Cours d’agriculture (Rozier)/FAINE, huile de

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Marchant (Tome douzièmep. 30-32).


FAINE, (Huile de) ou Graine du hêtre, (Fagus sylvatica Lin.) Addition à l’article Hêtre. La faîne, connue dans la majeure partie de l’Europe, et répandue dans toute la France, est renfermée dans une enveloppe d’où elle s’échappe d’elle-même. Elle est, comme on sait, revêtue extérieurement d’une écorce dure et tenace, et l’amande est immédiatement revêtue d’une pellicule mince qui adhère à sa surface. Dans l’intervalle de la face interne de l’enveloppe extérieure, à la face externe de la pellicule de l’amande, la cellule est tapissée par un duvet fin et épais, qui se manifeste au moment de la maturité du fruit.

L’amande de la faîne, comme toutes les noix, contient dans sa substance parenchymateuse une huile et un mucilage unis ensemble. On en sépare l’huile au moyen de l’eau chaude, qui s’empare du mucilage, ou bien par la pression et en laissant séparer l’huile d’elle-même. L’eau s’empare aussi d’un principe sapide qui y existe, donne de la saveur à l’huile, qui, sans cela, seroit fade.

La faîne ne contient une grande quantité d’huile que lorsqu’elle est à maturité, et ne la donne qu’après être desséchée. Pour parvenir ce but, il faut avoir soin de la conserver dans des endroits secs et exposés aux vents du nord. L’époque pour en extraire l’huile avantageusement, est depuis la fin de novembre jusqu’au mois de mars.

Récolte, On ramasse la faîne quand elle tombe spontanément, et il faut choisir un temps sec. On peut cependant en accélérer la chute, en imprimant des secousses à l’arbre ; mais il faut éviter le gaulage, qui est toujours préjudiciable aux bourgeons et aux jeunes pousses.

Les différens procédés pour ramasser les faînes, sont la cueillette à la main, les râteaux et les balais ; mais, quel que soit le moyen dont on se servira, il faut les purger des brindilles et des feuilles qui se trouvent mêlées avec elles. On évitera aussi de les accumuler, avant de les avoir bien fait sécher à l’ombre, car étant humides et entassées, elles ne tarderoient pas à fermenter et altéreroient ainsi la qualité de l’huile.

Préparation. Pour préparer la faîne, afin d’avoir une huile de bonne qualité, on doit séparer ce qui auroit resté de corps étrangers, en la vannant, ou plutôt en se servant du crible à vent, qui peut-être tenu à bras, ou adapté à un moulin à farine.

Pour obtenir une huile superfine, il faut trier les plus belles faînes, et le temps qu’on y emploie est bien récompensé par les résultats avantageux qu’on obtient.

Mais je condamne absolument le procédé qu’on a conseillé, de jeter les graines dans l’eau, afin de les isoler des corps légers qui resteroient à la surface. Joint à ce qu’il y a des corps étrangers plus pesans que la faîne, tels que des cailloux, qui se précipiteroient, l’humidité que contracte la graine, la difficulté de l’écorçage augmentée, doivent faire abandonner ce moyen comme vicieux.

Emploi des graines entières. On extrait ordinairement l’huile de la faîne, sans la dépouiller de son enveloppe. Mais il y a diminution de produit, 1o . par une perte d’huile qui est absorbée par le duvet et l’écorce, et qu’on évalue à un septième ; 2°. l’huile en est moins douce ; 3". elle dépose davantage ; 4". l’écorce dure se trouvant mêlée dans les tourteaux avec le parenchyme, ils sont moins propres à la nourriture des bestiaux.

Emploi des graines écorcées. L’écorçage consiste à enlever l’enveloppe dure qui forme la cellule de l’amande, et qui adhère à sa pellicule. Pour le pratiquer, la faîne doit être sèche, et alors son enveloppe se brise facilement entre les doigts. Mais la méthode de l’écorçage à la main est longue, et n’enlève point la pellicule qui est adhérente à l’amande, pellicule qui lui donne une saveur amère, dont le frottement et le vannage la purgent. On a proposé, dans ce cas, de faire sécher la faîne sur des plaques de tôle ; mais la chaleur doit être alors très-modérée, et, crainte d’erreur, je conseillerois aux cultivateurs comme un moyen même économique, de se servir du four lorsqu’on en a retiré le pain.

On pourroit pratiquer l’écolage en grand au moyen des meules de moulin, qu’on écarteroit de manière à n’attaquer que l’écorce ; et cette opération employée pour le mondage des graines (Voy. article Gruau) doit avoir de bons résultats. La faîne ainsi dépouillée de son écorce, veut être employée aussitôt, car elle ne tarde pas à s’altérer, et l’huile qu’elle contient se rancit par le contact de l’air, qui la sature d’oxigène.

