroits les plus affectés, presser les bords pour en faire sortir les liqueurs, cautériser dans les plaies ; les laver toutes les douze heures avec de l’essence de térébenthine, et y fixer des plumasseaux imbibés de cette liqueur.

Les tumeurs et les ulcères à la langue, etc., se traitent de même. On scarifie les parties infiltrées, on emporte, avec le bistouri ou les ciseaux courbes, tout ce qui est noir et gangrené, on les lave avec le vinaigre ou avec de l’eau acidulée par l’acide sulfurique ; on les touche avec de l’eau de Rabel (composée avec acide sulfurique une partie, mêlée à trois parties d’esprit de vin.) Si l’ulcère est entièrement au fond de la bouche, on portera dessus de l’alcali volatil fluor, (ammoniaque) au moyen d’un plumasseau fixé à un bâton ou a un nerf de bœuf. On fera la trachéotomie, s’il y a une grande difficulté de respirer.

Dans cette affection, les organes digestifs sont affoiblis, leurs fonctions languissent, les matières séjournent et s’altèrent. Il résulte de là une quatrième indication, qui est de donner peu d’alimens, mais qu’ils soient de facile digestion ; on la remplit en donnant sur-tout des liquides, tels que l’eau blanchie par le son, la farine d’orge, dans chaque décalitre de laquelle on ajoutera deux verres de vinaigre et deux onces de sel de nitre.

On en fera prendre au bœuf et au cheval, toutes les heures, un litre dans une caraffe, s’ils refusoient de la boire.

Une cinquième indication est de procurer l’évacuation des matières fécales, au moyen de lavemens faits d’une décoction de son, dans chacun desquels on mettra deux onces de sel commun, et on les réitérera toutes les deux heures.

Lorsque les déjections seront faciles, que les urines seront copieuses, on fera infuser deux poignées de chicorée sauvage dans un litre d’eau, et, après avoir coulé, on ajoutera quatre gros d’aloës, quatre onces de sel d’Epsom, deux onces d’oximel simple.

On réitérera ce breuvage trois fois par jour, jusqu’à ce que l’évacuation soit bien établie ; alors on le remplacera par des infusions légères de plantes aromatiques, telles que la sauge, l’hysope, etc.

Alors on donnera des lavemens seulement avec l’eau de son et un demi-verre de vinaigre.

Il se développe dans les ulcères, surtout du charbon blanc, des vers qui les remplissent ; on s’y oppose ou on les détruit, en couvrant l’ulcère d’huile empyreumatique grasse, qu’on y applique avec une plume, ou en y fixant des plumasseaux qui en soient chargés.

Les tumeurs subséquentes qui pourroient survenir seront traitées comme les premières. Quant aux tumeurs qui viendroient à s’affaisser ou à disparoître, on passera des sétons animés par la poudre, d’euphorbe et de cantharides ; on donnera des breuvages d’infusion de feuilles de sauge ou de fleurs de sureau, dans chacun desquels il entrera un demi-gros et même un gros d’alcali volatil fluor ou concret. On réitérera ces breuvages toutes les deux heures, jusqu’à ce que la tumeur ait reparu.

Les moyens les plus énergiques qui viennent d’être indiqués, conviennent pour le charbon intérieur ou fièvre charbonneuse ; on se hâtera de les employer, à cause du peu de temps qu’il y a entre l’invasion et la mort ; mais ordinairement les moyens préservatifs sont les seuls à mettre en usage.

Traitement préservatif du charbon^ Lorsque le charbon règne dans un pays, ou que l’on a déjà soi-même perdu un ou plusieurs animaux de cette maladie, sur-tout lorsque l’on apperçoit l’altération du poil et la très-grande sensibilité de l’épine lombaire, ou son insensibilité, il faut se hâter de recourir aux moyens préservatifs. Par rapport au charbon intérieur, l’intention est de produire au dehors l’éruption qui se feroit au dedans, d’obtenir la dépuration par cet exutoire, ou d’attirer au dehors la sensibilité dont l’altération seroit funeste dans l’intérieur.

Ce moyen consiste à s’empresser de passer un selon ou deux dans l’épaisseur des muscles pectoraux du cheval, et dans le fanon du bœuf ; de les oindre d’onguent vésicatoire, ou d’introduire dans les parties vives un morceau d’ellébore macéré dans le vinaigre ; ce qui occasionne une tumeur au bout de vingt-quatre ou trente heures : ou, si l’on veut un moyen plus actif encore, ce qui est très-bien indiqué dans le cas de charbon intérieur, de placer dans l’épaisseur des muscles pectoraux ou dans le fanon, gros comme un fève ordinaire de sublimé corrosif, que l’on passe dans un nouet de linge clair, ou que l’on attache à un séton. Alors la tumeur naît dans les six, douze ou dix-huit heures, et l’on a soin de retirer la matière qui a servi à la produire. Il faut la traverser d’un séton, quand elle est bien formée, (si on n’y en a pas mis d’abord) et retourner cette mèche, pour obtenir la fonte de la tumeur par le peu de suppuration dont elle est susceptible, ou l’on finira par l’extirper comme une tumeur charbonneuse. S’il ne se formoit pas de tumeur, ce seroit une marque que la vitalité s’éteint ; il faudroit alors redoubler les moyens prescrits. Le régime est de rigueur ; dans ce cas, on nettoiera, chaque jour, les habitations ; on étrillera, on bouchonnera les chevaux et les bœufs, on les brossera et on les tiendra dans la plus grande propreté ; on aérera les habitations ; on promènera les animaux, On leur donnera peu d’alimens, mais de bonne qualité ; on préférera les alimens secs et l’eau courante ; enfin, on visitera chaque jour les animaux, et l’on examinera toutes les parties de leur corps, pour reconnoître s’il ne se manifeste aucun des symptômes que nous avons décrits.

Moyens d’éviter la contagion. 1°. Pour les hommes. On ne fouillera point les animaux pour leur vider le rectum. L’artiste, quand il opérera, aura soin de couvrir de compresses, fixées par des bandes, les parties de sa main ou du bras où il auroit quelques blessures ou quelques boutons. Il s’onidra les mains de graisse ou de suif, et redoublera d’attention pour ne point se blesser avec les instrumens qui auront servi à l’opération ; on n’enlèvera point la peau, on la tailladera sur le corps même.

On se savonnera les mains, on les lavera avec de l’eau vinaigrée, après chaque opération ou pansement.

Si l’opérateur se blesse, il s’empressera d’enlever les environs de sa blessure avec un instrument étranger à l’opération, de la laver avec de l’eau acidulée, et d’y appliquer le cautère actuel ou potenliel.

2°. Pour les animaux. Les animaux sains seront séparés des malades, autant que les localités le permettront. Les personnes qui saigneront les uns, devront se garder d’approcher des autres et de leur porter la maladie. Les chiens errans seront tués.

Les fumiers seront brûlés chaque jour tout près des habitations mêmes.

Les cadavres des animaux morts ne seront point traînés sur la terre, mais emportés sur des charrettes et par des animaux d’espèce différente, autant qu’on le pourra.

Les charrettes seront nettoyées ensuite.

Les bêtes seront enterrées dans des fosses de huit pieds de profondeur, faites à cent toises des habitations.

On enterrera le sang sorti de ces animaux, ainsi que la terre qui auroit été souillée de leurs débris.

On bâtira les couches de terre remises dans la fosse pour empêcher les exhalaisons, et l’exhumation par des chiens ou d’autres animaux carnassiers. (V. Désinfection, Acide muriatique.) Ch. et Fr.)