Cours d’agriculture (Rozier)/FARCIN (supplément)

La bibliothèque libre.


FARCIN, (Maladie des animaux.) Le farcin est une maladie particulière au cheval, à l’âne et au mulet.

Il consiste dans une éruption de tumeurs froides plus ou moins dures, jamais accompagnées de prurit, à moins qu’elles ne soient compliquées de gale ou autre affection de ce genre.

Les tumeurs qui caractérisent le farcin sont ou superficielles ou enfoncées, et par conséquent apparentes ou difficiles à appercevoir.

Leur volume varie beaucoup : il en est de grosses, de moyennes, et de très-petites.

Les unes sont rondes et circonscrites ; on les appelle boutons de farcin. Les autres, plus ou moins allongées, quelquefois même aplaties, conservent le nom de tumeurs farcineuses ; enfin, il en est de plus étroites et plus étendues en longueur, qui sont connues sous le nom de cordes de farcin. Ces cordes sont appelées chapelet lorsqu’il y a étranglement d’espace en espace, ou que les boutons sont liés entr’eux par des prolongemens plus étroits.

Farcin léger. Il est des boutons très-superficiels, dont le volume n’excède pas celui d’un pois, qui n’attaquent que le corps de la peau, mais qui sont ordinairement très-multipliés. Comme ils résistent foiblement aux efforts de la nature et aux moyens de l’art, on leur a donné le nom de farcin volant. Les tumeurs farcineuses n’ont point de siège déterminé, toute la surface du corps y est exposée ; la conjonctive, les tarses, la caroncule lacrymale, la membrane clignotante, même les tendons, les gaines aponévrotiques, les articulations, n’en sont pas exemptes. Cependant, on voit que les parties latérales de l’encolure, les épaules, les côtes, les flancs, les ars, le poitrail et les extrémités en sont plus souvent affectés que le dos, le dessous du ventre, l’anus, le jarret, la membrane du nez.

Les cordes farcineuses suivent assez constamment le trajet des gros vaisseaux veineux, et sur-tout des vaisseaux lymphatiques, dans l’intérieur desquels la matière farcineuse paroit exister ; les étranglemens qui séparent les cordes farcineuses dans les chapelets du farcin, paroissent dus aux valvules de ces vaisseaux.

Farcin grave ou redoutable. Les tuméfactions farcineuses qui sont logées profondément, occasionnent de la douleur, de la fièvre, du dégoût, de la tristesse. C’est à cet enfoncement que sont dus ces engorgemens considérables qui accompagnent ordinairement le farcin des extrémités, des lèvres, des joues, des naseaux et des paupières.

Les tumeurs qui décèlent un farcin redoutable, adhèrent aux chairs, aux tendons et aux aponévroses, aux ligamens, aux cartilages, au périoste, aux os. Ils sont douloureux, ils s’abcédant avec peine, et jamais entièrement ; les ulcères qui en résultent sont calleux, ils fournissent une ample végétation de chairs baveuses, fongueuses, livides, qui se renversent ou se rabattent en forme de champignon : c’est ce qu’on appelle farcin cul-de-poule. D’autres fois, les résultats de cette végétation hâtée sont plus fermes, plus durs, et ont le caractère d’un vrai carcinome. Le pus en est rare ou abondant ; dans le premier cas, il est ordinairement blanchâtre, concret, et, suivant les parties où il se fixe sans avoir d’ouverture, il occasionne des ganglions, des nodus et des ankyloses. Quand il est plus fluide, il est en quelque manière dissous, ichoreux, jaunâtre, verdâtre, sanguinolent ; l’odeur alors en est le plus souvent infecte. Quelquefois il ronge la peau, fait tomber les poils, découvre les muscles, les tendons, les ligamens, les articulations ; attaque les os qu’il carie, et au travers desquels il creuse des sinus, des clapiers ; en un mot il détruit toutes les parties qu’il gagne successivement. Nous l’avons vu pénétrer la substance compacte du canon, détériorer la moelle, et ronger la substance réticulaire de cet os.

Il est d’autres boutons et des cordes de farcin, résultant de tumeurs plus volumineuses, dont le poids est de plusieurs livres. Elles sont plus ou moins enfoncées dans les interstices des muscles, elles occupent ordinairement les glandes sublinguales, maxillaires, parotides, axillaires. On en voit aussi dans les mamelles, dans les testicules, entre les carotides à leur sortie du thorax, etc., etc. Dans tous ces cas, l’induration est plus fréquente que la suppuration, qui est toujours extrêmement tardive, et qui n’a jamais lieu que dans une très-petite portion du centre.