Machines et instrumens. On pourroit renvoyer pour cet objet à ce que nous avons dit, sur les moyens propres à extraire les huiles, car les machines et instrumens qu’on emploie sont applicables à la faîne. Mais il faut les nettoyer soigneusement en les échaudant avec une lessive de potasse, car les vieilles huiles dont ils sont imprégnés, altéreroient la meilleure qualité d’huile qu’on pourroit obtenir.

Les instrumens neufs ont un autre inconvénient, qui est de gâter d’abord l’huile, et d’en absorber une certaine quantité ; il faut donc, avant d’en faire usage, les saturer et leur faire subir la lessive de potasse. Il seroit, au reste, à désirer que les parties des machines qui touchent à l’huile, fussent en fer battu, et on conçoit assez les raisons pour éviter que jamais elles soient en cuivre.

Ces machines se réduisent à quatre espèces, savoir :

1°. Les premières, destinées à nettoyer les faînes, et qui sont le crible, le van, le tarare, et le moulin à farine. (Voyez ci-dessus.)

2°. Les secondes, qui divisent la faîne ; sont le moulin à pilon, le mortier, les moulins à farine, et les bluteaux. (Voyez ces articles.)

3°. Celles qui expriment cette huile consistent en presses, sacs et chaudières.

4°. Celles qui servent à conserver l’huile, sont des tonneaux, des jarres, et des outres.

Pilage. Il faut diviser la faîne, pour obtenir l’huile qu’elle contient, et on la fait pour cela passer sous des pilons, qui agissent dans des espèces de mortiers ou trous creusés dans le bois. Il faut éviter que les coups des pilons ne soient trop forts, parce qu’ils altéreroient l’huile en l’échauffant. Pour remédier à cet inconvénient, on ajoute de l’eau, et on laisse reposer la pâte afin qu’elle s’imbibe, et on recommence ensuite à piler. Trop d’eau feroit une émulsion, et la juste proportion est d’une livre d’eau sur quinze livres de faînes. Un quart d’heure de battage suffit pour broyer la faîne, et on juge qu’elle l’est suffisamment, lorsqu’en pressant la pâte, on voit suinter l’huile.

Écrasage. Il ne diffère du pilage, que parce qu’on fait usage des meules.

Mouture. Une manière avantageuse de diviser la faîne écorcée, c’est de la réduire en farine grossière, avec des moulins à eau. On pourroit, en petit, leur substituer les moulins à bras, et enfin des moulins faits comme ceux à moutarde.

Pressage, C’est le même procédé que pour l’extraction de toutes les huiles. Une température moyenne et de l’eau, sont indispensables pour obtenir une plus grande quantité d’huile ; la pression est le seul moyen de la retirer ; plus elle est graduée, lente et forte, et plus l’opération est bonne.

Après une première pression, on retire la pâte qui est devenue solide, qu’on pulvérise pour la préparer à une seconde pression. Dans cet état, on la fait chauffer dans des vaisseaux, en y ajoutant de l’eau chaude, mais en plus petite quantité que la première fois, et ayant attention de remuer la pâte, afin qu’elle ne brûle pas. La chaleur qu’elle doit éprouver, est à peu près celle de l’eau qui commence à entrer en ébullition.

La presse à épiciers, et enfin un étau, peuvent servir pour opérer en petit.

Outre la presse, il est nécessaire d’avoir des sacs pour renfermer la pâte ou la farine, et des vaisseaux, afin de recevoir l’huile et pour pratiquer les épurations.

Les sacs peuvent être en crin, en treillis, en grosse toile, en étoffe de laine, en tissu de joncs et en sparte. On doit donner la préférence au crin, parce qu’il n’absorbe point l’huile, parce que ses mailles ne s’obstruent pas, et enfin parce qu’il est résistant et facile à nettoyer.

Les vases destinés à recevoir l’huile, seront ou vernissés, ou en grès, ou en faïence, et même en fer.

Qualités, propriétés, et usages de l’huile de faine. C’est, après l’huile d’olive, la meilleure, et elle se conserve plus de dix ans. Dans les premières années, elle acquiert de la qualité, et elle peut, dans tous les usages, suffire à nos besoins. Elle est bonne dans les alimens, elle brûle sans odeur, elle peut servir à préparer les laines, et à la peinture ; mais elle ne convient pas à préparer le cuir.

La faîne donne le sixième de son poids d’huile.

Sa conservation. Nous avons dit que l’huile de faine se conservoit dix ans, cependant elle contracte facilement de l’odeur. On peut la garder dans des tonneaux, ou dans des vases ; et si on les enterre, elle se détériore moins rapidement encore.

Les trois premiers mois, il est utile de soutirer l’huile sans la remuer, la clarification seule lui donnant une bonne qualité.

Tourteaux. Les tourtes, tourteaux ou pains, sont le résidu desséché de la faîne. Si elle a été écorcée, ils peuvent servir à la nourriture des animaux, tels que cochons, volailles et bœufs, mais on doit faire attention qu’ils rendent leur graisse huileuse.

Ils font, outre cela, un bon feu, dont les cendres donnent beaucoup de potasse.