Nous voyons encore qu’un seul bouton comme une seule corde, ouverts ou épanouis, forment dans peu un ulcère qui détruit tout le corps de la peau, et s’étend de manière à occuper tout un membre ; tandis qu’il en est dont les progrès, plus obscurs et plus lents, qui attaquent les parties dures, suscitent des fistules lacrymales, des spina-ventosa, des javards encornés, etc.

Ceux qui se fixent et s’ouvrent par la membrane pituitaire opèrent le plus souvent un changement dans les symptômes ; les boutons disparaissent, et il s’établit, par les naseaux, un écoulement de matière brune, ou du moins de couleur plus obscure que dans la morve. Quelquefois aussi la morve se déclare, et cette métamorphose est presque toujours désavantageuse. Il n’en est pas de même si la larcin, termine la morve : il est quelquefois léger, et nous avons vu des chevaux affectés de la morve, se sauver par cette conversion.

Outre les symptômes relatifs aux tumeurs et aux ulcères, il en est encore d’autres qui pourront faire reconnoître qu’il a un caractère redoutable ; ce sont des œdèmes ou plutôt des indurations carcinomateuses aux paupières, au poitrail, aux muscles abdominaux, aux mamelles, aux testicules, aux jambes ; la lenteur et la foiblesse du pouls, la pâleur de la conjonctive, le terne du poil, la limpidité des urines, l’espèce d’onctuosité qui enduit le derme et qui retient l’étrille, le peu de crasse que cet instrument enlève, etc.

Le farcin a souvent pour symptômes précurseurs, sur-tout dans les chevaux irritables, des lassitudes spontanées, des foiblesses générales, l’insensibilité, des engorgemens œdémateux, le dégoût, la tristesse, l’abattement, la raideur dans les membres et dans le corps, le gonflement de la peau, le hérissement des poils ; le tout accompagné de la toux sèche, de l’accélération de la respiration, d’un pouls petit, concentré et accéléré ; et c’est à la suite de cette commotion fébrile, qui dure vingt-quatre à trente-six heures, que les tumeurs farcineuses paroissent : cette éruption fait cesser tous les symptômes précédens.

Le farcin des extrémités postérieures commence souvent par un engorgement œdémateux aux testicules, au fourreau et aux glandes inguinales ; le jarret du côté le plus affecté s’engorge, devient douloureux et chaud.

La terminaison présente des aspects qui ne sont pas moins variés. Quelques tumeurs farcineuses s’abcèdent au moment où elles paroissent ; d’autres suppurent très-difficilement ; il en est qui restent long-temps dans l’induration ; un petit nombre paroit se résoudre, tandis que la matière ne fait que passer dans une tumeur voisine. La matière des abcès est en partie séreuse et en partie grumeleuse, et jamais ce qu’on appelle louable ; elle manque d’uniformité, n’est point liée, exhale une odeur infecte qui lui est propre, et a beaucoup d’analogie avec celle que fournissent les tumeurs écrouelleuses dans l’homme.

Altération des organes extérieurs, observée dans les cadavres. Si l’on dissèque les parties affectées, on les trouve infiltrées ; le périoste est épaissi, ainsi que le tissu cellulaire qui entre dans leur composition. Les artères sur-tout des jambes sont plus larges, et les veines variqueuses ; la peau est très-épaisse, elle ressemble à du lard ; l’infiltration existe aussi dans tous les tissus aponévrotiques et tendineux ; le tissu réticulaire des os des jambes est moins vermeil lorsqu’elles ont éprouvé des engorgemens considérables.

Altérations dans les parties intérieures. Les oarties intérieures des animaux que cette maladie enlève, présentent à peu près les mêmes phénomènes que ceux qui se manifestent à l’extérieur. On y trouve l’engorgement squirreux du plus grand nombre des glandes lymphatiques ; l’engorgement variqueux de la majeure partie des vaisseaux chylifères, le rétrécissement du réservoir du chyle, les glandes inguinales très-tuméfiées, un des poumons comme abcédé, contenant comme des boutons de farcin, une matière blanchâtre, épaisse, concrète, qui se trouve aussi quelquefois dans le foie, dans la rate, qui est desséchée, etc.

Il existe encore, chez plusieurs, des vers de diverses espèces dans l’estomac et les intestins.

Causes prédisposantes. Les chevaux élevés dans les pays marécageux, aquatiques, qui ont de longs poils aux jambes, qui sont lourds, massifs ; tels que les chevaux de rivière, ceux qui habitent des lieux humides sujets à être inondés ; ceux qu’on loge dans des écuries froides, où les harnois se moisissent, où l’eau coule en gouttes le long des murs, où l’air ne se renouvelle point, dans lesquelles la lumière ne pénètre jamais ; ceux qui ne font point un exercice modéré et habituel, qui sont sujets aux engorgemens, aux eaux aux jambes, sont plus disposés au farcin, de même que les chevaux irritables, dont l’ardeur entreprend plus que leurs moyens physiques ne peuvent exécuter.

Causes occasionnelles. Les principales sont, 1°. les mauvais alimens, sur-tout les alimens secs, qui sont vasés, poudreux ; le trèfle donné pour toute nourriture.

2°. Des eaux insalubres, qui dissolvent mal le savon, dans lesquelles les légumes cuisent mal.

3°. Le travail forcé, sur-tout les courses rapides, trop longues, trop répétées.

4°. Le grain donné à discrétion dans les intervalles des travaux excessifs, mais qui ne répare point les forces, parce que les digestions sont toujours imparfaites.

5°. La cessation d’un travail journalier, nécessitée par un clou de rue, une sole brûlée, etc.

6°. Les transpirations arrêtées, sur-tout après le repas, par

Des pluies froides, ou un air froid et humide ;

Une immersion assez longue dans l’eau froide ou glacée, circonstance fréquente dans les chevaux de rivière, et qui entrent souvent dans l’eau étant en sueur ;

Une boisson froide, d’eau de neige, etc.

7°. Le farcin est quelquefois la suite de gourmes imparfaites, d’eaux aux jambes, de gales supprimées.

8°. La contagion.

Si cette maladie se communique, c’est surtout par l’application des harnois qui viennent de servir à un cheval farcineux. Dans ce cas, le dos, les épaules, l’encolure, le poitrail seront les parties primitivement affectées ; le contact des lèvres contre les fuseaux du râtelier, contre l’auge ; le frottement d’une partie d’un animal sain contre un ulcère farcineux, peut-être même l’exhalation fétide des ulcères, seroient des moyens de communication, surtout s’il y avoit quelque disposition dans le sujet qui cohabite. Le degré ou l’intensité du farcin communiqué dépendroit en ce cas de la disposition du sujet, qui auroit été atteint par le virus ; et le farcin transmis sembleroit devoir toujours être regardé comme moins rebelle.

Quoique la participation aux mêmes causes puisse suffire pour donner la raison du nombre d’animaux affectés en même temps, il est cependant toujours prudent de prendre les mesures propres à éviter la contagion.

Le farcin est enzootique dans quelques contrées, dans quelques écuries humides, etc.

Moyens préservatifs. 1°. Éviter la consommation de fourrages altérés, quelle que soit la nécessité, attendu que l’on finit toujours par perdre ces fourrages, et les animaux qui les ont consommés ; il vaut mieux ne les nourrir qu’avec la paille et l’avoine, que de remplir leur estomac d’alimens de la sorte.

2°. Lorsque le service est trop actif relativement au petit nombre de chevaux, et qu’il est indispensable de faire redoubler la course pour conduire les courriers, il est de règle qu’on donne le temps aux chevaux de manger l’avoine ; et, cette ration prise, les chevaux étant encore tout échauffés, on les attèle et on les fait partir. Cette nourriture, bien loin de restaurer l’animal, gêne les entrailles et lui donne une indigestion. On éviteroit cet inconvénient, dont les suites sont non seulement le farcin, mais encore le vertige et la fluxion périodique, en donnant seulement un demi-litre de vin, une bouteille de bière ou de cidre, suivant les lieux, et en ayant l’attention de modérer la course pendant la dernière demi-poste. Les chevaux arrivant moins essoufflés, on leur donneront des tranches de pain de seigle ou de méteil, sur chacune desquelles on saupoudreroit du sel de cuisine ; les chevaux habitués à cet aliment le mangent avec vivacité ; on leur donne par-dessus la boisson spiritueuse dont nous venons de parler : ce qui les met en état de continuer la course, ayant soin d’aller modérément pendant la première demi-poste, et d’augmenter peu à peu lorsque les chevaux se mettent en haleine. Ce régime est en vigueur dans les pays de montagnes où les postes sont rares, où la course est de sept à huit lieues, souvent de neuf ; les chevaux étant ainsi restaurés toutes les deux ou trois lieues, supportent le service sans éprouver le moindre accident. Au lieu qu’il est impossible qu’ils digèrent, l’avoine, étant dans une agitation aussi violente que celle où les met une course soutenue pendant plusieurs heures.

Une bonne partie de ce régime peut être admis pour les chevaux de diligences, et généralement pour ceux destinés au service public. En général, on se hâte trop de donner à manger aux chevaux immédiatement après la course ; ce moment n’est pas celui où l’estomac est disposé à recevoir des alimens ; ils s’y accumulent, mais ne s’y digèrent pas. Il faut donc avoir recours aux alimens d’une digestion très-facile.

3°. Éviter les refroidissemens subits ; ce qui arrive après la course, lorsqu’on laisse les chevaux étant en sueur, refroidir dans le repos, au lieu de continuer la marche, en la ralentissant peu à peu jusqu’à ce que la respiration soit tranquille et que la sueur soit passée. Alors on les rentre, on les bouchonne, on les couvre ; on ne leur permet de manger qu’une bonne demi-heure après qu’ils sont reposés. Si la pluie, le froid rigoureux, s’opposent à cette promenade, et que l’on soit obligé de les rentrer en nage, on prévient les effets du refroidissement subit en les bouchonnant jusqu’à ce qu’ils soient secs, et en leur donnant une chopine de vin chaud.

Tout postillon qui, après la course, expose ses chevaux aux courans d’air, qui s’amuse au lieu de les soigner, doit être congédié, attendu les suites funestes qui résultent de cette inconséquence.

4°. Consacrer à un autre usage les écuries qu’on ne peut rendre salubres, en élevant le sol, en faisant des ouvertures correspondantes qui renouvellent l’air, ou en y pratiquant des ventouses, en enlevant la terre qui rend les mur humides, et en pratiquant des fossés ou des ruisseaux qui fassent écouler les eaux.

5°. Il faudroit faire bouchonner avec de la paille molle brisée tout le corps des chevaux en sueur, et sur-tout des chevaux de rivière, quand ils finissent de travailler ; leur mettre une couverture dès qu’ils sont entrés à l’écurie ; leur faire prendre, dans le son ou l’avoine, deux ou trois onces de sel de cuisine par jour, leur diminuer le foin et leur donner quelques jointées de féveroles pour exciter l’action des intestins et de la peau.

6°. Avoir dans les postes aux chevaux, des toiles postiches que l’on mettroit sous les panneaux, qui ne serviroient que pour le même cheval, ou bien on laveroit toujours celles qui auroient servi dans la course : on auroit soin aussi de ne les remettre sur les chevaux qu’après qu’elles seroient bien sèches.

Pronostic. Le farcin qui se manifeste autour des lèvres, dont les boutons sont petits, qui n’intéresse pas les glandes lymphatiques de la ganache, et qui ne produit aucun effet sur la membrane du nez, n’est pas ordinairement dangereux.

Il en est de même de celui qui existe sur les côtes, qui n’intéresse que la peau ou la superficie des muscles. Dans cette espèce de farcin, les parties, après l’opération, sont vermeilles, fournissent une matière uniforme et assez louable ; les bords des ulcères se détuméfient, l’animal est gai, libre dans ses mouvemens, et conserve son appétit.

Le pronostic le moins favorable se tire de la profondeur des ulcères, de leur dureté, de leur sensibilité, de leur multitude, de leur apparition successive et constante, à mesure de la disparition des premiers. Ils végètent sans cesse, forment des champignons plus ou moins volumineux ; il se développe des cordes d’une étendue considérable, qui se prolongent à de très-grandes distances, par exemple, des talons aux ars, au ventre, et pénètrent même dans les grandes cavités. La matière fournie par ces ulcères est sanguinolente, gluante ou séreuse ; enfin, les boutons et les ulcères farcineux se portent sur la membrane du nez ; les glandes lymphatiques se gonflent, et tous les signes de la morve se manifestent. Le mal est ancien, et le sujet est assez ordinairement débile, épuisé par des épreuves auxquelles l’impéritie ne manque pas de le soumettre.

La maladie n’est pas moins incurable s’il y a des douleurs vagues, des claudications subites ; si l’animal dépérit de plus en plus, et que, ses excrémens et son corps lui-même exhalent une odeur mauvaise.

Traitement. Il y a peu de maladies pour la guérison desquelles on ait tenté un aussi grand nombre de spécifiques. Il n’est pas de maître de poste, de cultivateur, de guérisseur, qui n’aient le leur, auquel ils donnent la préférence. Noix vomiques qu’on faisoit avaler en nombre impair ; arsenic donné dans le son et l’avoine ; tuyaux de plumes cachetés contenant du mercure suspendu À la crinière, en prononçant des paroles mystérieuses, voila quelques uns des mille moyens qui ont été mis en usage contre cette maladie.

Les purgatifs, dont on fait un si grand emploi, ne peuvent convenir que dans le principe de la maladie, lorsque l’estomac et les gros intestins sont surchargés d’une grande quantité de matières alimentaires.

La saignée est rarement indiquée ; cependant s’il y avoit une fièvre sanguine annoncée par la plénitude et la dureté du pouls, on devroit la pratiquer ; mais il faut prendre garde d’affoiblir les forces vitales par une trop grande évacuation de sang.

Les substances minérales qui sont données à pleines mains par les guérisseurs, devenant des moyens indiscrets, produisent la désorganisation plutôt que la guérison. Le mercure, sous quelque forme qu’il ait été employé, nous a toujours paru contraire : une fièvre subite survenue spontanément ou excitée par l’art, a plutôt pour effet d’accroître la maladie que de régulariser les secours. Les substances incendiaires dont on fait usage, jusqu’à présent, causent des éréthismes, des irritations, des inflammations qui s’opposent toujours à toute évacuation salutaire, et aggravent le mal.

Quoique le farcin soit une maladie éruptive, et qu’elle se termine souvent par une espèce de suppuration, elle n’est cependant pas exactement critique ; étant semblable, en beaucoup de points, à celle qu’on appelle écrouelles dans l’homme, on ne doit, pour ainsi dire, s’attendre, de la part de la nature, à aucun effort. En effet, comment espérer des évacuations critiques par des vaisseaux qui tous ne tendent qu’à porter de la circonférence au centre ? Nous ne devons donc qu’aviser aux moyens de séparer les points affectés de tout ce qui est sain, et de rétablir l’action de la peau.

Traitement local. Le traitement local, quoique prescrit séparément, doit marcher de front avec le traitement intérieur ; il est relatif à la disposition et à la nature des parties que le mal affecte, ainsi qu’au mode de tuméfaction qui existe.

On se dispense d’opérer le farcin qui occupe la tête ou les jambes, et qui se montre sous forme de petites cordes et de petits boutons, en l’attaquant par une forte teinture de cantharides, dont on réitère l’application jusqu’à ce qu’elle ait produit l’effet désiré.

Lorsque les tumeurs farineuses ont peu de volume, et qu’elles sont situées de manière à être extirpées sans danger, il est avantageux de se livrer à l’extirpation. La suppuration qui en résulte est simple et toujours passable, quoique ce ne soit pas la tumeur farcineuse qui suppure autant que les parties environnantes.

Dans le farcin très-léger, l’extirpation seule peut suffire pour la cure ; mais il est d’autres cas assez graves où il faut exciter dans les parties opérées une action supérieure à celle dont elles jouissent ordinairement. Le moyen à employer pour cet effet est la cautérisation : on s’arme d’un couteau de feu, on le fait chauffer couleur de cerise, on trace une raie de cautérisation sur la peau, dans toute la circonférence de la partie opérée, à un travers de doigt des bords de la plaie ; puis, une seconde raie à double distance de la précédente. Le degré de cette cautérisation est absolument le même que celui indiqué pour les paupières, dans la Fluxion périodique. (Voyez ce mot.)

Outre le mode de cautérisation commun à toutes les tumeurs farcineuses, les cordes à chapelet, qui exigent de grandes raies pour les circonscrire dans toute leur étendue, doivent encore recevoir, dans l’intervalle, des boutons de feu ou des raies de cautérisation.

Les pansemens subséquens qu’on doit employer, tant sur les parties cautérisées que sur les ulcères résultant de l’extirpation des boutons et des cordes de farcin, sont très-simples : il ne faut point y appliquer d’onguent : quel qu’il soit, il bouche les pores de la peau, et s’oppose à la transpiration, qu’il est si important de favoriser. Les parties cautérisées n’ont besoin que d’être tenues très-propres, et lorsque la suppuration sera établie, les parties ulcérées ne demandent que d’être recouvertes d’étoupes hachées ou réduites en poudre ; lorsque ces étoupes sont humectées par la suppuration, on les enlève, on déterge les ulcères avec une éponge légèrement imbibée d’eau tiède, et on les recouvre de nouvelles étoupes hachées ; ce renouvellement doit être d’autant plus fréquent, que la suppuration est plus abondante. L’objet essentiel est d’éviter que la matière formée ne puisse séjourner sur la partie, et encore plus sur les parties environnantes, ce qui oblige à panser l’animal plusieurs fois dans la journée ; mais il importe de ne pas rendre ces pansemens douloureux, et d’éviter de faire saigner les ulcères.

Quant aux tumeurs enfoncées, il ne faut pas en attendre la suppuration ; elles contractent plutôt des adhérences avec les parties voisines, et deviennent par-là très-difficiles à extraire ; il vaut infiniment mieux les extirper le plus tôt qu’il est possible. Cette opération exige des connoissances et de la dextérité, attendu qu’elle doit être exécutée sans faire d’insulte grave aux vaisseaux, aux nerfs, aux capsules articulaires, etc., etc.

Cependant, s’il arrivoit que l’artiste, pour ménager des parties essentielles, ou par d’autres considérations qui auroient pour objet l’avantage de l’animal, se déterminât à ne point emporter entièrement la tumeur, il devroit appliquer sur la portion restante des boutons de feu assez multipliés et assez répétés pour y exciter une suppuration suffisante.

Le pansement sera le même que celui précédemment indiqué.

Nous avons quelquefois observé que le feu, de même que les substances caustiques, avoit augmenté la dureté la tuméfaction de la peau, soit qu’on n’eût pas cautérisé assez fort, soit que le cautère eut agi avec un excès de violence : c’est pourquoi il faut en bien mesurer le degré, et même préparer la partie.

Le cautère seul est souvent insuffisant pour la cure des ulcères farcineux ; il vaut mieux en disséquer même la base, et extirper leurs bords tuméfiés.

Dans les ulcères et dans les tumeurs qui sont de la nature du farcin, on trouve souvent le tissu infiltré d’une grosseur considérable, et ayant un aspect carcinomateux, même en quelque sorte cartilagineux ; la seule ressource, dans ce cas, est encore l’extirpation ; plus elle est complète, et plus la cure est prompte. La peau se cicatrise très-difficilement alors, à moins qu’une compression constante ne la tienne adaptée aux parties auxquelles elle doit se réunir. Si nous la ménageons dans d’autres circonstances, nous ns pouvons, pour celle-ci, donner d’autre conseil que de couper à plat les bords, les bourrelets qui rendent la partie difforme et la cicatrice très-difficile.

Nous avons fait remarquer que de nouvelles éruptions farineuses peuvent attaquer d’autres parties, quelquefois plus intéressantes que celles qu’on a traitées, et que ces éruptions sont opiniâtres et ordinairement plus graves que celles qu’on vient de guérir. Cette nouvelle éruption sera empêchée en passant aux fesses, au poitrail ou à l’encolure, suivant les cas, deux, trois ou quatre sétons, dont le trajet, sous la peau, ait deux décimètres ou un pied de longueur.

Ces sétons seront aux deux faces de l’encolure, si le farcin se manifestoit à la tête, et surtout dans le voisinage de la membrane du nez, pour éviter que la morve ne vienne à y développer son appareil formidable.

Traitement intérieur et général. Notre objet, ainsi que nous l’avons annoncé, sera rempli en stimulant avec mesure l’économie en général, et en excitant particulièrement l’attention de l’organe cutané.

L’antimoine diaphorétique non lavé, (oxide d’antimoine blanc par le nitre) peut remplir cette indication.

Ou bien, prenez gomme ammoniaque et tartre vitriolé (sulfate de potasse) de chaque une once ; triturez ces deux substances dans un mortier, et lorsqu’elles sont en poudre, dissolvez-les, en versant peu à peu, pendant que l’on continue de faire agir le pilon, un demi-litre de décoction de saponaire bouillante.

Le mélange étant bien fait, et devenu tiède, faites prendre à jeun et doucement, en une dose. Si l’animal se refuse absolument à prendre ce breuvage, faites-en un opiat, en incorporant ces substances dans suffisante quantité de miel. Il faut de plus donner cette même dissolution de gomme ammoniaque en lavemens ; mais on aura soin de fouiller l’intestin rectum, et de le vider avant que de lancer cette liqueur avec la seringue. Il faut encore aviser à tous les moyens de forcer l’animal de garder le lavement. Ces moyens doivent être continués sans interruption pendant quinze à vingt jours. Si à la suite de l’usage de ces médicamens, la brosse enlève beaucoup de crasse, c’est une marque que la transpiration s’opère. Dans le cas contraire, il faut avoir recours aux bains de vapeur, (Voyez Vapeur) que l’on fera prendre tous les trois à quatre jours ; et donner, pendant le bain et à la sortie, trois ou quatre pintes d’infusion de parties égales de fleurs de sureau et de coquelicot.

Si le farcin est compliqué d’eaux aux jambes, de gale, il faudra, outre le traitement prescrit, joindre ceux qui conviennent essentiellement à ces maladies. (Voyez Eaux aux jambes, Gale.)

Si l’on remarque des signes d’affection vermineuse à la première cornée de ce breuvage, ajoutez une cuillerée à bouche d’huile empyreumatique distillée sur l’essence de térébenthine. S’il y avoit des tumeurs œdémateuses sous le ventre ou aux extrémités, il faudroit ajouter au breuvage cinq à six gros de sel martial ou vitriol vert, une once de sel commun, et doubler la dose d’huile empyreumatique distillée.

Soins et régime. Outre ceux que nous avons prescrits comme prophylactiques, il faut soutenir les forces du sujet par de l’avoine, donner de la paille dans les intervalles, et ne permettre l’usage du foin qu’autant qu’il sera nécessaire pour empêcher l’animal de dépérir. On donnera d’avoine la moitié de ce qu’il consommoit ordinairement, et on y ajoutera une poignée de blé froment, ou une pareille quantité de féveroles ; la boisson sera l’eau pure, dans un seau de laquelle on aura fait dissoudre une once de sel de nitre, et deux onces de sel commun. L’animal sera placé dans une écurie très sèche et très-saine, ni fraîche ni chaude, dans laquelle on aura soin que l’air se renouvelle, dont le sol sera tenu propre et garni d’une litière fraîche. Le pansement de la main sera répété matin et soir ; il sera exécuté à fond, et doit essentiellement consister dans l’action de la brosse que l’on ne sauroit promener trop long-temps et trop fortement sur toute la surface du corps. L’éponge, avec laquelle on nettoiera les parties flasques, comme le fourreau, les paupières, les naseaux, ne doit être qu’humectée, pour éviter de les mouiller.

Quant à l’exercice, il doit avoir lieu matin et soir, s’exécuter au pas pour les chevaux massifs, et au petit trot pour les chevaux légers. Cet exercice doit se continuer long-temps et être d’autant plus soutenu, que celui qu’ils ont quitté étoit plus actif ; car rien ne donneroit plus d’intensité à la maladie, qu’un repos absolu ; mais il faut prendre garde que l’exercice ne sorte des bornes raisonnables : il y auroit autant d’inconvéniens à épuiser les forces de l’animal, qu’à le condamner à l’inaction. L’exercice de la charrue ou de la herse est celui qui convient le mieux, pourvu qu’on en retire les chevaux avant qu’ils ne soient en sueur. Les animaux rentrés à l’écurie, on les couvrira, mais on ne leur donnera à manger qu’après une bonne de mi-heure de repos.

Il me faut pas oublier que le succès des moyens que nous avons prescrits dépend de leur concours. Ainsi, le farcin grave, rebelle, soit qu’il consiste dans des chapelets, dans des ulcères, dans des tumeurs irrégulières, doit être traité à la fois par l’opération, par les moyens intérieurs, et par des soins exacts. Nous avons encore désigné celui qui est au dessus du pouvoir de l’art, et que le talent de l’artiste doit reconnoître d’abord comme incurable. (Ch. et Fr.)